OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un label qui tient le shock ! http://owni.fr/2011/06/09/ekleroshock-label-musique/ http://owni.fr/2011/06/09/ekleroshock-label-musique/#comments Thu, 09 Jun 2011 14:49:48 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=32158 Nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer Matthieu Gazier en tant que représentant français de Mobile Roadie. Aujourd’hui, c’est en tant que fondateur du très bon label Ekler’O’shock que nous lui proposons de s’exprimer. Bosseur passionné, Matthieu a plus d’une corde à son arc et sait intelligemment les combiner afin d’atteindre ses objectifs. C’est à l’occasion d’une exposition organisée pour fêter les 9 ans du label à la galerie La Tour que nous décidons d’en savoir plus sur l’homme à l’origine d’Ekler’O’shock, mais pas seulement… Le roster du label est majoritairement constitué d’artistes électro mais attention, ici, le terme prend une tout autre couleur…

Nous avons questionné Matthieu sur ses intentions, motivations, ainsi que sa vision de l’avenir de l’industrie de la musique. Bref, il nous livre quelques insights de la part d’un professionnel dont les projets de qualité prennent forme.

Afin qu’il ne soit pas le seul à parler de son travail, nous avons invité à Sophie Paumelle, co-fondatrice de l’agence Laps, un atelier de création de à nous parler du label.

EOS.MMX – The Summer Solstice Edition One by EKLER’O'SHOCK/EOS RECORDS

Interview Matthieu Gazier

Pourrais-tu nous décrire ton parcours en quelques lignes ?

1996-1998. J’organise mes premières soirées pendant mes années de lycée à Carnot à Paris avec mon ami Sacha Sieff. Lui joue du hip-hop US, du funk, du rap français, moi de l’electro, de la techno, de l’acid. Ce sont les années où l’on écoute Oxmo Puccino, NTM, Cypress Hill, le Wu Tang, mais aussi Daft Punk, Luke Vibert, les émissions spéciales de radio FG le soir.. J’achète mes premiers disques, je découvre les raves, je passe mon BAC.

1999-2003. Je rentre en école de commerce à l’ESSCA, commence à faire des stages pour Sony, l’agence de promotion Ping Pong, la web agency Supergazol. Parallèlement à ça, je monte une association Hip-Hop qui s’appelle “Boombass” au sein de mon école. L’année suivante, je passe à la vitesse supérieure en montant ma propre association pour lancer un label juste après un séjour de 6 mois à Montréal ou je rencontre la branche nord américaine du label Ninja Tune. A l’époque, à part quelques contacts en radio et chez des djs, je ne connais quasiment rien de la gestion d’un label. J’achète quelques bouquins de l’IRMA, et je me lance avec une première signature repérée sur le forum / site Elektrolink.

2003-2007. Parallèlement à mon poste de content manager France pour Musiwave, le premier distributeur de musique mobile, je continue à développer le label. Je signe Data, Danger, Sacha Di Manolo, Léonard de Léonard.

2007. Je m’associe avec Elegangz et développe les activités du label: plus d’événementiel, de collaborations avec des marques et d’autres artistes.

2009. Je monte deux sociétés, l’une pour les activités de production et de conseil, l’autre d’édition. Danger est notre première signature en co-édition avec Universal. Diverses missions de conseil pour MXP4 et Elegangz notamment.

2010. On signe Paris.

2011. On signe Limousine et Maxence Cyrin. Je poursuis mes activités de conseil en nouvelles technologies, toujours étroitement en lien avec la musique, en prenant la représentation en France de Mobile Roadie. Le label fête ses 9 ans et sort une compilation et organise une exposition à l’occasion.

Matthieu, nous t’avons déjà interviewé auparavant mais en tant que représentant français de Mobile Roadie. Alors, Michael Schneider avait fait la déclaration suivante : “Music is a commodity”. Aujourd’hui, en tant que fondateur d’Ekler’O’shock, comment réagis-tu à cette déclaration ?

Je comprends ce que veut dire Michael Schneider quand il dit ça, car il souhaite montrer que c’est l’environnement et l’expérience que tu vas créer autour d’un artiste qui fait sa valeur ajoutée aujourd’hui, pas simplement son single ou son album.

Il sait très bien de quoi il parle, comment optimiser l’activation d’une base de fans, comment créer une relation nouvelle entre un artiste et son public. En revanche, la musique doit rester l’élément moteur et premier pour moi, donc le métier de producteur reste toujours aussi fondamental aujourd’hui.

Tu nous avais aussi mentionné la différence entre les artistes français et les artistes anglo saxons qui prennent plus facilement en main leur communication via les réseaux sociaux. Comment arrives-tu à expliquer à tes artistes l’importance d’être présent et de s’impliquer dans l’animation de leurs comptes sociaux ?

Je pensais plus aux majors à l’époque en te répondant, je pense que les artistes de mon label comme ceux de nombreux petits labels indépendants s’en sortent particulièrement bien. La communication sur les réseaux sociaux se fait très naturellement chez eux, beaucoup de mes artistes sont autonomes et actifs sur Facebook, Twitter, ou MySpace (à l’époque..). Notre job à nous, label, consiste à créer là aussi un environnement fort sur ces réseaux, en proposant de l’achat de musique, de merchandising, des opérations spéciales, du contenu vidéo, des applications, etc.

Ces temps-ci, nous couvrons plus de fermetures de labels que “d’anniversaires”, pourrais-tu nous donner quelques secrets pour survivre ?

Le modèle d’Ekler’o’shock est de pouvoir produire la musique des artistes, de la faire vivre et la promouvoir le mieux possible.
Pour autant, ni moi ni mes artistes ou mes associés ne vivons économiquement d’Ekler’o’shock en tant que personnes à 100%.
Le label n’est donc pas un “employeur” au sens que peut l’être une entreprise. Nous sommes en effet plus proches du modèle de la coopérative que de la PME ou de la boite de prod finalement.

Je ne me paie pas de salaire, j’ai minimisé mes charges grâce à l’association que j’ai avec une agence qui m’héberge, on contrôle nos dépenses, et je privilégie un mode de fonctionnement artisanal qui me plait assez.

Data et Danger s’en sortent très bien et on peut dire qu’ils vivent de la musique, mais ce sont leurs prestations live qui sont vraiment rémunératrices pour eux, pas leurs disques.

Enfin, on bosse énormément la synchronisation publicitaire, les relations avec des marques pour des projets spéciaux, et puis Ekler’o’shock propose des missions de conseil à divers acteurs. Polydor, Naïve ou Franklin & Marshall font partie des clients avec qui nous avons récemment travaillé sur le conseil, Citroën, Nissan ou encore Agnès B ou Wrangler sur des opérations de synchro ou de partenariats avec nos artistes.

Selon toi, quelles sont les tendances à suivre dans l’industrie musicale ces prochaines années ?

D’un point de vue business, je serais assez concis :

  • les nouvelles offres d’abonnement (mobile, web, telephone fixe et TV + téléchargement de musique / films illimité) étendues à tous avec du dual delivery systématique ordi/mobile,
  • le stockage en ligne de musique, le fameux “cloud”
  • à terme, la licence légale
  • une amélioration de la qualité sonore des morceaux proposés en téléchargement,
  • et aussi une certaine résurgence du disque vinyle et d’une bonne presse papier.

Musicalement, j’espère continuer à voir le niveau de la production progresser, et découvrir chaque jour de nouvelles perles. C’est le cas en ce moment et c’est très agréable. La dance music heureusement, c’est aussi une musique qui peut être raffinée, poétique et sincère, pas telle qu’on la diffuse sur M6 ou Fun Radio. J’espère qu’après les succès internationaux des Daft Punk, Air, Mirwaïs, Justice puis Guetta aujourd’hui, le spectre va continuer à s’élargir pour laisser de la place à tous les courants de la musique électronique sur des réseaux commerciaux puissants. Que des artistes français déjà très reconnus en electro comme Ivan Smagghe, Joakim, Arnaud Rebotini, Cosmo Vitelli, Nôze ou Pilooski infiltrent la musique mainstream et lui redonnent une once de sophistication et d’authenticité.

Je suis pour l’entrisme musical, quitte à ce que ce soit agressif, et ce aussi bien dans la pop mainstream que dans la réalisation de B.O de films.

J’espère aussi sincèrement que des radios comme NRJ ou FUN vont perdre un peu de leur hégémonie sur le paysage audiovisuel français, que la jeunesse va reprendre goût à la contestation en musique, à créer ses propres médias, ses réseaux, et pas suivre bêtement MTV et NRJ. Je comprends le métier de ces gens là, et je le respecte, simplement j’ose espérer que subsistera toujours chez les jeunes un souffle de contestation.

Nous apprécions chez OWNImusic la façon dont vous soignez la qualité musicale et esthétique de vos projets. C’est un aspect qui a généralement été abandonnée par les labels qui favorisent des productions éphémères au potentiel financier immédiat. Cette démarche qualitative requiert un certain investissement et j’imagine que si vous l’adoptez chez Ekler’O’shock, c’est que le retour sur investissement est correct. Comment en persuaderais-tu tes homologues ?

C’est une volonté vraiment personnelle qui n’a rien à voir avec une question économique de retour ou pas sur investissement.
Je me dis simplement qu’on se doit de rendre nos objets beaux, attirants, uniques, surtout à cette époque. Il y a aussi dans un label, comme dans toute entreprise, une “démarche” qualité à suivre. Avec le temps, on essaie de s’améliorer, de se bonifier avec l’âge.

Vous avez organisé une exposition à la galerie La Tour à l’occasion de la sortie de votre nouvelle compile ? Quel est l’intérêt pour un label de s’engager dans une telle démarche ?

J’avais l’envie de nous exposer médiatiquement hors du simple cadre de la musique. Que des gens comprennent ce qu’est un label, en quoi ça consiste, et aussi de montrer qui nous sommes.

On a rédigé un communiqué pour l’occasion, qui explique notre démarche depuis nos débuts en 2002. Beaucoup de gens ne nous connaissent que par un ou deux artistes, la partie la plus visible du label. On avait envie de leur faire découvrir tout le reste. Enfin, c’est aussi un moment fort pour saluer tous les gens qui ont travaillé avec nous de près et de loin. Et ils sont nombreux.

“Nous voulons notre futur ambitieux, musicalement et esthétiquement.” A quel grand changement devons-nous nous attendre avec votre “passage à l’âge adulte” marqué par la sortie de la compilation EOS MMX ?

En premier lieu, nous allons nous consacrer à la production de formats longs avec des nouveaux albums pour Limousine, Maxence Cyrin, Alexandre Chatelard, Data, Danger et Paris. Ensuite, nous sommes progressivement en train de mettre un pied dans le cinéma, le documentaire, la fiction, avec des compositions originales.

J’ai vraiment envie de de développer un catalogue éditorial qui soit encore pertinent dans 10 ans, pas simplement de la club music ou du rock du moment. Enfin, je m’engage à ce que malgré ce passage à l’âge adulte, personne de nous enlève notre fougue et notre passion. Ca fait partie de notre quotidien, et c’est très bien comme ça.

Interview Sophie Paumelle (Laps)

Sophie Paummel a fondé Laps avec Amélie Lengrand en 2007 après avoir effectué leurs premier projet ensemble au café chéri. Sophie Paumelle est photographe et chef de projet pour l’artiste JR. Amélie Lengrand est artiste peintre, architecte de formation.

Quand Matthieu a parlé de monter cette expo, l’équipe de Laps, proche de l’équipe d’Ekler’O’shock est dispo et veux soutenir la démarche de Matthieu. Elles se sont occupées de la scénographie de l’expo.

Les particularités d’Ekler’O’shock ?

Eclectique : je trouve que tous les artistes représentés sont différents tout en ayant une certaine unité. On sent que c’est un label où les gens se connaissent, les artistes sont assez solidaires.

Avant – gardiste : Il a commencé il y a pratiquement dix ans, ce n’était pas forcément un style qui était en place.

“Passage à l’âge adulte” ça veut dire quoi selon toi ?

Ça veut dire qu’il est plus en place qu’avant, plus professionnel, plus fini dans un style qu’il paufine un peu. Par exemple, je sais que Paris sont chez Ekler’O’shock depuis peu, peut-être qu’il veut se diriger vers un style plus précis.

Quoiqu’il arrive, monter un label avec des musiciens, ça reste mystique parce qu’il y a des choses que tu ne peux pas prévoir.

Tes artistes préférés chez Ekler’O’shock ?

J’aime bien Paris, Alexandre Chatelart (mélo, décalé, avec un vrai style) et puis Xerak forcément. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, il se met vraiment en scène, c’est de la performance pour le coup.

Que pourrais-tu nous dire sur Matthieu ?

C’est quelqu’un de fiable, de sérieux, qui bosse dur sur son projet. Il le porte bien parce que c’est le sien et il soigne tous ses artistes.

Qu’as-tu pensé de l’expo ?

Un peu court, c’est une démarche qu’il faut faire une deuxième fois pour faire toujours mieux. Je trouve qu’il manquait une mise en scène qui mène les gens vers la musique. Quelque chose pour comprendre que c’est un label et je serais ravi de le faire la prochaine fois ;)

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Oeuvres photographiées (sucettes et logo en pâte fimo) : Alexandra Bruel

Crédits photos tous droits réservés : Julien Paumelle

Interview réalisée par Lara Beswick

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Filtrage du Net : danger pour la démocratie et l’État de droit http://owni.fr/2009/12/16/filtrage-du-net-danger-pour-la-democratie-et-letat-de-droit/ http://owni.fr/2009/12/16/filtrage-du-net-danger-pour-la-democratie-et-letat-de-droit/#comments Wed, 16 Dec 2009 19:41:57 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=6252 Dolmang - CC by-saLe groupe de travail Framalang du réseau Framasoft, et La Quadrature du Net publient la traduction du résumé d’une étude juridique indépendante sur les dangers du filtrage du Net.

Résumé (pdf/fr), 30 pages
Résumé (pdf/en), 30 pages
Rapport complet (pdf/en), 222 pages

Ce que l’on retire de la lecture de cette étude, c’est que comme lors de la bataille HADOPI, où le gouvernement se cachait derrière la supposée « défense des artistes » pour imposer une absurde et dangereuse coupure de l’accès au Net, des politiques publiques légitimes sont désormais instrumentalisées pour imposer le filtrage gouvernemental des contenus sur Internet[1].

Toutefois, de même que les coupures d’accès, si elles sont appliquées, n’apporteront pas un centime de plus aux artistes et ne feront pas remonter les ventes de disques, le filtrage ne peut en aucun cas résoudre les problèmes au prétexte desquels il sera mis en place.

Si l’objectif de lutter contre la pédopornographie et son commerce est bien évidemment légitime, la solution qui consiste à bloquer les sites incriminés pour éviter leur consultation revient en réalité à pousser, dangereusement, la poussière sous le tapis. Le seul moyen de lutte véritablement efficace contre ces pratiques ignobles passe par le renforcement des moyens humains et financiers des enquêteurs, l’infiltration des réseaux criminels ainsi que le blocage des flux financiers et le retrait des contenus des serveurs eux-mêmes. Or, en la matière, des politiques efficaces existent déjà.

Il importe donc d’améliorer ces dispositifs existants et d’y consacrer les ressources nécessaires, plutôt que de remettre en cause les libertés au motif de politiques de prévention du crime totalement inefficaces. En effet, les arguments de lutte contre la criminalité, au potentiel émotionnel fort, sont aujourd’hui instrumentalisés pour tenter de légitimer un filtrage du Net qui porte pourtant radicalement atteinte à la structure du réseau, et entraîne de grands risques pour les libertés individuelles et « l’état de droit » tout entier.

L’étude dont le résumé de 30 pages vient d’être traduit en français conjointement par les volontaires de Framalang et de La Quadrature du Net est un pavé dans la mare. Elle conteste, démonstrations juridiques à l’appui, l’idée – évoquée par un nombre croissant de gouvernements européens – que le filtrage du Net puisse être une solution efficace et indolore de régulation des pratiques sur Internet. Réalisée par les éminents spécialistes Cormac Callanan[2], Marco Gercke[3], Estelle De Marco[4] et Hein Dries-Ziekenheine[5], ses conclusions sur l’inefficacité et la dangerosité du dispositif sont sans appel :

  • Quel que soit le mode de filtrage des contenus utilisé, il entraîne de graves risques de sur-blocage (risques de faux-positif : des sites innocents rendus inaccessibles).
  • Quel que soit le mode de filtrage retenu, il sera ridiculement facile à contourner. Les criminels se servent déjà de moyens de contournement et continueront d’agir en toute impunité.

La seule mise en place du filtrage entraine des risques de dérives : si l’on commence pour la pédopornographie, pourquoi ne pas continuer par la suite pour la vente de cigarettes sans TVA[6], le partage de musique et de films (comme le souhaitent les lobbies derrière l’ACTA)[7], les sondages en sorties des urnes ou même les insultes au président ? La plupart des pays non-démocratiques (Chine, Iran, Birmanie, etc.) utilisent le filtrage du Net aujourd’hui, systématiquement à des fins de contrôle politique.

La loi LOPPSI (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) sera bientôt examinée au Parlement français. Elle contient des dispositions visant à imposer le filtrage du Net sans contrôle de l’autorité judiciaire, par une autorité administrative dépendante du ministère de l’intérieur.

Il est indispensable que les citoyens attachés à Internet, aux valeurs démocratiques et à l’État de droit se saisissent de cette question, grâce à cette étude, afin de stimuler un débat public. Il est crucial de contrer cette tentative d’imposer un filtrage du Net attentatoire aux libertés fondamentales !

Passages essentiels :

p. 4 : Dans les pays où l’autorité judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, ce qui devrait être le cas dans toutes les démocraties libérales, seul un juge devrait avoir la compétence de déclarer illégal un contenu, une situation ou une action.

Un problème crucial autour des listes noires est celui de leur sécurité et leur intégrité. Une liste de contenus tels que ceux-là est extrêmement recherchée par ceux qui sont enclins à tirer parti d’une telle ressource. Sans même mentionner les fuites de listes noires directement sur Internet, des recherches indiquent qu’il serait possible de faire de la rétro ingénierie des listes utilisées par n’importe quel fournisseur de services.

p. 5 : En tout état de cause, il faut souligner qu’aucune stratégie identifiée dans le présent rapport ne semble capable d’empêcher complètement le filtrage abusif. Ceci est d’une importance décisive lorsqu’on met en balance la nécessité de bloquer la pédo-pornographie et les exigences des droits de l’Homme et de la liberté d’expression. Il semble inévitable que des contenus légaux soient aussi bloqués lorsque le filtrage sera mis en œuvre.

p. 13 : Aucune des stratégies identifiées dans ce rapport ne semble être capable de protéger du sur-filtrage. C’est une des préoccupations majeures dans l’équilibre entre la protection des enfants et les droits de l’homme et de la liberté. Il parait inévitable que le contenu légal soit filtré aux endroits où les filtres sont implémentés. Le sous-filtrage est aussi un phénomène universel spécialement présent dans la plupart des stratégies étudiées.

p 18 : Que l’accès à Internet soit ou non un droit fondamental indépendant, celui-ci est tout au moins protégé comme un moyen d’exercer la liberté d’expression, et chaque mesure de filtrage d’Internet qui tente d’empêcher les personnes d’accéder à l’information est par conséquent en conflit avec cette liberté. Chaque mesure de filtrage limite le droit à la liberté d’expression, de manière plus ou moins large selon les caractéristiques du filtrage et le degré de sur-filtrage, puisque l’objectif initial d’une telle mesure est de limiter l’accès à un contenu particulier.

p 21 : La seule sorte d’accord qui pourrait autoriser une mesure de filtrage serait le contrat entre l’utilisateur d’Internet et le fournisseur d’accès. La légalité d’une telle mesure de filtrage dépendrait pour beaucoup du type de contenu consulté, de la nature de l’entorse aux droits et libertés et des preuves requises. Si cela n’est pas précisé d’une façon raisonnable, il est facile d’envisager que de tels contrats soient considérés comme des entorses à la directive européenne sur les clauses contractuelles abusives, particulièrement si cela permet au fournisseur d’accès à Internet de prendre des sanctions unilatérales à l’encontre de son client.

p 23 : Le filtrage du web et du P2P dans l’intérêt de l’industrie de la propriété intellectuelle. Une mesure de filtrage du web ou du P2P, qui servirait l’intérêt des ayants droit, aurait probablement un effet global plus négatif :

  • tout d’abord, si le filtrage du P2P peut être présenté comme menant à un chiffrement des échanges rendant toute surveillance ou la plupart des contenus impossible, il deviendrait alors impossible de surveiller ces communications, même dans les conditions où cela est autorisé ;
  • ensuite, cela impliquerait des coûts. Elevés pour l’industrie d’Internet, les gouvernements et les internautes ;
  • enfin, cela mènerait à coup sûr au filtrage de fichiers légaux.

Au regard du critère qui requiert qu’il existe une base suffisante pour croire que les intérêts des ayants-droits soient en péril , nous pouvons dire qu’il n’y a aucune preuve d’un tel danger. Il n’y a aucune preuve de la nature et de l’étendue des pertes possibles dont souffrent les ayants-droits à cause des infractions commises à l’encontre de leurs droits sur le web ou les réseaux P2P, étant donné que les études sur ce problème sont insuffisantes ou démontrent un résultat inverse.

Le filtrage des contenus illégaux du web ou du P2P dans le but de la prévention du crime. L’objectif de la prévention du crime devrait être d’empêcher les gens de commettre des crimes ou délits ou d’en être complices en achetant, téléchargeant ou vendant des contenus illégaux. Sa proportionnalité dépendrait de l’équilibre trouvé entre, d’une part, le pourcentage de la population qui ne commettrait plus de délits puisque n’ayant plus accès aux contenus illégaux et, d’autre part, les restrictions des libertés publiques que causerait la mesure. L’effet de la mesure ne devrait pas être une réduction significative de la liberté d’expression ni du droit à la vie privée de chaque citoyen. Il n’existe pour l’instant aucune preuve qu’une mesure de filtrage pourrait aboutir à une diminution des crimes et délits, alors qu’elle restreindrait certains comportements légitimes et proportionnés.

p 25 : Si avoir le droit d’attaquer devant un tribunal une décision qui limite une des libertés est un droit fondamental, cela suppose que cette limitation a déjà été mise en place et que le citoyen a déjà subi ses effets. Par conséquent, il est essentiel qu’un juge puisse intervenir avant qu’une telle décision de filtrage ne soit prise. En ce qui concerne le filtrage d’Internet, ces situations sont tout d’abord relatives à l’estimation et la déclaration d’illégalité d’un contenu ou d’une action, puis à l’appréciation de la proportionnalité de la réponse apportée à la situation illégale.

p. 26 : Un passage en revue technique des principaux systèmes de filtrage d’Internet utilisés de nos jours, et la façon dont ils s’appliquent à différents services en ligne, soulignent la gamme croissante des contenus et des services qu’on envisage de filtrer. Une analyse de l’efficacité des systèmes de filtrage d’Internet met en évidence de nombreuses questions sans réponse à propos du succès de ces systèmes et de leur capacité à atteindre les objectifs qu’on leur assigne. Presque tous les systèmes ont un impact technique sur la capacité de résistance d’Internet et ajoutent un degré supplémentaire de complexité à un réseau déjà complexe. Tous les systèmes de filtrage d’Internet peuvent être contournés et quelquefois, il suffit de modestes connaissances techniques pour le faire. Il existe des solutions logicielles largement disponibles sur Internet qui aident à échapper aux mesures de filtrage.

p. 27 : En bref, le filtrage d’Internet est conçu avec des solutions techniques qui sont inadéquates par elles-mêmes et qui en outre sont sapées par la disponibilité de protocoles alternatifs permettant d’accéder à du matériel illégal et de le télécharger. Il en résulte que l’estimation du caractère proportionné des mesures ne doit pas seulement respecter l’équilibre des divers droits en jeu, mais aussi garder à l’esprit l’incapacité des technologies de filtrage à préserver les droits en question, ainsi que les risques d’effets pervers, tels qu’une diminution de la pression politique pour rechercher des solutions complètes, ou le risque d’introduction de nouvelles stratégies chez les fournisseurs de sites illégaux pour éviter le filtrage, ce qui rendrait à l’avenir plus difficiles encore les enquêtes pénales.

Notes

[1] Crédit photo : Dolmang (Creative Commons By-Sa)

[2] Cormac Callanan est Membre du conseil consultatif Irlandais sur la sûreté d’Internet et directeur d’Aconite Internet Solutions, qui fournit des expertises dans le domaine de la cybercriminalité.

[3] Marco Gercke est Directeur de l’Institut du droit de la cybercriminalité et professeur de droit pénal à l’Université de Cologne.

[4] Estelle De Marco est juriste. Ancienne consultante de l’Association des Fournisseurs d’Accès.

[5] Hein Dries-Ziekenheine est PDG de Vigilo Consult, cabinet de juristes spécialisés dans le droit de l’Internet.

[6] Voir Tabac et vente sur Internet : le gouvernement dément.

[7] En juin 2008, interrogé par PCINpact, le directeur général de la SPPF, Jérome Roger, qui représente les producteurs indépendants français, a déclaré : « les problématiques de l’industrie musicale ne sont pas éloignées de ces autres préoccupations (la pédophilie) qui peuvent paraître évidemment beaucoup plus graves et urgentes à traiter. Bien évidemment, les solutions de filtrage qui pourraient être déployées à cette occasion devraient faire l’objet d’une réflexion à l’égard des contenus, dans le cadre de la propriété intellectuelle ». Voir Quand l’industrie du disque instrumentalise la pédopornographie.

  • Filtrage d’internet et démocratie – Résumé principal (oct.2009 / trad. déc.2009
  • » Article initialement publié sur Framablog

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    http://owni.fr/2009/12/16/filtrage-du-net-danger-pour-la-democratie-et-letat-de-droit/feed/ 3
    Cheveux au vent, Saint-Michel-Sarkozy explose les cocos ! http://owni.fr/2009/11/12/cheveux-au-vent-sarkozy-explose-les-cocos-au-mur-de-berlin/ http://owni.fr/2009/11/12/cheveux-au-vent-sarkozy-explose-les-cocos-au-mur-de-berlin/#comments Thu, 12 Nov 2009 17:37:55 +0000 JBB (Article XI) http://owni.fr/?p=5400 Mieux que ce bon vieux Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne ! Depuis ce matin et un changement de statut Facebook, le monde entier sait qu’il doit sa liberté (ou peu s’en faut) au président français. Il ignore encore – par contre – que l’effondrement du mur de Berlin n’est pas le seul coup d’éclat de Nicolas Sarkozy, infatigable militant de l’anti-communisme. La preuve en images.

    Cela commence à se dire.

    À se murmurer.

    À se savoir, donc.

    Et il n’est désormais plus guère de Français ignorant que le royal meneur de revue, bûcheron d’élite, a fait tomber le mur de Berlin comme d’autres abattent les sapins à la volée.

    Il y était !

    En personne !

    Et pas qu’un peu, hein : il pesait d’une épaule vigoureuse sur le béton, arrachait des bouts de ciment avec ses ongles, luttait pied à pied avec des gardes-frontières liberticides et usait – porté par les encouragements d’une foule enthousiaste – d’une lourde masse d’arme pour mieux faire tomber ce mur honni.

    Bref : il s’est battu comme un lion pour la liberté des peuples, militant acharné arpentant le monde pour faire tomber les derniers vestiges du communisme.

    La classe !
    -

    Comme d’habitude, il s’en trouvera pour médire, douter et crier au coup de communication trop vite monté en sauce.

    Mécréants qui se refuseront à rendre au président ce qui lui revient de droit, soit la paternité de la poussée décisive ayant provoqué la chute du mur.

    Et hérétiques n’acceptant pas le rôle majeur joué par Saint-Michel-Sarkozy dans l’écroulement du communisme, archange ayant finalement bien piétiné la tronche au sale dragon marxiste.

    Qu’importe ces gens de peu de foi, trop habitués à nager dans le scepticisme pour reconnaître à la réalité sa force brute [1], nous – toi comme moi – savons à quoi nous en tenir.

    Sarkozy est grand !

    Alain Juppé est son prophète !

    Et tous deux, partis ensemble pour Berlin en 1989 [2], ont joué un rôle majeur dans la mise au pas d’une rance idéologie !

    Voilà…
    -

    D’ailleurs : je constate avec joie que nous sommes entre gens de bonne compagnie.

    Et je ne résiste pas au plaisir de te dévoiler quelques clichés qu’Article11 conservait au secret, photos attendant l’instant idoine pour être rendues publiques.

    Il me semble que – justement – ce moment est venu.

    Et qu’il serait contre-productif de dissimuler plus longtemps des pièces historiques importantes, aussi essentielles pour comprendre le magnifique destin présidentiel de Nicolas Sarkozy que pour mieux appréhender les décennies qui, des premiers soubresauts des années 1960 jusqu’aux événements de 1989, ont conduit à l’effondrement du bloc soviétique.

    Juge donc par toi-même :

    4 juin 1961 : le président du Conseil des ministres de l’URSS, Nikita Khrouchtchev, homme qui a dénoncé le culte et la terreur staliniens dans un XXe rapport passé à la postérité, inaugure “la détente” et se rend à Viennes pour rencontrer Kennedy. Les deux hommes se serrent la main sous l’œil concentré d’un jeune étudiant de droit, militant anti-communiste venu en Autriche en stop et en compagnie de son ami Alain Madelin.
    Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 4 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Viennes, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre Kennedy et Khrouchtchev. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Madelin pour participer à l’événement qui se profile. »

    26 juin 1963 : John Kennedy se rend à Berlin-Ouest, ville emmurée et devenue symbole. Il y prononce, devant une foule incroyable, un discours reste célèbre. Et lance un « Ich bin ein Berliner » mythique, phrase à laquelle fait écho celle d’un jeune militant anti-communiste français, assis juste derrière lui : « Ich auch. »
    Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 26 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin-Ouest, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre l’Allemagne et les États-Unis. Nous décidons de quitter Paris avec Patrick Devedjian pour participer à l’événement qui se profile. »

    21 novembre 1985 : Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev entament, à Genève, un cycle de discussions et d’accords décisifs, qui mènera à la signature en 1987 du Traité de Washington et à une belle avancée en matière de désarmement. Devant un parterre de journalistes et de photographes, en présence d’un jeune militant anti-communiste français qui a suivi toutes les négociations, les deux présidents se serrent chaleureusement la main.
    Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 21 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Genève, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre l’URSS et les États-Unis. Nous décidons de quitter Paris à moto et avec Christian Estrosi pour participer à l’événement qui se profile. »

    5 juin 1989 : entre le 15 avril et le 4 juin 1989, les manifestations se sont succédées sur la place Tian’anmen, réunissant tous ceux qui, à Pékin, rêvent de réformes politiques et démocratiques. Très durement réprimé, le mouvement finit par mourir dans le sang et les larmes. Mais compte un dernier coup d’éclat, ultime symbole de la volonté de ne pas abandonner la lutte : un homme politique français, par ailleurs militant anti-communiste, se place sur la route d’une colonne de chars chinois et la force à faire halte.
    Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 5 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Pékin, et semblent n’annoncer aucun changement dans les rapports entre le pouvoir et les manifestants. Nous décidons de quitter Paris à pied et avec François Fillon pour participer à l’événement qui se profile. »
    -

    Maintenant que tu as pu vérifier par toi-même.

    Dis-moi : est-ce que c’est pas nous qu’on a le meilleur président du monde ?

    Hein ?


    Notes

    [1] Note que ce sont les mêmes tristes sires qui – déjà – contestaient le rôle majeur joué par le grand timonier dans la relance de la construction européenne ou la résolution du conflit géorgien.

    [2] « Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé pour participer à l’événement qui se profile », explique Nicolas Sarkozy. Quel flair !


    » Article initialement publié sur Article 11 (voir en commentaires pour d’autres merveilleux photomontages)

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