Un lipdub, ou clip de promotion est une vidéo réalisée en play-back et en plan-séquence par des collègues d’un milieu professionnel, généralement destiné à une diffusion sur Internet ou d’autres réseaux.
Si l’on utilise, par exemple, une chanson diffusée dans le commerce sous la forme d’un CD, il sera nécessaire d’obtenir des droits auprès de l’auteur de la musique et de l’auteur des paroles, voire auprès de l’arrangeur si l’arrangement s’avère lui aussi original. Il faudra également l’autorisation du producteur du CD de l’enregistrement utilisé (ne pas se tromper de version de la chanson) et celle de l’interprète qui bénéficient tous deux de droits voisins.
Une autorisation au titre du droit moral pourrait être envisagée, l’interprétation étant susceptible de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre lorsqu’elle est déformée par une mauvaise exécution, par une modification des paroles (ce qui sera sans doute simple à prouver, … à moins de démontrer que l’on est dans le registre de l’humour, la parodie étant une exception au droit d’auteur, et dans ce cas plus besoin de l’accord du parolier !), ou tout simplement pour avoir été utilisée à des fins non désirées. A cet effet, avant toute diffusion, il sera opportun de contacter les auteurs et les interprètes, voire leurs ayants droits si ceux-ci sont décédés.
C’est ce qui permettra d’exploiter l’œuvre musicale dans un cadre collectif sur internet, lors de divers évènements institutionnels, mais aussi sur l’intranet de l’entreprise, en n’oubliant pas de mentionner les auteurs dans les crédits.
Pour une diffusion sur Internet ou intranet, c’est la société de gestion collective Sesam qui sera votre interlocuteur. Comme Sesam ne représente, via la Sacem, que les auteurs, il faudra également contacter le producteur qui vous accordera souvent – mais pas toujours –l’autorisation des interprètes. Les auteurs peuvent – cas rare mais à envisager – n’être pas membres de la Sacem. Dans ce cas, il vous appartient de les retrouver.
Mais Sesam n’accorde pas le droit de télécharger l’enregistrement. Si vous souhaitez octroyer cet usage, il faudra contacter en outre la Sacem et le producteur.
En revanche, si le lipdub est diffusé lors d’une manifestation (assemblée générale, journée portes ouvertes, …), l’accord de la Sacem est suffisant car, dans ce cas, cette société de gestion collective représente également les sociétés de gestion collective de producteurs et d’interprètes. Si ce n’est que les auteurs et les interprètes doivent être directement contactés au titre du droit moral. Et oui !
Lorsque la vidéo est réalisée avec l’aide d’une agence de communication, il faut régler par contrat outre la question de la prestation, celle des droits et, au titre du droit à l’image, il est prudent d’obtenir l’autorisation de ses collègues ou personnes apparaissant sur le clip. On ajoutera qu’il faut éviter de filmer des lieux protégés par le droit d’auteur et des lieux privés sans autorisation expresse, ou encore d’adopter des chorégraphies toujours sous droit, comme celles réalisées par Michael Jackson, pourtant si tentantes.
En cas d’infraction, une notification sera faite aux plateformes hébergeant votre vidéo qui ne s’embarrasseront pas de vérifier leur licéité, et supprimeront votre clip supposé contrefaisant ((La Sacem qui avait déjà négocié avec Dailymotion, a conclu un accord avec YouTube le 30 septembre 2010. Depuis le 1er octobre 2010, la mise en ligne sur YouTube permet de se passer de l’autorisation de la Sacem, mais pas de celle des producteurs de CD ni des artistes-interprètes que cette société ne représente pas (encore) ou portant atteinte à la vie privée, à charge pour vous de présenter les accords obtenus, dans une notification de contestation. Rappelons qu’une contrefaçon est passible d’une peine allant jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Mais rassurez-vous ! Avant tout procès, il peut y avoir négociation.
En imaginant que vous-même ou l’un de vos collègues composiez la musique et les paroles, les arrangiez, créiez le scénario, procédiez à l’enregistrement et à son montage (au risque d’être moins percutant), et en cédiez expressément les droits à votre employeur. Vous pouvez aussi utiliser des chansons proposées sous une licence Creative Commons, lorsque la licence autorise un usage commercial et la création d’une œuvre dérivée, faute de quoi il faudra négocier auprès de l’ayant droit de la musique et des paroles pour réaliser votre lipdub qui représente une œuvre dérivée de l’œuvre première.
Votre œuvre sera protégée à son tour. A vous d’en définir les usages ! Le lipdub de Justin notaire par exemple, autorise le mix, le karaoke, le téléchargement de photos etc. … – et d’en accorder les droits à des tiers, au coup par coup ou via une licence Creative Commons (ou une autre licence libre de votre choix), si celle-ci est compatible avec les utilisations qui vous ont été accordées.
Quelques règles
La prochaine assemblée générale se tiendra dans un manoir que vous avez loué. Vous payez un prestataire pour enregistrer cet évènement, le diffuser en temps réel, puis le mettre en ligne sur l’extranet de votre entreprise. Votre prestataire vous propose d’ « habiller graphiquement les images » et de créer des contenus pour le rendre plus « spectaculaire ».
Il faut donc à nouveau un contrat ad hoc avec l’agence de communication pour régler la question de la prestation et des droits d’auteur. Il faut aussi l’accord des propriétaires du lieu de tournage en prêtant attention aux œuvres encore protégées par le droit d’auteur qui pourraient s’y trouver : un tableau, une sculpture, etc., surtout si, par malheur, on devait les apercevoir par la suite en gros plan.
Il vous faut aussi l’accord exprès des intervenants qui doivent connaître les lieux de diffusion, en l’occurrence l’extranet de l’entreprise. Un accord tacite pour les autres personnes peut être envisagé, mais celles-ci doivent être informés – sur l’invitation, par exemple – que la manifestation sera filmée et du lieu de diffusion. Si vous songiez à d’autres usages, il est prudent de les mentionner immédiatement.
Votre vidéo est enrichie. Vous vous trouvez face à une œuvre composite pour laquelle il faut négocier les droits permettant l’insertion d’autres œuvres dans l’œuvre initiale – la vidéo – et une mise en ligne sur l’extranet, voire pour d’autres usages.
Et ainsi de suite ….
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Article paru dans le n° 4, 2010 de la revue Documentaliste consacrée aux vidéos en ligne
>> photos flickr CC Reinis Traidas ; Daniel F. Pittago ; Terry Chay
]]>Un lipdub, ou clip de promotion est une vidéo réalisée en play-back et en plan-séquence par des collègues d’un milieu professionnel, généralement destiné à une diffusion sur Internet ou d’autres réseaux.
Si l’on utilise, par exemple, une chanson diffusée dans le commerce sous la forme d’un CD, il sera nécessaire d’obtenir des droits auprès de l’auteur de la musique et de l’auteur des paroles, voire auprès de l’arrangeur si l’arrangement s’avère lui aussi original. Il faudra également l’autorisation du producteur du CD de l’enregistrement utilisé (ne pas se tromper de version de la chanson) et celle de l’interprète qui bénéficient tous deux de droits voisins.
Une autorisation au titre du droit moral pourrait être envisagée, l’interprétation étant susceptible de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre lorsqu’elle est déformée par une mauvaise exécution, par une modification des paroles (ce qui sera sans doute simple à prouver, … à moins de démontrer que l’on est dans le registre de l’humour, la parodie étant une exception au droit d’auteur, et dans ce cas plus besoin de l’accord du parolier !), ou tout simplement pour avoir été utilisée à des fins non désirées. A cet effet, avant toute diffusion, il sera opportun de contacter les auteurs et les interprètes, voire leurs ayants droits si ceux-ci sont décédés.
C’est ce qui permettra d’exploiter l’œuvre musicale dans un cadre collectif sur internet, lors de divers évènements institutionnels, mais aussi sur l’intranet de l’entreprise, en n’oubliant pas de mentionner les auteurs dans les crédits.
Pour une diffusion sur Internet ou intranet, c’est la société de gestion collective Sesam qui sera votre interlocuteur. Comme Sesam ne représente, via la Sacem, que les auteurs, il faudra également contacter le producteur qui vous accordera souvent – mais pas toujours –l’autorisation des interprètes. Les auteurs peuvent – cas rare mais à envisager – n’être pas membres de la Sacem. Dans ce cas, il vous appartient de les retrouver.
Mais Sesam n’accorde pas le droit de télécharger l’enregistrement. Si vous souhaitez octroyer cet usage, il faudra contacter en outre la Sacem et le producteur.
En revanche, si le lipdub est diffusé lors d’une manifestation (assemblée générale, journée portes ouvertes, …), l’accord de la Sacem est suffisant car, dans ce cas, cette société de gestion collective représente également les sociétés de gestion collective de producteurs et d’interprètes. Si ce n’est que les auteurs et les interprètes doivent être directement contactés au titre du droit moral. Et oui !
Lorsque la vidéo est réalisée avec l’aide d’une agence de communication, il faut régler par contrat outre la question de la prestation, celle des droits et, au titre du droit à l’image, il est prudent d’obtenir l’autorisation de ses collègues ou personnes apparaissant sur le clip. On ajoutera qu’il faut éviter de filmer des lieux protégés par le droit d’auteur et des lieux privés sans autorisation expresse, ou encore d’adopter des chorégraphies toujours sous droit, comme celles réalisées par Michael Jackson, pourtant si tentantes.
En cas d’infraction, une notification sera faite aux plateformes hébergeant votre vidéo qui ne s’embarrasseront pas de vérifier leur licéité, et supprimeront votre clip supposé contrefaisant ou portant atteinte à la vie privée, à charge pour vous de présenter les accords obtenus, dans une notification de contestation. Rappelons qu’une contrefaçon est passible d’une peine allant jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Mais rassurez-vous ! Avant tout procès, il peut y avoir négociation.
En imaginant que vous-même ou l’un de vos collègues composiez la musique et les paroles, les arrangiez, créiez le scénario, procédiez à l’enregistrement et à son montage (au risque d’être moins percutant), et en cédiez expressément les droits à votre employeur. Vous pouvez aussi utiliser des chansons proposées sous une licence Creative Commons, lorsque la licence autorise un usage commercial et la création d’une œuvre dérivée, faute de quoi il faudra négocier auprès de l’ayant droit de la musique et des paroles pour réaliser votre lipdub qui représente une œuvre dérivée de l’œuvre première.
Votre œuvre sera protégée à son tour. A vous d’en définir les usages ! Le lipdub de Justin notaire par exemple, autorise le mix, le karaoke, le téléchargement de photos etc. … – et d’en accorder les droits à des tiers, au coup par coup ou via une licence Creative Commons (ou une autre licence libre de votre choix), si celle-ci est compatible avec les utilisations qui vous ont été accordées.
Quelques règles
La prochaine assemblée générale se tiendra dans un manoir que vous avez loué. Vous payez un prestataire pour enregistrer cet évènement, le diffuser en temps réel, puis le mettre en ligne sur l’extranet de votre entreprise. Votre prestataire vous propose d’ « habiller graphiquement les images » et de créer des contenus pour le rendre plus « spectaculaire ».
Il faut donc à nouveau un contrat ad hoc avec l’agence de communication pour régler la question de la prestation et des droits d’auteur. Il faut aussi l’accord des propriétaires du lieu de tournage en prêtant attention aux œuvres encore protégées par le droit d’auteur qui pourraient s’y trouver : un tableau, une sculpture, etc., surtout si, par malheur, on devait les apercevoir par la suite en gros plan.
Il vous faut aussi l’accord exprès des intervenants qui doivent connaître les lieux de diffusion, en l’occurrence l’extranet de l’entreprise. Un accord tacite pour les autres personnes peut être envisagé, mais celles-ci doivent être informés – sur l’invitation, par exemple – que la manifestation sera filmée et du lieu de diffusion. Si vous songiez à d’autres usages, il est prudent de les mentionner immédiatement.
Votre vidéo est enrichie. Vous vous trouvez face à une œuvre composite pour laquelle il faut négocier les droits permettant l’insertion d’autres œuvres dans l’œuvre initiale – la vidéo – et une mise en ligne sur l’extranet, voire pour d’autres usages.
Et ainsi de suite ….
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Article paru dans le n° 4, 2010 de la revue Documentaliste consacrée aux vidéos en ligne
>> photos flickr CC Reinis Traidas ; Daniel F. Pittago ; Terry Chay
]]>Le 17 novembre 2010, nous apprenions que le groupe Hachette avait conclu un accord avec Google pour numériser ses ouvrages épuisés. Hachette étant le premier éditeur français et le deuxième éditeur au niveau mondial, il était difficile de négliger le « symbole » et « le coup de tonnerre » que représente un tel accord, même si tenter d’en imaginer l’impact est sans nul doute une gageure.
On qualifie généralement d’œuvre épuisée une œuvre encore protégée par le droit d’auteur qui n’est plus disponible dans le commerce. Plus précisément [pdf], il y a épuisement lorsque l’œuvre n’est pas rééditée à la demande de l’auteur dans un délai « raisonnable » par l’éditeur. Il doit s’agir d’une indisponibilité définitive, à dissocier de la simple rupture de stock qui ne rend l’œuvre indisponible que momentanément.
Toutefois, définir la notion d’épuisement ne semble pas aussi simple que cela puisqu’on a crû bon de préciser qu’une définition sera donnée dans l’accord Hachette/Google.
On notera qu’il s’agit d‘un protocole d’accord et que Google et Hachette ont six mois pour en finaliser les conditions. Mais si les négociations se poursuivent, nous disposons déjà de plusieurs informations.
L’accord concerne la numérisation des ouvrages dont les droits appartiennent à Hachette. Il s’agit d’ouvrages en langue française qui ne sont plus commercialisés, ce qui représente environ 70 % du fonds de Hachette Livre et des maisons d’édition qui font partie du groupe, soit 40.000 à 50.000 livres. Nous savons aussi que l’accord couvre le territoire français et qu’il prend en compte « le droit local », soit le droit français.
Hachette fournira chaque trimestre la liste des ouvrages que Google peut numériser. Dans le faits, trois possibilités sont offertes aux éditeurs du groupe Hachette :
- exiger de Google qu’il détruise le fichier de l’ouvrage qu’il détient après avoir numérisé l’ouvrage présent dans les fonds des bibliothèques américaines ;
- n’accorder à Google que le droit d’indexer le fichier à des fins de promotion ;
- autoriser Google à commercialiser le fichier sur sa propre plate-forme.
Dans ce dernier cas, la copie du fichier que Google remet à Hachette peut être exploitée librement par ce dernier, notamment sur les plates-formes des libraires ou pour une impression à la demande. C’est ce fichier que Hachette proposerait ensuite (dans un délai donné, qui semble encore inconnu à ce jour) à la Bibliothèque nationale de France (BnF), mais celui-ci ne pourrait pas être consulté gratuitement ni, plus étonnamment, intégralement par les utilisateurs.
Google et Hachette se partageront les revenus de la vente selon des modalités non divulguées, car sans doute encore objet de négociations. Dans le projet de Règlement aux États-Unis (non encore avalisé par le juge américain), le partage se ferait à hauteur de 37 % pour Google et 63 % pour les éditeurs.
Abandon de l’opt-out et du Fair use par Google
Tel est le « changement essentiel » puisque Google qui n’envisageait jusqu’à présent que de retirer une œuvre une fois numérisée à la demande (éventuelle) des ayants droit (opt-out), accepte, dans cet accord, d’attendre l’autorisation des éditeurs (opt-in) avant de numériser les œuvres.
En outre, pour les œuvres couvertes par cet accord, il n’y aura pas de mise en ligne d’extraits (autorisée sans autorisation expresse au titre du Fair use américain) sans autorisation des ayants droit, ce qui représente un changement de politique radical de la part de Google.
Il appartient à l’éditeur d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession (art 132-12 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Selon le CPI, une édition sera dite « épuisée » lorsque deux demandes de livraisons d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois (art L 132-17 du CPI).
Mais si l’on ajoute que, lorsque sur mise en demeure de l’auteur, l’éditeur n’a pas procédé à une réédition dans un délai convenable (six mois) lorsque la première édition est épuisée, l’auteur reprend ses droits, on saisit mieux l’un des enjeux de cet accord.
Si des accords similaires devaient être conclus avec d’autres éditeurs, avec Google ou avec d’autres acteurs, les œuvres seraient toujours disponibles commercialement, du moins pendant la durée définie dans le contrat qui lie l’auteur à l’éditeur.
Bien mieux l’œuvre serait toujours accessible par le cloud computing, quel que soit l’endroit où le consommateur se trouve dans le monde. Doit-on ainsi comprendre que le modèle privilégié sera l’accès et non le téléchargement, appelé à tomber en désuétude ?
Lorenzo Soccavo explique à Idboox :
Les notions de livres indisponibles, de tirages épuisés, de ruptures de stocks [ont bien des chances de] voler en éclats.
Et David Drummond explique aussi au Monde que :
Les auteurs français auront [certes] de nouveaux débouchés commerciaux pour leurs livres et les lecteurs à travers le monde auront disposeront d’ouvrages qui avaient disparu.
L’accord n’est pas « un quitus pour le passé ». Il ne se traduit donc pas par un abandon des procédures judiciaires en cours par les éditeurs français.
Mais il n’en reste pas moins que cet accord pourrait avoir un impact sur les décisions qui seront prises en appel. L’éditeur La Martinière [à l’origine du procès fait à Google] lui-même n’affirme-t-il pas que « si Google était jusqu’à présent hors la loi, si son revirement se confirm(ait]e, cela devrait faire bouger les lignes ».
Toutefois, la méfiance serait de mise car, selon le SNE, « Google n’a jamais respecté ses engagements jusqu’à présent ». Mais cette « vigilance » n’est pas « hostilité » et l’accord Google/Hachette a indéniablement « ouvert la brèche » pour d’autres éditeurs en France et ailleurs.
Cet accord n’y met pas fin. Si l’accord Google/Hachette peut être gagnant/gagnant pour les protagonistes, voire pour les auteurs vigilants et qui ont les moyens de négocier, il risque de l’être beaucoup moins pour les petits éditeurs et les libraires et pour l’accès aux contenus.
L’éditeur ne dispose pas automatiquement des droits « numériques » de ses auteurs. Les éditeurs affirmaient eux-mêmes qu’ils n’en disposent par contrat que depuis une quinzaine d’années.
Par ailleurs, en l’absence d’exploitation, comme nous l’avons souligné, les droits accordés à l’éditeur reviennent à l’auteur. Mais plus qu’un avenant au contrat, c’est un nouveau contrat qui doit être envisagé avec l’auteur pour ce mode d’exploitation et, quoi qu’il en soit, une rémunération propre à ce mode d’exploitation non prévu au départ.
La Société des gens de lettres (SGDL) recommande aux auteurs d’être vigilants sur la nature des cessions accordées à leurs éditeurs, sur leur durée, et la rémunération afférente. Elle met aussi l’accent sur le respect du droit moral. Rien n’interdit aux auteurs, en effet, de reprendre le contrôle de leurs œuvres [14].
Parmi ces œuvres épuisées figureront immanquablement des œuvres orphelines, soit des œuvres dont les éditeurs eux-mêmes ne parviendront pas toujours à retrouver les ayant droits pour procéder aux renégociations indispensables.
En toute logique, ces œuvres ne devraient pas figurer dans la liste des œuvres appelées à être numérisées. Les éditeurs tablent sur la gestion collective qui devrait être organisée prochainement par une loi et par une directive européenne. Pourtant les conditions envisagées aujourd’hui semblent bien lourdes
Au niveau européen, on avait préconisé des modèles de licences [pdf, en] à transposer au niveau national. Selon une enquête rapide auprès de bibliothécaires membres d’Eblida, opérant dans divers pays européens, ces modèles ne semblent avoir été adoptés par aucun pays.
Par ailleurs, en France, des négociations étaient en cours entre les éditeurs et le ministère de la Culture, sans doute en concertation avec la BnF. Pour cette « zone grise », il semble que l’on ait envisagé la voie contractuelle, préconisée dans leurs rapports par Marc Tessier [22], avant lui par Bernard Stasse [pdf], permettant de numériser les œuvres épuisées en échange d’une rémunération forfaitaire, mais aussi la voie législative, qui aurait organisé une gestion collective pour les œuvres épuisées publiées avant 1990.
Doit–on imaginer qu’en regard des difficultés et de la longueur des négociations les niveaux politiques n’ont aucun poids face aux « titans » de la culture et de l’Internet ?
Dommage car ces modèles nationaux et européens prenaient en compte les intérêts commerciaux mais peut-être davantage aussi les intérêts des auteurs ainsi que celui du public, ce dernier point étant fondamental si l’on ne veut pas donner prise au piratage.
Selon Frédéric Mitterrand, d’ailleurs, « les problématiques de la numérisation ne peuvent pas être laissées au seul secteur privé » et « la brèche ouverte » par Hachette met en péril le modèle économique défini dans cadre d’un partenariat privé/public, qui visait, dans le cadre du Grand emprunt, à numériser et à rendre accessibles 400 000 ouvrages du XXe siècle totalement indisponibles aujourd’hui.
Dans son rapport, Marc Tessier soulignait que s’il « n’est pas anormal qu’un partenaire privé ayant pris a sa charge la numérisation de collections bénéficie de certaines contreparties – notamment d’une exclusivité d’exploitation commerciale des fichiers », mais qu’il convient de « s’assurer que ces contreparties n’affecteront pas la mise en valeur et l’exploitation de ces fichiers par les bibliothèques elles-mêmes ».
S’il semble (sous réserve) difficile de connaître aujourd’hui les modalités de cette mise à disposition de œuvres épuisées, Hachette risque fort d’imposer ses conditions. Or, cette « zone grise » qui pourrait exploitée de manière particulière par les bibliothèques ou à des fins pédagogiques et d’enseignement, joue aussi un rôle important pour « la présence patrimoniale française sur les réseaux ».
Hathi Trust est un consortium qui propose aux auteurs qui sont titulaires de leurs droits de déposer leurs œuvres et de les rendre accessibles selon une licence [pdf] donnant une autorisation non exclusive de copier leur ouvrage pour des usages non commerciaux. Elle leur assure, notamment aussi via la qualité des métadonnées associées, une excellente visibilité. (Savoir plus sur le blog S.I.Lex)
Le ministre estime aussi que la gestion collective obligatoire était particulièrement adaptée à « la mise au jour de la zone grise ».Mais puisque le modèle, dans l’environnement numérique, semble être l’accès permanent, en streaming, pourquoi ne pas s’orienter plutôt vers des licences nationales pour couvrir les usages en bibliothèques et les usages pédagogiques ? Frédéric Mitterrand n’a-t-il pas souligné aussi, lorsqu’il évoquait les œuvres épuisées, que ce type de projet « « a une portée essentiellement patrimoniale et politique », qu’il s’inscrit non en termes de rendement financier immédiat, mais bien pour son caractère exemplaire au titre de présence patrimoniale sur les réseaux ?
Voir aussi
>> Article initialement publié sur Paralipomènes et sur le site de l’ADBS
>> Illustrations FlickR CC : azrasta, Thorsten Becker, Lin Pernille ♥ Photography
]]>Un basculement a eu lieu il y a une quinzaine d’années, note Michel Vivant, lorsque les pays occidentaux (soit le Nord géopolitique) ont pris conscience du poids économique de la propriété intellectuelle, ce qui s’est traduit par une refondation des règles, de nouveaux usages mais aussi de nouveaux questionnements, ces derniers laissant ainsi augurer, me semble-t-il, de nouvelles règles. La période actuelle pourrait bien représenter une nouvelle période charnière.
Telle était la teneur de l’intervention de Michel Vivant le 4 novembre 2010 dans le cadre d’un cycle de conférences organisé par la cité des sciences sur le thème d’ « ACTA, HADOPI : la propriété intellectuelle à l’âge d’internet » et que l’on peut écouter sur la page Universciences de Facebook.
Les règles de la propriété intellectuelle ont été forgées au 18e siècle par l’Angleterre, les Etats-Unis et la France, soit dans un contexte historique et économique particulier. Le droit d’auteur des pays continentaux et le Copyright, « cousin proche » mais aux règles différentes, défendaient les libraires des 17e et 18e siècle (que l’on appellerait aujourd’hui éditeurs ou majors), règles que les auteurs avaient su « récupérer » à l’époque.
Par ailleurs, cette propriété intellectuelle qui, au-delà du droit d’auteur, recouvre aussi brevets, marques, dessins et modèles, … se trouve aujourd’hui partout, derrière une automobile qui renferme marque, brevet, logiciel, dessins, … ou des fleurs qui représentent aussi des droits d’obtentions végétales.
Mais la propriété intellectuelle a toujours été « pétrie d’idéologie », opposant radicalement ceux qui la refusent et ceux qui la défendent farouchement, dans des camps regroupant des gens divers (comme les hyperlibéraux et les libertaires qui figurent tous deux parmi les opposants les plus radicaux), dont les discours vont s’entrecroiser sans jamais se rencontrer.
Cette propriété intellectuelle envahissante, aux règles toujours « ancrées » dans un période historique et culturelle spécifique, présente des enjeux sociaux et géopolitiques qu’il importe donc de savoir décrypter, en sortant de tout discours idéologique.
Le poids important et croissant des créations immatérielles, notamment celui des industries culturelles, dans les économies des pays occidentaux mais aussi des pays émergents comme le Brésil, démontre, si besoin était, le rôle moteur de l’innovation, aujourd’hui le seul domaine où les pays du Nord ont encore de l’avance.
L’année du basculement avec les accords sur les ADPIC, instrument complémentaire de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signés à Marrakech. La propriété intellectuelle entre alors clairement dans le champ du commerce.
Dans une réaction défensive, les grands pays développés ont voulu lutter contre le passager clandestin qui se mêle au jeu sans en respecter les règles. Les ADPIC devaient imposer des règles communes selon un modèle unique, celui des pays du Nord.
Mais, si les pays développés peuvent déroger à certaines règles, que dire alors des pays pauvres à qui l’on veut imposer des standards totalement éloignés de leurs besoins? C’est aussi oublier que les pays occidentaux ont pu se développer en imitant ce qui se faisait à l’étranger et que l’espionnage industriel – baptisé pudiquement « brevet d’importation » - est aussi une source d’innovation.
Par ailleurs, ce paysage mondial reste pour le moins brouillé, si l’on évoque le poids du piratage chez les « dragons » asiatiques, ou les deux économies de la Chine, pays qui joue le jeu du droit international tout en permettant au piratage de prospérer.
On continue à imposer un schéma qui n’est pas repensé à l’aune actuelle du numérique, d’où l’inefficacité des règles de plus en plus nombreuses et importunes, et un rejet par le corps social (et Hadopi me semble à cet égard l’exemple actuel le plus patent).
Alors certes reproduire sans en avoir le droit est une contrefaçon et opérer sur le marché sans respecter les règles est répréhensible. Mais il serait stupide, d’un point de vue social (mais aussi économique, me semble-t-il) de sanctionner de la même manière l’acteur économique qui vend des CD pirates et le jeune qui télécharge. D’ailleurs les tribunaux ne s’y trompent généralement pas.
Pour récompenser la création et l’innovation, la propriété intellectuelle donne le pouvoir de s’opposer à certains modes d’exploitation. Mais bloquer des modes d’exploitation pour s’assurer des revenus revient à utiliser la propriété intellectuelle de manière dévoyée. Il suffit d’évoquer les patent trolls, portefeuilles de brevets constitué uniquement pour menacer les entreprises et engranger des rentes, de manière plus ou moins licite, au grand dam des PME, fragilisées, et de l’innovation de manière générale.
Ce n’est pas le droit qui assure pas le succès, mais la rencontre d’une œuvre ou d’une invention avec un public, souligne fort justement aussi Michel Vivant. L’équilibre sur lequel est fondé la propriété intellectuelle a pour objectif de favoriser la création. Il convient de s’en souvenir.
Le modèle du libre est apparu en réaction contre le verrouillage. Même s’il ne s’oppose pas à la propriété intellectuelle car ce mécanisme s’appuie sur le droit d’auteur et le Copyright, il pose des problèmes lorsque la liberté devient obligatoire (les licences virales obligent à suivre les règles imposées par ces licences) et lorsque les licences sont incompatibles.
L’impossibilité d’imposer des règles à l’échelle du monde, l’inefficacité d’un modèle fondé des schémas du passé et la protection à outrance qui suscite des réactions radicales (piraterie, ou liberté imposée) conduit à s’interroger.
Mais plus que la légitimité de la propriété intellectuelle dans ce nouveau contexte, la question pertinente est celle de la légitimité d’un modèle de propriété intellectuelle imposé sans être discuté.
La règle ne doit pas être la même en tout temps, en tout lieu et pour tout mode de création et d’innovation. Le droit est un instrument. Il ne fonctionne bien que s’il est utilisé dans le contexte pour lequel il a été mis au point.
Or ACTA, tant décrié, semble tenir compte des spécificités locales, et les accords de Doha, négociés en réaction contre les ADPIC, jouaient déjà sur la flexibilité. Il importe effectivement de donner aux pays du Sud la faculté d’adopter des systèmes de transition avant d’adopter la norme internationale imposée par les pays occidentaux.
Sortir du cadre, comprendre que la propriété intellectuelle n’est pas est un acquis mais un choix de société établi dans un contexte donné en temps et en lieu, voilà la clef qui permettrait de trouver des solutions. Le contexte ayant changé, un autre modèle de propriété intellectuelle doit être défini et adopté pour répondre aux réalités du moment.
Comme Michel Vivant, on n’hésitera donc pas à reprendre Montesquieu qui affirmait que « la loi la plus satisfaisante est celle qui est adaptée aux besoins d’un peuple ».
>>>Article initialement publié sur le blog Paralipomènes
>>Crédits photo sur Flickr sous licences Creative Commons : opensourceway ; Cold Storage ; qthomasbower
Notes
]]>Telle est l’ambition de Neelie Kroes, Commissaire européenne chargée de la société numérique. Dans un discours, bref et ô combien percutant, prononcé lors du Forum d’Avignon le 5 novembre dernier, elle a fustigé les « gardiens de contenus » et les intermédiaires, « condamnés à s’adapter ».
Voici, entre les lignes, les points forts de son intervention.
1. Neelie Kroes prête à revoir le système du droit d’auteur, Nathalie Silbert, Les Échos, 5 novembre 2010
2. Bruxelles s’attaque à la gestion des droits d’auteurs en Europe, AFP, Le Point, 5 janvier 2010
3. EU Digital Agenda VP: need to “sideline content gatekeepers”, Jared Moya, Zero Paid, 5 novembre 2010
4. Hinting at a copyright regime that cuts out the middle man, Dana Blankenhorn, ZD-Net, 11 novembre 2010
5. Le discours de Neelie Kroes [pdf]. Sur Electron Libre
6. Europe. L’agenda numérique des dix prochaines années, M.B., ADI, 24 juin 2010
Le forum d’Avignon
7. Forum d’Avignon 2010. Sur le site du ministère de la Culture
8. Le gotha des médias se réunit pour parler du web payant, Johan Weisz (StreetPress), OWNI, 10 novembre 2010
9. Au Forum d’Avignon, nous avons entendu… Regards sur le numérique, Antoine Bayet, 5 novembre 2010
10. Le Forum d’Avignon 2010 [vidéo]. Sur Arte
11. L’Europe et la société de l’information planétaire. Rapport au Conseil européen par Martin Bangemann. Bruxelles : 1994
Évoqués aussi
12. David Cameron annonce une réforme du droit d’auteur britannique, Le Monde, 5 novembre 2010
13. UK copyright laws to be reviewed, announces Cameron , BBC, 4 November 2010
14. Multi-territory licensing audiovisual works in the European Union. Sur le site KEA
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Billet initialement publié sur Paralipomènes ; images CC Flickr racineur
]]>Certes, le discours de Lawrence Lessig doit être replacé dans un contexte juridique anglo-saxon et il est vrai que l’acception de la citation au titre du fair use par le copyright, plus large que la citation du droit continental, peut représenter quelquefois un extrait d’œuvre, ce que la citation, exception au droit d’auteur, ne permet pas du tout en France. Mais il n’en reste pas moins que la citation est intimement liée à la liberté d’expression des deux côtés de l’Atlantique et que les propos tenus récemment par Lawrence Lessig, juriste américain à l’origine des licences Creative Commons, qui milite pour une application du fair use aux œuvres audiovisuelles, ont à nouveau attiré mon attention
On vient d’apprendrequ’invité à faire partie d’un jury dans un concours de vidéos réalisées à partir de la technique du remix, Lawrence Lessig avait utilisé cette opportunité pour présenter ses idées. Il avait ainsi souligné qu’utiliser, pour la remixer à d’autres, une œuvre encore protégée par le droit d’auteur devrait se faire sans autorisation, même pour d’autres types d’œuvres que le texte, puisque cet usage qui s’apparente à la citation satisfait aux exigences du fair use du copyright américain.
Et de regretter, par exemple, que Viacom qui, bien que reconnaissant l’utilité du fair use, exige régulièrement que YouTube retire des copies prétendument piratées de ses émissions de télévision, même lorsqu’il s’agit de vidéos où l’uploader a “remixé” le contenu original.
Mais, sorti de son contexte, le discours de Lawrence Lessig tenu à cette occasion, devenu ainsi une apologie du piratage, a suscité un tollé.
Pour répondre à ses détracteurs, Lawrence Lessig a rappelé que le remix était une création à part entière, qui va au-delà du simple assemblage d’une série d’œuvres. Il a également souligné l’apport intellectuel de ce type de création et la nécessité de fixer, tout comme pour l’écrit, des règles pour cette forme d’expression appelée à connaître un grand essor, notamment auprès des jeunes générations.
Mais ces règles ne peuvent pas être les mêmes que celles qui sont utilisées par les cinéastes professionnels qui doivent obtenir l’autorisation expresse des auteurs d’œuvres qu’ils entendent utiliser . Selon Lawrence Lessig, lorsqu’il s’agit de travaux d’amateurs, il conviendrait d’appliquer les règles de la citation littéraire autorisant la reproduction de l’œuvre sans autorisation expresse, mais en exigeant que l’on cite les noms des auteurs des œuvres utilisées.
Lawrence Lessig a ajouté que l’auteur du remix est un auteur à part entière et qu’il était anormal que les plates-formes qui hébergent ces œuvres exigent du remixeur qu’il leur cède tous ses droits. Le droit d’auteur s’applique de la même façon quelles que soient la nature de l’œuvre ou les modalités de sa création.
Intéressante aussi, cette ultime remarque de Lawrence Lessig qui, tout en soulignant que le remixeur dispose de tous les droits sur l’œuvre qu’il a créée et qu’il a liberté d’en définir les règles de sa diffusion, qu’il serait opportun que celui-ci diffuse le résultat de son travail, en faisant bénéficier les tiers des mêmes libertés dont il a pu bénéficier pour créer son œuvre, en autorisant une libre utilisation de celle-ci à des fins non commerciales.
Il est vrai que le droit de citation permet en France d’insérer de très brefs extraits d’œuvres dans une œuvre seconde et que, contrairement à l’image fixe, la reprise d’œuvres audiovisuelles est admise. Mais extrêmement courtes, elles doivent être insérées dans un œuvre seconde et « être justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées » (art. L 122-5 du code de la propriété intellectuelle). Elles ne seront de ce fait pas applicables à ce cadre trop large qui, en outre, sera jugé souvent esthétique ou ludique.
“La citation élargie“ que l’Interassociation archives bibliothèques documentation … (IABD) avait appelé de ses vœux lors de l’examen du projet de loi Dadvsi en 2005, aurait permis, comme le proposait la directive européenne elle-même, d’insérer dans le droit français une exception permettant de reprendre dans un cadre non commercial des extraits de documents à conformément aux bons usages et la mesure justifiée par le but poursuivi, remplaçant ainsi le concept de brièveté par celui de proportionnalité, bien plus adaptée à la donne numérique. Mais envisagée qu’à des fins de critique ou de revue d’information, elle ne s’applique pas à ce cadre non plus.
C’était l’un des éléments, parmi bien d’autres, que j’avais souligné dans un dossier sur le droit d’auteur bousculé par les internautes créateurs de contenus.
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Billet initialement publié sur Paralipomènes
Image CC Flickr One_day_in_my_garden et Ivan Zuber
]]>Selon l’article du Monde [1], ce contrat couvre la diffusion en ligne par YouTube du répertoire musical géré par la Sacem et la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012. Si l’on ne dispose pas de tous les détails de l’accord, le montant versé par YouTube serait calculé en fonction de la part de marché de YouTube et des montants versés par ses concurrents pour la période 2006-2010, puis en fonction du nombre de vidéos visionnées par jour et des types de formats publicitaires associés pour la période 2011-1012.
Si la négociation a achoppé si longtemps entre la Sacem et YouTube, c’est parce que la Sacem tenait à appliquer la règle qui, en droit français, veut qu’une rémunération proportionnelle à l’exploitation de l’œuvre soit versée aux auteurs. Selon l’article L 131-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), en effet, on ne peut envisager un paiement forfaitaire que lorsque la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée, lorsque les moyens d’en contrôler l’application font défaut ou lorsque l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité.
Pour répondre au souci de rémunérer chaque auteur en fonction des usages réels de leurs œuvres, la Sacem a donc obtenu de YouTube un engagement à fournir les données statistiques de visualisation à compter de l’année 2011.
Il était effectivement intéressant de souligner que, contrairement à Viacom, aux États-Unis, la Sacem n’a jamais exigé que l’on retire de la plate-forme les œuvres qu’elle gère, mais qu’elle entend favoriser une exposition maximale de son répertoire pour rémunérer au mieux ses auteurs [1].
On notera aussi avec intérêt que YouTube avait déjà négocié, souvent avec difficultés, avec les homologues de la Sacem au Royaume-Uni et en Allemagne. Et l’on ajoutera que la Sacem avait déjà négocié avec deux sites français – Dailymotion, en octobre 2008 et WatTV – et qu’elle peut s’attaquer maintenant à MySpace et Facebook. De son côté, YouTube a signé aujourd’hui avec huit sociétés d’auteurs dans le monde. Cet accord ne couvrant que la musique, YouTube doit négocier à présent, en France, avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (Sacd) et la Société civile des auteurs multimédias (Scam), pour que les vidéos soient totalement couvertes.
Moins satisfaisante sans doute sera cette dernière remarque soulignant que l’accord a été établi avec la Sacem, société de gestion collective qui représente les paroliers, les compositeurs et les éditeurs de musique. La Sacem ne représentant ni les producteurs ni les artistes-interprètes, il convient toujours, lorsque l’on entend utiliser des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur et les mettre en ligne sur YouTube ou d’autres plates-formes ayant négocié avec la Sacem, obtenir l’autorisation des producteurs, voire celle des artistes-interprètes si les producteurs ne disposent pas de leurs droits. En outre, n’oublions pas qu’il faut toujours disposer des droits des auteurs, via la Sacem ou par d’autres voies si les auteurs ne sont pas membre de cette société, pour diffuser cette œuvre musicale sur d’autres supports (un blog, un intranet, un site internet, ..). Doit-on ajouter que l’accord via Dailymotion ou YouTube n’autorise qu’un usage privé et personnel, ce qui rend impossible tout usage collectif, par exemple dans une entreprise ou une bibliothèque ?
Références
1. Un accord entre la Sacem et YouTube garantit la rémunération des auteurs, Véronique Mortaigne, Le Monde, 30 septembre 2010
2. La Sacem annonce un accord rétroactif avec YouTube, Guillaume Champeau, Numérama, 30 septembre 2010
3. YouTube et les artistes français : Sacem à la folie, Alexandre Hervaud, Ecrans 30 septembre 2010
4. Accord Sacem-YouTube, avancée pour le droit d’auteur sur internet, AFP, Le Point, 30 septembre 2010
5. YouTube et la Sacem signent un accord de diffusion et de rémunération, Christophe Auffray, ZDNet, 30 septembre 2010
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Billet initialement publié sur Paralipomènes
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]]>Selon l’article du Monde [1], ce contrat couvre la diffusion en ligne par YouTube du répertoire musical géré par la Sacem et la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012. Si l’on ne dispose pas de tous les détails de l’accord, le montant versé par YouTube serait calculé en fonction de la part de marché de YouTube et des montants versés par ses concurrents pour la période 2006-2010, puis en fonction du nombre de vidéos visionnées par jour et des types de formats publicitaires associés pour la période 2011-1012.
Si la négociation a achoppé si longtemps entre la Sacem et YouTube, c’est parce que la Sacem tenait à appliquer la règle qui, en droit français, veut qu’une rémunération proportionnelle à l’exploitation de l’œuvre soit versée aux auteurs. Selon l’article L 131-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), en effet, on ne peut envisager un paiement forfaitaire que lorsque la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée, lorsque les moyens d’en contrôler l’application font défaut ou lorsque l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité.
Pour répondre au souci de rémunérer chaque auteur en fonction des usages réels de leurs œuvres, la Sacem a donc obtenu de YouTube un engagement à fournir les données statistiques de visualisation à compter de l’année 2011.
Il était effectivement intéressant de souligner que, contrairement à Viacom, aux États-Unis, la Sacem n’a jamais exigé que l’on retire de la plate-forme les œuvres qu’elle gère, mais qu’elle entend favoriser une exposition maximale de son répertoire pour rémunérer au mieux ses auteurs [1].
On notera aussi avec intérêt que YouTube avait déjà négocié, souvent avec difficultés, avec les homologues de la Sacem au Royaume-Uni et en Allemagne. Et l’on ajoutera que la Sacem avait déjà négocié avec deux sites français – Dailymotion, en octobre 2008 et WatTV – et qu’elle peut s’attaquer maintenant à MySpace et Facebook. De son côté, YouTube a signé aujourd’hui avec huit sociétés d’auteurs dans le monde. Cet accord ne couvrant que la musique, YouTube doit négocier à présent, en France, avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (Sacd) et la Société civile des auteurs multimédias (Scam), pour que les vidéos soient totalement couvertes.
Moins satisfaisante sans doute sera cette dernière remarque soulignant que l’accord a été établi avec la Sacem, société de gestion collective qui représente les paroliers, les compositeurs et les éditeurs de musique. La Sacem ne représentant ni les producteurs ni les artistes-interprètes, il convient toujours, lorsque l’on entend utiliser des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur et les mettre en ligne sur YouTube ou d’autres plates-formes ayant négocié avec la Sacem, obtenir l’autorisation des producteurs, voire celle des artistes-interprètes si les producteurs ne disposent pas de leurs droits. En outre, n’oublions pas qu’il faut toujours disposer des droits des auteurs, via la Sacem ou par d’autres voies si les auteurs ne sont pas membre de cette société, pour diffuser cette œuvre musicale sur d’autres supports (un blog, un intranet, un site internet, ..). Doit-on ajouter que l’accord via Dailymotion ou YouTube n’autorise qu’un usage privé et personnel, ce qui rend impossible tout usage collectif, par exemple dans une entreprise ou une bibliothèque ?
Références
1. Un accord entre la Sacem et YouTube garantit la rémunération des auteurs, Véronique Mortaigne, Le Monde, 30 septembre 2010
2. La Sacem annonce un accord rétroactif avec YouTube, Guillaume Champeau, Numérama, 30 septembre 2010
3. YouTube et les artistes français : Sacem à la folie, Alexandre Hervaud, Ecrans 30 septembre 2010
4. Accord Sacem-YouTube, avancée pour le droit d’auteur sur internet, AFP, Le Point, 30 septembre 2010
5. YouTube et la Sacem signent un accord de diffusion et de rémunération, Christophe Auffray, ZDNet, 30 septembre 2010
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Billet initialement publié sur Paralipomènes
Image CC Flickr jk5854
]]>À paraître sur dans la rubrique “Des brèves sur l’actualité” sur le site de l’ADBS
Que l’on veuille tirer parti des technologies du numérique pour accompagner le vieillissement de la population et les défis climatiques, on ne peut que souscrire à un tel projet ! Mais puisque de l’inévitable comparaison avec les standards nord-américains[1], il ressort que la productivité européenne n’est pas à la hauteur des investissements consacrés à la R&D, que, par ailleurs, 30% de la population européenne n’utilise pas encore l’Internet et que 80% des lignes sont trop lentes pour certaines applications, la Commission européenne, a défini sept domaines d’action [2] qui doivent lui permettre de rejoindre les chiffres des États-Unis.
Il aurait été léger, de notre part, de ne pas examiner les objectifs visés par la Commission européenne en matière d’Internet et de technologies du numérique à l’horizon 2020 [5] [6], dévoilés le 19 mai 2010, ne serait-ce que parce qu’ils touchent étroitement diverses questions liées au droit d’auteur et au filtrage du Net [2] [4], deux aspects au centre de nos préoccupations.
Négligeant de ce fait d’aborder aujourd’hui les mesures qui visent à stimuler les investissements dans le haut débit et les réseaux, la recherche de pointe et l’innovation, à améliorer la compétence des citoyens dans le domaine numérique (ce qui attirera inévitablement l’attention des « travailleurs du savoir » que nous sommes[3]) et à créer des outils dans le domaine de l’énergie, au service des personnes âgées ou handicapées et des patients…, nous n’examinerons que la mesure 1.1, qui vise à ouvrir l’accès aux contenus numériques, la mesure 3 qui vise à améliorer la confiance et la sécurité, et la mesure 4.3 relative à la neutralité de l’Internet.
Soutenir le droit d’auteur
Proposer une directive sur les œuvres orphelines dès 2010, faire adopter des mesures destinées à régler la question des œuvres épuisées et accompagner ces dispositifs par des registres gérant ces œuvres, telles sont les premières dispositions (1.1) qui ont attiré notre attention. On les reliera aux mesures prises pour promouvoir la diversité culturelle et le contenu créatif (7.3), qui se traduisent par des mécanismes adoptés pour stimuler notamment la numérisation du patrimoine culturel européen (récent a-t-on ajouté, ce qui est à la fois vague et réducteur) financés grâce à des partenariats entre secteur public et privé, pour lesquels un comité des sages[4] est chargé de proposer un modèle économique durable.
Toujours pour favoriser « l’émergence d’un marché numérique dynamique », premier des objectifs définis, la Commission européenne entend aussi faciliter la gestion des droits en rendant les sociétés de gestion collective plus transparentes et en donnant l’opportunité aux titulaires des droits sur les œuvres de proposer des licences transnationales et paneuropéennes. La Commission européenne envisage d’étendre ces mesures, jusqu’à présent cantonnées au secteur de la musique, une velléité ancienne[5], au secteur de l’audiovisuel.
Autant de mesures devant faire émerger une offre légale attractive, ce qui devrait à la fois répondre aux attentes des ayants droits, qui seraient rémunérés, et du public, qui aurait ainsi accès à l’information dans des condition satisfaisantes, et donner ainsi une « réponse efficace au piratage »[6]. Mais on soulignera, comme la Quadrature du Net [4], qu’il s’agit d’une vision bien traditionnelle qui, se bornant à transposer le monde analogique au monde numérique, n’est pas vraiment innovante et risque de ne pas rencontrer le consensus attendu.
La Commission européenne qui entend « ouvrir les contenus », entend aussi lutter contre la contrefaçon. Si ce dernier point est largement développé dans l’article de La Quadrature du Net [4] qui avait accès à l’une des versions de travail de la Commission et qui suit de près cette question, cet aspect est à peine esquissé dans la version finale du texte de la Commission européenne. Elle se borne, en effet, à annoncer un réexamen de la directive européenne sur le respect des droits de la propriété intellectuelle et des mesures supplémentaires, dès 2012, après avoir consulté les divers acteurs concernés. La Commission affirme que si de nouvelles dispositions devaient être prises, elles tiendront compte des garanties fournies par cadre légal des télécommunications et des droits fondamentaux sur la protection des données et de la vie privée.
Mais l’on sait déjà que plusieurs mesures pourraient être prochainement envisagées qui faisant « écho » au rapport Gallo [7] et à Acta [8], généraliseraient le filtrage des réseaux et la riposte graduée, mesures qu’il conviendrait aussi d’encadrer pour éviter des dérives. En ce qui concerne la directive européenne qui vient d’être mentionnée, la Quadradure du Net et les associations représentant les bibliothèques, comme Eblida[9], avaient déjà souligné les dangers de la mention d’ « échelle commerciale » appliquée aux sanctions, qui risque « d’inclure des activités à but non lucratif entre individus telles que le partage de fichiers », incitant ces associations à « militer pour que les sanctions ne concernent que des infractions délibérées et à but lucratif » et à attirer l’attention sur le fait que non seulement les mesures envisagées seraient disproportionnées mais également inefficaces. La même préconisation a été faite par le Parlement européen [9].
Policer la « cyberjungle » [4]
Faire face aux virus et aux spams, lutter contre pédopornographie par des actions de sensibilisation et de formation, organiser des systèmes d’alerte au niveau européen et mondial, on y souscrit totalement ; adopter des mesures techniques sur la gestion des données personnelles dès la conception des produits, obliger les opérateurs à notifier les intrusions dont ils auraient été victimes, tout autant.
Mais on ne peut manquer de constater que la Commission européenne évoque aussi des mesures destinées à bloquer les contenus préjudiciables et à en empêcher la visualisation. Or, en présentant la Loppsi, un projet de loi français sur la sécurité intérieure, on avait déjà souligné que les filtres étaient souvent inefficaces[10] et qu’ils posaient des problèmes pour la liberté d’expression. Les systèmes d’alerte, sur lesquels d’ailleurs la Commission a largement mis l’accent dans son programme, seraient suffisants et bien plus satisfaisants.
En ce qui concerne la neutralité du Net, concept auquel le Parlement européen est très attaché, la Commission européenne annonce vouloir préserver le caractère ouvert et neutre, mais entend néanmoins organiser rapidement une consultation pour évaluer l’encadrement nécessaire. Pour mettre en œuvre des mesures qui pourraient s’imposer, elle affirme, fort heureusement aussi, vouloir tenir compte « d’autres impératifs comme la liberté d’expression, la transparence, investir dans des réseaux ouverts et efficaces, loyauté de la concurrence et ouverture à des modèles d’activité innovants ».
« Deux programmes, une Union européenne »
C’est ce qu’avait souligné malicieusement, ou avec inquiétude, l’auteur du billet d’Edri-gram [2]. Dans le jeu européen, les trois institutions – Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Union européenne – ont le même poids. Or, si la Commission européenne « quitte ses positions conservatrices », ce n’est que « timidement » [4]. On n’y trouve pas encore, par exemple, cette référence à la « cinquième liberté », qui figure dans le texte du Parlement européen [6], liberté qui assure la libre circulation des contenus et de la connaissance et qui a poussé cette institution à demander à ce que soient de prime abord sanctionnés les usages commerciaux des œuvres contrefaisantes. N’a-t-on pas souligné aussi [4] [11]que la Commission européenne n’a finalement pas repris dans la version définitive du texte les dispositions relatives aux standards ouverts qui figuraient dans les versions précédentes, ce qui bloque le développement des logiciel libres [4], une lacune qui pourrait être lourde de conséquences ?
D’ici quelques mois nous saurons comment les arbitrages seront faits pour entrer dans ce ce fameux cercle vertueux de l’économie numérique, seul graphique du document dont je ne manquerai pas souligner, qu’en dehors de la cybercriminalité, les termes sont quasiment identiques à ceux que j’avais découverts en 1994 dans le rapport Bangeman destiné lui aussi à renforcer la compétitivité européenne de l’industrie de l’information.
[1] Ce qui ne lasse pas de m’étonner. Et si l’on prenait le temps de définir des critères européens, le modèle américain n’étant pas forcément la panacée ?
[2] Sept objectifs: 1) créer un marché unique numérique, 2) accroître l’interopérabilité, 3) renforcer la sécurité de l’internet et la confiance des utilisateurs, 4) permettre un accès plus rapide à l’internet, 5) augmenter les investissements dans la recherche et le développement, 6) améliorer les compétences numériques et l’intégration, 7) utiliser les technologies de l’information et des communications pour relever les défis auxquels la société doit faire face, tels que le changement climatique et le vieillissement de la population.
[3] Mesure 6. Favoriser la culture, les compétences et l’intégration économique. Un aspect que l’IABD avait mis en exergue lors de son atelier organisé dans le cadre des Assises du numérique le 20 juin 2008 et qui avait été repris dans le rapport des Assises. Consulter « Les services de bibliothèque et de documentation, acteurs de la chaîne numérique ». Sur le site de l’IABD
[4] Une législation européenne pour les œuvres orphelines. Beaucoup de bruit pour rien ? , ADI, 26 avril 2010
[5] Droits musicaux. Remise en cause des monopoles nationaux. ADI, 23 juillet 2008
[6] Ce qui est l’objectif d’Hadopi 3 en France, projet de loi dont le texte semble n’avoir pas encore circulé. Voir : Hadopi 3 pour la question des dommages et intérêts, ADI, 23 octobre 2009 ou le dossier intitulé Un modèle économique pour l’offre légale culturelle en ligne », M.B., ADI, 18 janvier 2010
[7] Le rapport de l’eurodéputée Marielle Gallo a été adopté par la commission des affaires juridiques du Parlement européen. Il devrait faire l’objet d’un vote en séance plénière au début du mois de juillet. Parmi les nombreux articles publiés sur cette question : L‘UE tranche sur la propriété intellectuelle sur Internet, Boris Manenti, Nouvelobs.com, 1er juin 2010
[8] Ne pas oublier Acta ! ADI, 21 janvier 2010
[9] Voir notamment : Amended proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council on criminal measures aimed at ensuring the enforcement of intellectual property rights – 2005/0127(COD). FFII/EFF/EBLIDA/BEUC coalition report on the proposal as amended in Strasbourg by the European Parliament at its first reading on Wednesday, 25 April, 2007. Sur le site de la Foundation for a Free information
[10] Loppsi : la question des techniques de filtrage, ADI, 15 février 2010
[11] A plusieurs reprises elle évoque effectivement le souci d’assurer l’équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et du public
Références
Textes
5. Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente durable et inclusive. Commission européenne, mai 201
7. Stratégie numérique pour L’Europe. La version de travail (en anglais) utilisée par La Quadrature du Net pour son analyse. Sur le site Pc-Inpact
8. Proposition de résolution du Parlement européen sur un nouvel agenda numérique pour l’Europe: 2015.eu. Sur le site du Parlement européen
9. A new Digital Agenda for Europe : 2015.eu. 5 May 2010. Sur le site du Parlement européen
10. EU Parliament calls for data rights charter, Out-Law.com, 7 May 2010
11. Lack of Open Standards “gaping hole” in EC’s Digital Agenda,Free Software Foundation, 19 May 2005
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Billet initialement publié sur Paralipomènes ; images CC Flickr ksfoto et verbeeldingskr8
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A l’heure où les portails de données publiques prospèrent déjà dans plusieurs pays, et où la France va bientôt présenter le sien [1], les données publiques sont l’objet de toutes les attentions.
Dès 2005 pourtant, une ordonnance [2] qui répondait aux obligations d’une directive européenne [3] organisait déjà les conditions de la réutilisation des informations publiques, en complétant une loi qui aménageait en 1978 la liberté d’accès aux documents administratifs [4] [5].
La loi parle d’informations, soit d’un ensemble intelligible de donnée [6]. Ces informations sont dites publiques car contenues dans des documents élaborés ou détenus par des organismes du secteur public : l’État, les collectivités territoriales, les organismes privés et publics chargés d’une mission de service public.
Échappent à ces dispositions, les documents dont la communication ne constitue pas un droit en application de dispositions législatives, ceux pour lesquels des tiers disposent de droits de la propriété intellectuelle, ceux qui sont élaborés et détenus par les administrations dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial (art. 10).
On note aussi une dérogation importante puisque les établissements et institutions d’enseignement et de recherche, les établissements et organismes ou services culturels peuvent « fixer librement » les conditions de la réutilisation des documents qu’ils élaborent ou détiennent (art.11).
La réutilisation des données, finalité de la loi, doit être entendue comme une utilisation qui se fait « à d’autres fins que celles de la mission de service public en vue de laquelle les documents ont été élaborés ou sont détenus » (art. 10) [7].
La loi accorde à l’administration la possibilité d’ exiger que les sources et la date de dernière mise à jour soient mentionnées et que la réutilisation ne doit pas donner lieu à une altération des informations ou à une dénaturation de leur sens (art. 12).
Lorsque les documents comportent des données personnelles, ils ne peuvent être réutilisés que si la personne intéressée y a consenti, si l’autorité détentrice est en mesure de les rendre anonymes ou si une disposition législative ou réglementaire le permet. Elle rappelle que lorsque des données personnelles figurent dans des documents, la réutilisation doit répondre aux obligations de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (art.13).
La loi sur les données publiques indique aussi que les administrations peuvent soumettre la réutilisation au paiement d’une redevance et à l’obtention d’une licence (art. 15 et 16), que la cession ne doit pas, sauf cas exceptionnel, être exclusive (art.14) et que lorsque l’administration utilise ses informations à des fins commerciales, les restrictions qu’elle est susceptible d’apporter ne doivent pas avoir pour effet de limiter la concurrence (art. 16).
L’une des questions majeures tourne autour de la mise à disposition gratuite de ces informations, y compris pour des réutilisations à des fins commerciales [8], et autour du champ des informations proposées par les administrations.
La loi n’interdit pas qu’une information puisse être utilisée en échange d’une redevance. C’est le cas notamment lorsque des droits (de propriété intellectuelle, par exemple [9]) doivent être acquittés ou que des traitements spécifiques (l’anonymisation, par exemple) doivent être appliqués à un document. Un établissement public peut choisir d’y inclure les coûts de collecte et de production des données, et même une “rémunération raisonnable » de ses investissements.
Les administrations pourraient ainsi réinvestir les sommes collectées pour concevoir de nouveaux produits et services, et répondre au souci d’augmenter la part de l’autofinancement dans leurs ressources.
Mais plusieurs arguments plaident en faveur d’une mise à disposition gratuite : la constitution de ces informations déjà payée par l’impôt et des licences coûteuses à mettre en œuvre (arrêté de facturation, lourdeur contractuelle, frais de gestion) qui représentent un frein à la réutilisation. On note surtout que la gratuité, en favorisant le nombre et la diversité des applications, s’avère avoir un effet de levier pour l’économie et la société. Contribuant ainsi au développement d’une ville [10], d’une région [11], d’un pays, la gratuité s’avérerait dans plusieurs cas plus rentable à terme que les recettes immédiates provenant des licences.
Les informations du secteur culturel ainsi que celles de l’enseignement et de la recherche présentent un enjeu particulier. Puisque les établissements de ces secteurs sont totalement libres d’organiser la réutilisation de leurs données (art.11), ils peuvent aller en deçà des conditions et imposer des demandes de licence avec des redevances définies selon leurs propres critères, y compris pour des réutilisations non commerciales. Ils peuvent aussi se placer sous le giron de cette loi et en adopter les dispositions applicables aux autres établissements, mais aussi aller au-delà et autoriser gratuitement la réutilisation, y compris lorsqu’il s’agit d’usages commerciaux [12].
Favorisant dans ce dernier cas, la diffusion des œuvres, ils contribueront au rayonnement culturel de la France, comme le préconise Bruno Ory-Lavollée dans un rapport diffusé depuis peu officiellement [13]. Ils répondront aussi aux préconisations du Manifeste du domaine public qui met l’accent sur le rôle joué par le domaine public dans le droit d’auteur [14].
Elles répondent aux enjeux qui viennent d’être décrits, mais posent notamment la question de leur articulation avec les dispositions de la loi de 1978.
Pour la loi sur la réutilisation des informations publiques, la licence ne s’impose que s’il y a redevance (art.16). Mais selon le décret du 30 décembre 2005 [15], une administration peut utiliser des licences, même pour une réutilisation à titre gracieux, afin de rappeler les conditions de la réutilisation.
Une licence répond ainsi à la nécessité d’informer les utilisateurs et d’encadrer les usages, un besoin que nous avions déjà constaté [16].
Les licences CC ont été conçues pour encadrer les usages des œuvres protégées par le droit d’auteur. Une administration peut choisir de les utiliser pour organiser les réutilisations des données pour lesquels elle détient des droits de propriété intellectuelle, voire même, avec l’accord des intéressés, pour les documents sur lesquels des tiers disposent de droits de propriété intellectuelle.
Mais s’il s’agit d’informations, de données ou de documents qui ne sont plus protégés par le droit d’auteur, ces licences ne sont pas adaptées. Ainsi, par exemple, l’option CC Paternité-Pas de modification interdit, en interdisant toute œuvre dérivée, toute réutilisation et l’option CC Paternité, tout comme le protocole CC Zéro, qui conduit à mettre une œuvre dans le domaine public, trop larges, ne répondent pas notamment aux obligations de l’article 12 de la loi [17].
En revanche, on peut choisir de recourir à la licence Information Publique (IP) [18], conçue comme une licence libre, pour encadrer les réutilisations de données publiques non protégées par le droit d’auteur [19]. Cette licence s’appuie sur le droit des données publiques et non sur le droit de la propriété intellectuelle, tout en se conformant aux dispositions de celui-ci.
La licence IP, choisie par le ministère de la Justice [20] pour être appliquée à certaines de ses données, permet une réutilisation gratuite, y compris à des fins commerciales des données du répertoire d’une administration. Elle ajoute des conditions à la licence Creative Commons Paternité [21], en reprenant celles de loi modifiée de 1978 qui impose que l’on mentionne les sources et la date de mise à jour, que l’on n’altère pas les données et n’en dénature pas le sens.
Elle prévoit aussi que celui qui a utilisé une donnée publique ne puisse autoriser une réutilisation de celle-ci, par une nouvelle licence, que s’il a ajouté de la valeur (documentaire, technique, éditoriale) à la donnée initiale. Cette licence, accordée pour une durée limitée, mais reconductible tacitement [22], donne des garanties supplémentaires à l’administration. Elle donne aussi des garanties à l’utilisateur, assuré d’une utilisation « paisible » des données.
La licence IP est n’est conçue que comme un élément d’une panoplie de contrats [23], puisque toutes les informations publiques n’ont pas vocation à être libérées. Certaines ont donné lieu à des traitements spécifiques, d’autres ont pu faites en co-production, et certaines utilisations commerciales donneront lieu à des redevances [24].
La licence IP est par ailleurs appelée à évoluer. Des travaux se poursuivent pour affiner celle-ci, notamment en regard d’autres licences libres [25].
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> Article initialement publié sur Paralipomènes
Crédit Photo CC Flickr : roboM8
[1] Réutilisation des données publiques : chaque pays, son credo, Virginie Boilles,Archimag, n° 234, mai 2010 – Open Data : leçons des expériences anglo-saxonnes, Caroline Goulard, ActuVisu Blog, 31 mai 2010
[2] Ordonnance n°2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Sur le site Legifrance.
[3] Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public. Base de données Eur-Lex (Commission européenne)
[4] Actualités du droit de l’information : La réutilisation des données publiques, Michèle Battisti, n°59, juin 2005 – La transposition de la directive sur les données publiques, M.B., n°53, décembre 2004
[5] Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.Sur le site Légifrance
[6] Document, donnée, information,connaissance, savoir, Didier Frochot, Les infostratèges, 16 décembre 2003
[7] Des exemples sont donnés sur le site de la CADA .
[8] Une question que nous avions abordée en mars 2010. Voir note 15
[9] L’administration peut détenir les droits d’auteur de ses agents, mais la loi Dadvsi prévoit qu’en cas d’exploitation au-delà de la mission de service public, l’agent est rémunéré par cette exploitation.
[10] Rennes donne accès à ses données publiques, @Brest, 3 mars 2010 – Rennes et Kéolis. Ils ont osé, Libertic, 1er mars 2010 – Une information reprise lors de la journée d’étude organisée par le GFII (note 10)
[11] L’accès aux données publiques, un enjeu pour les régions. Initiative de CC France, février 2010, repris sur Paralipomènes. L’ouverture des informations publiques : un enjeu pour le développement numérique, tel était l’objet d’uneconférence organisée par le GFII, le 20 mai 2010
[12] Pour une analyse très complète de la question :.Les données culturelles resteront-elles moins libres que les autres (malgré la licence IP) ? Calimaq, S.I..Lex28 avril 2010.
[13] Partager notre patrimoine culturel. Propositions pour une charte de la diffusion et de la réutilisation des données publiques culturelles numériques, 2009. Sur le site du ministère de la culture
[14] Manifeste du domaine public. Sur le site Brest-Ouvert
[15] Décret 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi 78-753 du 17 juillet 1978. Sur le site du ministère de la culture
[16] La donnée libre, M.B., Actualités du droit de l’information, 4 mars 2010
[17] La mention des sources, le respect de l’intégrité des données et la non-dénaturation de leur sens qui peuvent être exigés par l’administration.
[18] La licence IP, comme nous avions eu l’occasion de le noter [20], n’est pas agréée aujourd’hui par Creative Commons. Mais des travaux sur sa compatibilité avec ces licences sont envisagés.
[19] Ce qui est le cas des œuvres qui ne sont plus protégées par le droit d’auteur et que l’on entendrait numériser. Puisque le droit moral doit toujours être respecté, les licences libres donnent des garanties
[20] Répertoire des informations du ministère de la justice. Savoir plus sur la licence IP : Peut-on diffuser des données publiques sous licences libres et ouvertes ? Thomas Saint-Aubin, Legalbiznext, 6 avril 2010 – Une licence pour réutiliser librement les données publiques ? M.B., Actualités du droit de l’information, 8 avril 2010.
[21] La licence Creative Commons n’impose qu’une seule condition : citer le ou les auteurs de l’œuvre. Elle ne répond pas à toutes les obligations de loi de 1978.
[22] Une faculté accordée par les licences libres de manière générale, mais la licence IP l’indique expressément.
[23] A côté de la licence IP, le ministère de la justice propose une licence PI (propriété intellectuelle). Charte de réutilisation et démarche à suivre
[24] Dans ce cas, voir la licence click proposée par l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE) .Le site de l’APIE.
[25] Voir, par exemple : Une compatibilité possible entre informations publiques et licences libres ? Benjamin Jean, Veni vidi libri, 8 mai 2010 – Voir aussi : Creative commons licensing for public sector information. Opportunities and pitfalls, Institute for Information Law (IVIR), January 2008.
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