OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La tragédie WikiLeaks http://owni.fr/2010/12/05/la-tragedie-wikileaks/ http://owni.fr/2010/12/05/la-tragedie-wikileaks/#comments Sun, 05 Dec 2010 18:18:27 +0000 Christian Fauré http://owni.fr/?p=38220 Sept remarques sur WikiLeaks.

Première remarque : « single point of failure » dans l’architecture distribuée

C’est peut-être la première fois que j’écris une note en me demandant comment je vais faire un lien vers l’organisation dont je parle, à savoir WikiLeaks.

Voilà le premier problème que pose WikiLeaks, site chassé du web par des hébergeurs, puis par le DNS qui apparaît comme single point of failure du web, une clé de voûte du système trop centralisée pour susciter un intérêt renouvelé pour des DNS en p2p.

Deuxième remarque : une divulgation numérique de masse

Outre ce débat sur les DNS et l’architecture du web, on parle également de liberté d’expression à propos de l’affaire WikiLeaks. En l’occurrence je ne vois pas trop bien pourquoi car il ne s’agit pas tellement de l’expression d’une thèse ou d’une idée mais d’une « divulgation numérique de masse », sans commentaires,  et rendue possible par l’évolution du système technologique. Quoi qu’il en soit les discussions les plus fréquentes se posent en terme de droit et de légalité.

Troisième remarque : une sélection

Nous n’avons pas à faire à des micros divulgations faites par des milliers de personnes grâce au travail d’autres milliers de personnes organisant des copies et des fuites d’information. Nous avons plus vraisemblablement quelques personnes, peut-être une seule, qui dévoile des données qui sont ensuite sélectionnées, organisées et divulguées par une seule organisation.

Aussi, ce ne sont pas les données d’un petit pays africain qui sont divulguées ; ce sont les données de l’administration américaine. Et que se serait-il passé si cela avait été les données de l’administration russe, chinoise ou iranienne ? Il y aurait eu a minima un problème de traduction d’une part, et d’autre part les moyens technologiques mis en œuvre pour pousser WikiLeaks hors du web n’aurait probablement pas été aussi importants.

La démarche de WikiLeaks est dirigée contre les États-Unis, même si c’est tout le monde qui est arrosé par effets de bord.

Quatrième remarque : une tragédie numérique

Outre que WikiLeaks fasse un choix, c’est-à-dire sélectionne les données, tout ceci s’accompagne d’une mise en scène : les annonces sont faites avant les divulgations, la figure de Julian Assange est mise en avant, des stratégies de diffusion se font avec la complicité des grands journaux nationaux. Tout sauf une fuite accidentelle relayée anonymement sur Internet de manière improvisée, à la manière du piratage des œuvres dites « culturelles ».

La mise en scène et la théâtralisation de l’affaire WikiLeaks en font une tragédie numérique.

Comme toute tragédie grecque, il y a un public mais aussi un chœur, peut-être joué par les journalistes, ou tout du moins par un certain journalisme d’investigation que l’on croyait en voie de disparition.

Cinquième remarque : le principe de vérité

Ce que WikiLeaks révèle est vrai. Aucune personne n’a, à ma connaisse, contesté la véracité des documents.

On ne parle pas de rumeurs, les documents sont vrais et il est difficile de s’opposer à la diffusion de la vérité. Quel principe, dans notre civilisation occidentale, peut-on placer au dessus de la vérité ? La justice elle-même recherche la vérité pour juger.

Sixième remarque : une fonction cathartique

Il a été argué que la divulgation de ces documents mettait en danger la sécurité et la vie de certaines personnes. Mais, en même temps, l’état du monde est aujourd’hui tel qu’on ne peut s’empêcher de penser que ces divulgations ne peuvent qu’être bénéfiques car la manière dont fonctionne le monde aujourd’hui ne fait pas que menacer la sécurité ou la vie de quelques personnes.

De la à ce que WikiLeaks endosse une fonction cathartique, une fonction de purification et de libération, il n’y a qu’un pas. D’ailleurs, le logo de WikiLeaks l’illustre et le revendique parfaitement.

Septième remarque : crise de confiance

Cette tragédie numérique témoigne d’une crise de confiance sans précédent, non seulement entre les gouvernements eux-mêmes, mais également entre les gouvernements et les citoyens. Situation renforcée par le fait que, finalement, la seule chose sur laquelle le consensus se fasse entre les gouvernements, c’est la mise à l’index de WikiLeaks. Les gouvernements font bloc et exercent une pression énorme sur tous les acteurs privés pour fermer le robinet : hébergement, DNS, mais aussi solution de paiement avec Paypal qui jette l’éponge.

WikiLeaks, peut jouer le rôle d’un déclencheur, mais sera-t-il pour autant cathartique ?

>> On consultera sur ce le sujet : À propos de wikileaks par Stéphane Bortzmeyer et Suites de la fuite de Jean-Noël Lafargue

>> Article initialement publié sur le blog de Christian Fauré

>> Illustrations FlickR CC : Leo Reynolds, alexjtam, kevindooley

]]>
http://owni.fr/2010/12/05/la-tragedie-wikileaks/feed/ 15
Journaliste (ou pas), la confiance … à tout prix http://owni.fr/2009/10/08/journaliste-ou-pas-la-confiance-a-tout-prix/ http://owni.fr/2009/10/08/journaliste-ou-pas-la-confiance-a-tout-prix/#comments Thu, 08 Oct 2009 06:48:56 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=4352 Chronique diffusée ce mercredi dans Matin Première (RTBF)

La FTC (Federal Trade Commmission) américaine a validé lundi une série de dispositions encadrant «l’usage du témoignage et du parrainage dans la publicité» mettant ainsi à jour des règles de 1980. A l’heure où, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, les budgets publicitaires dépensés sur la toile sont en train de surpasser ceux de la TV, cette update législative de 81 pages risque de provoquer quelques prises de bec entre les acharnés du 1er amendement et de la presse libérée (Jeff Jarvis et Dan Gillmor en tête) et tous ceux qui pensent que le web nécessite d’être régulé, par la porte ou par les fenêtres s’il le faut, tant le danger qu’il représente pour le consommateur est important.

http://media-2.web.britannica.com/eb-media/40/37940-004-07D42373.jpg

(credit photo: Britannica)

Particulièrement visés (avec une sanction de 11.000 $ à la clé pour ceux qui omettraient de déclarer leur “lien matériel” avec une marque), les bloggeurs se retrouvent pointés du doigt par la FTC pour la non transparence dont certains font preuve lorsqu’ils écrivent des billets sponsorisés. Le débat est vieux comme le html et il ne faut pas avoir fait Desirdavenir.com pour savoir que le bloggeur qui veut durer dans le temps applique souvent même sans le savoir certaines règles, partagées (voire même adoptées) à la déontologie journalistique. Mais voilà, pour la FTC, il faut pouvoir tirer un trait entre le “safe à priori” et le “wrong par définition”.

Et c’est bien là tout le problème que pose cette nouvelle réglementation. Pourquoi donc s’échiner une nouvelle fois à distinguer les amateurs des professionnels alors que les premiers produisent quantitativement bien plus d’informations (fussent-elles à caractère commercial et si tant est que “Belgacom sucks !” ou “Microsoft rocks !” puissent être considérés comme des messages informationnels) ? Travailler pour un industriel du bâtiment ou des petits n’avions de guerre affranchirait-il le professionnel encarté du pêché vénal originel qui lui ferait accepter moins facilement que l’amateur passionné de tester la dernière Seat lors d’un séjour full options à Ibiza ?

Comme le souligne The Inquisitr, reprit par Philippe Berry sur 20minutes.fr “Quand avez-vous entendu un critique ciné préciser qu’il a été invité à une projection ou des journalistes high tech mentionner qu’ils reçoivent gratuitement du matériel?». Et de dénoncer les abus, notamment dans les pages tourismes des magazines, malgré une charte déontologique à laquelle les journalistes sont soumis. «Pourquoi la presse ne devrait-elle pas être concernée par les règles de la FTC?», s’énerve The Inquisitr.

Dans la pratique, et la FTC le reconnaît d’ailleurs, il sera impossible de mettre un flic derrière chaque bloggeur ou chaque Twittereur qui publie une appréciation suite à son expérience d’un produit, facilitée ou non par la livraison gratuite à domicile dudit produit. A moins que sous l’angélique apparence d’une “frappe préventive” chargée de protéger le bon peuple, la FTC ne se fasse en fait le bras armé de ceux qui souhaitent voir le web “assaini” de sa part incontrôlable (et qui en fait pourtant toute sa richesse) voire de ceux qui en coulisses oeuvrent pour instaurer un web à deux vitesses ?

Le full-disclosure, (en français, la transparence) car c’est bien de cela dont il s’agit in fine, n’a de sens que quand il est volontaire et non contraint. Car il renforce le lien social qui unit celui qui émet, celui qui reçoit et ceux qui commentent un message. Et surtout, il (re)crée de la confiance. Une valeur qui, que l’on soit journaliste, bloggeur, consultant ou utilisateur lambda, ne s’achète pas et ne se bradera jamais contre un pot de Nivéa, un chèque Bongo ou un gsm, fut-il 3G ou designé à Cupertino …

Billet posté initialement sur Blogging The News

]]>
http://owni.fr/2009/10/08/journaliste-ou-pas-la-confiance-a-tout-prix/feed/ 0