Zone peertageuse temporaire

Le 2 mai 2012

Ce mardi 1er mai, une bourse aux échanges numériques était organisée dans le cadre du Festival des ouvertures utiles. Un pied de la nez à la Hadopi pas très légal, alors que ni Sarkozy ni Hollande ne veulent l'enterrer.

Entrée de la bourse aux échanges numériques, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

Avant de rentrer, on va vous demander de devenir membre de notre association.

De prime abord, cette contrainte pour participer à la première bourse d’échanges numériques organisée par Shakirail dans la cadre du 8ème Festival des ouvertures utiles (FOU) a de quoi surprendre. Surtout venant de la part d’un collectif artistique en squatt plus ou moins conventionné dans un ancien vestiaire et centre de formation de la SNCF à côté de la gare du Nord, et qui propose de partager des fichiers IRL, in real life, en partenariat avec le hackerspace le Loop, le temps d’un 1er mai au parfum de lendemains qui chantent sans DRM.

La demande n’a rien d’un gonflage forcé des adhérents mais vise à créer une zone de flou juridique, comme l’explique Sophie, une des organisatrices qui se définit comme une “anarchiviste” :

C’est pour se couvrir, le partage a ainsi lieu dans le cadre de l’association.

Bon, sauf que dans la tête assez tordue du législateur français, ce tour de passe-passe ne marche pas : l’exception pour copie privée fonctionne dans le cadre familial et amical. Peu importe, personne ne viendra saisir les fichiers coupables.

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Sur la forme, cette bourse s’inscrit dans la lignée d’autres actions visant à défendre dans un espace physique une certaine vision de la culture fondée sur le partage insouciant. Le tout dans un contexte global  de renforcement du droit d’auteur.

Ainsi récemment une copy party a été organisée à la bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon pour rappeler le droit à la copie privée des œuvres. On pense aussi au projet Dead Drops. Initié par l’artiste berlinois Aram Batholl, il consiste à contourner la loi qui réprime les échanges de fichiers peer-to-peer sur le réseau mais pas dans la rue. Les gens sont donc invités à partager des œuvres via des clés usb plantées dans les murs de la ville.

Vue sur les voies ferrées de la gare de l'Est, depuis la bourse aux échanges numériques, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

C’est aussi un moyen de rappeler que “l’immatériel a besoin de support matériel, les fils de cuivre”, note Sophie. Et que le piratage est “un acte collectif”, comme le souligne Benjamin Jean, membre de Framasoft, qui soutient les logiciels libres, et de Veni Vidi Libri, qui promeut les licences libres.

Parmi les participants de ce pied de nez à la Hadopi, on croise Stéphane Lestage, secrétaire de Parinux, venu avec des distributions de Linux et “quelques films propriétaires, mes films geek, comme War games ou Matrix :

Nous venons en bons voisins, de notre côté nous organisons des Install party Linux. On essaye aussi de faire connaître les musiques libres.

Dans la grande salle, la "copy party" bat son plein, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

Droite-gauche, kif kif bourricot

Quel que soit le prochain Président de la République, la bourse aux échanges numériques a de fortes chances de rester encore pertinente l’année prochaine. En effet, Nicolas Sarkozy prône le maintien de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protections de droits sur Internet (Hadopi). Et pour cause, c’est à l’initiative de son camp politique qu’elle a été mise en place. Quant à François Hollande, il entretient le flou sur la question. Stéphane Lestage soupire :

Je n’attends pas de miracle si Hollande passe. Le sujet est transpolitique. Il y a beaucoup d’artistes qui sont à gauche qui ne sont pas les derniers à chouiner sur leurs droits d’auteur. Et des députés de droite se sont opposés à la Hadopi. Des deux côtés, je retiens le désintérêt et la superficialité, ils écoutent des experts qui sont juges et partis.

Jérémie Nestel, de Libre accès, a commencé son intervention par un constat tout aussi sombre :

La norme, c’est le domaine public et non le droit d’auteur. Il y a eu renversement du paradigme.

Partage en face à face, à la bourse des échanges numériques, (cc) Sabine Blanc/Ophelia Noor pour Owni

Noir, c’est noir ©, il y a encore de l’espoir, Sophie se réjouit de voir des enfants :

C’est bien, ils voient qu’il existe un usage loyal dans un cadre pédagogique.

Une exception pédagogique en proie pourtant, elle aussi, à des coups de boutoir. Non, décidément, on n’a pas fini de boursicoter entre pairs. Et Joseph, de Kassandre, un collectif de cinéastes diffusant leurs films sous licence libre, de lancer :

Il faut multiplier les copy parties.


Old bonus mais toujours bon : Libre accès avait interrogé Jean-Luc Godard sur le droit d’auteur. Apparemment, Françoise Hardy n’a pas été convaincue.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

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