OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Nouvelle pirouette sur l’Internet iranien http://owni.fr/2012/10/09/nouvelle-pirouette-sur-linternet-iranien/ http://owni.fr/2012/10/09/nouvelle-pirouette-sur-linternet-iranien/#comments Tue, 09 Oct 2012 08:13:36 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=121947

La République islamique n’en finit pas de bloquer Internet, de rétropédaler, pour finalement trouver de nouveaux moyens pour limiter toujours plus la pénétration d’informations en Iran. Depuis le 4 octobre, le gouvernement d’Ahmadinejad a trouvé une nouvelle lubie : le son et la vidéo. Les fichiers sons (mp3 uniquement), vidéos (mp4, avi) et au format flash (swf) ne sont plus consultables en Iran, même s’ils sont hébergés à l’extérieur du pays.

L’Internet (verrouillé) made in Iran

L’Internet (verrouillé) made in Iran

Les autorités iraniennes avancent et rétropédalent depuis des mois sur leur projet d'Intranet géant. Hier, le ministre de ...

Cette ligne Maginot est une nouvelle étape de la drôle de guerre de Téhéran pour le contrôle d’Internet. Il y a deux semaines, le ministre délégué aux Communications, Reza Taghipour, annonçait tout feu tout flamme la coupure prochaine de Gmail, le service de messagerie de Google, ainsi que la version sécurisée du moteur de recherche.

Officiellement, les autorités voulaient couper l’accès au film “L’innocence des musulmans”, diffusé sur YouTube. Ou du moins surfer sur cette vague. En creux, l’objectif était plus de diminuer encore les possibilités d’échanger avec l’extérieur. Patatra. Devant la grogne de certaines personnalités politiques, Gmail a été débloqué à peine une semaine après.

Pirouette

De la même façon qu’au printemps lorsque le protocole https, utilisé pour les connexions sécurisées (donc les emails), a été bloqué, le gouvernement est vite revenu en arrière. Le secteur bancaire notamment n’avait pas du tout apprécié d’être ainsi entravé dans sa communication vers l’extérieur. Cette fois-ci, l’insigne honneur d’exécuter la pirouette est revenu au porte-parole du pouvoir judiciaire. Dans le journal iranien Mellat Ma, Gholamhossein Ejeï a déclaré le 2 octobre :

Comme une partie du film anti-Islam avait été diffusé sur le site YouTube et que ce site avait été acheté par Google, en filtrant YouTube il y a eu des perturbations techniques dans l’usage de Google et Gmail.

Circulez, rien n’est censuré. Sauf YouTube, toujours inaccessible. Et même Internet dans son ensemble pour les administrations. Reza Taghipour, aujourd’hui plus ministre du minitel que des Communications, avait aussi annoncé l’ouverture d’un intranet géant pour les institutions.

Contre Stuxnet et la rue

Les menaces redoutées par le régime ont deux noms : cyberattaques et manifestations. Depuis la révolte de juin 2009 après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, Téhéran limite au maximum la circulation de l’information. Par peur qu’un nouveau mouvement naisse sur les réseaux. Ces jours derniers, l’effondrement de la monnaie nationale a provoqué des protestations, jusqu’au bazar de Téhéran, l’un des poumons économiques de la capitale.

Une récente étude (PDF) sur la consommation des médias en Iran, menée dans quatre grandes villes iraniennes, laisse penser que le phénomène a été largement surestimé ou a depuis périclité. Les résultats du sondage, réalisé par l’université de Pennsylvanie, montre que 96% des sondés utilisent d’abord la télévision pour s’informer. Internet n’arrive qu’en quatrième position. Certes, les jeunes (surtout les 18-28 ans) ont plus recours à Internet que leurs aînés, mais le classement n’est pas bouleversé.

C’est en tout cas suffisant pour Téhéran qui n’en finit pas de cadenasser Internet. Par peur aussi de subir de nouvelles cyberattaques. Lundi, un officiel de l’Iranian Offshore Oil Company a affirmé que les systèmes de communications de plusieurs plateformes pétrolières étaient attaqués ces dernières semaines.


Photo par Khalid Albaï [CC-by] via flickr

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L’Internet (verrouillé) made in Iran http://owni.fr/2012/09/24/linternet-verrouille-made-in-iran/ http://owni.fr/2012/09/24/linternet-verrouille-made-in-iran/#comments Mon, 24 Sep 2012 12:43:47 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=120771

Promesse en était faite depuis de longs mois. L’administration iranienne n’est plus reliée au grand réseau mondial depuis hier, selon les déclarations du ministre délégué aux Communications et aux technologies de l’information, Reza Taghipour. Finies les attaques informatiques, exit Stuxnet, bye-bye Flame, ses avatars et réplications ! L’administration a débranché.

Le ministre des Communications avait été très, très courroucé par les révélations sur l’origine de ces cyberattaques, un programme conjoint des Etats-unis et d’Israël baptisé Olympic Games. Il avait alors étrillé “le terrorisme d’Etat”, selon l’agence officielle iranienne Fars News.

Fin juillet, un petit dernier, dans la même veine, faisait son apparition. Selon un mail signé d’un chercheur de l’organisation de l’énergie atomique iranienne, un nouveau virus touchait deux sites sensibles, l’usine d’enrichissement en uranium de Natanz et l’installation restée longtemps clandestine à Fordow. Les ordinateurs infectés se mettaient subitement à jouer Thunderstruck du groupe AC/DC.

Un très grand intranet

Les officiels parlent aujourd’hui d’un intranet destiné à l’administration et non l’ensemble de la population comme il en a parfois été question. Effets d’annonce et rétropédalages ont émaillé ce projet depuis les évocations de “l’Internet halal” en avril 2011 par un membre du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad. Halal, soit licite, en opposition à l’Internet mondiale jugé corrompu.

L’Iran étrangle Internet

L’Iran étrangle Internet

L'Iran accentue sa pression sur le web, en mettant en place plusieurs dispositifs de blocage et de filtrage du réseau. ...

L’argument sécuritaire a bon dos. Le régime a largement ralenti les moyens de communications – Internet et téléphonie mobile – à chaque crise politique depuis les manifestations contestant l’réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Un officiel iranien, Abdolsamad Khoramabadi, a annoncé dimanche que Gmail et Google seraient désormais bloqués, sans avancer d’autres justifications. Mais selon une agence de presse iranienne semi-officielle, le Young Journalists Club, la mesure viserait le film Innocence of Muslims.

Rien ne permet de dire si les annonces ont été suivies d’effet ou n’avait qu’une valeur déclarative. Le rapport de Google Transparency ne montre pas de chute du trafic sur Gmail ou Google. Plusieurs habitants, interrogés tard dans la nuit par le Guardian, n’avaient pas remarqué un filtrage systématique de leur messagerie.


Dessin de Mana Neyestani ©.

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Bûcher diplomatique à Téhéran http://owni.fr/2012/03/12/feu-les-relations-france-iran/ http://owni.fr/2012/03/12/feu-les-relations-france-iran/#comments Mon, 12 Mar 2012 13:00:18 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=101508 OWNI, au mois de décembre, la France a ordonné la destruction des archives diplomatiques de son ambassade de Téhéran. Paris entendait se prémunir contre toute attaque, comme celle conduite deux jours plus tôt contre le Royaume-Uni. Récit d'une semaine brûlante, autour de la piscine de l'ambassadeur.]]>

Les archives brûlent dans la piscine devant la chancellerie de l'ambassade de France en Iran.

Pendant près d’une semaine, début décembre, une fumée noire s’échappait de l’ambassade de France en Iran. Des années d’archives diplomatiques ont brûlé dans la piscine de l’ambassade, à l’initiative de la représentation française (comme le montrent les photos que nous avons recueillies). La mesure se voulait préventive, deux jours après la mise à sac de sites diplomatiques britanniques à Téhéran.

Le 29 novembre, des miliciens affiliés au régime, prennent d’assaut deux enclaves diplomatiques de la Grande-Bretagne. La foule, de taille modeste, saccage les lieux, brûle un portrait de la reine et hisse un drapeau de la République islamique. L’épisode rappelle immédiatement en mémoire la prise d’otage du personnel de l’ambassade américaine, pendant la révolution de 1979. Les chancelleries européennes condamnent à l’unisson cette attaque “scandaleuse”, selon les mots du président français, Nicolas Sarkozy.

Le 30 novembre, le lendemain donc, un email est envoyé aux ressortissants français par l’ambassade :

Par mesure de prudence, nous recommandons aux ressortissants français en Iran de rester à leur domicile dans la mesure du possible et en tout état de cause d’adopter un comportement discret et prudent s’ils sont amenés à sortir dans les lieux publics.

Dans le même temps, le Quai d’Orsay rappelle son ambassadeur en consultation,“compte tenu de cette violation flagrante et inacceptable de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et de la gravité des violences”. Plusieurs membres de l’Union européenne font de même, notamment l’Allemagne, la Suède et les Pays-Bas.

Tensions récurrentes

Paris craint d’être le prochain sur la liste, en raison des tensions fortes qui opposent la France et l’Iran. Depuis le début de sa présidence, Nicolas Sarkozy s’est fait le chantre d’une politique dure envers l’Iran, débordant même le président Obama et sa politique de la main tendue inaugurée aux premiers jours de son mandat, en 2009.

La crise de décembre dernier n’est pas la première, mais son intensité est nouvelle. Craignant pour la sécurité de son ambassade, décision est prise au soir du 1er décembre de supprimer les archives diplomatiques. Le personnel de l’ambassade est réquisitionné. L’ambassadeur de France, Bruno Foucher, décolle dans la nuit pour Paris, officiellement rappelé en consultation. Avant même qu’il ne soit parvenu à destination, un télégramme diplomatique arrive à Téhéran : les services culturels, économiques et militaires doivent fermer et le personnel être rapatrié sous huitaine.

Le lendemain, tous les agents du corps diplomatique sont convoqués à l’ambassade. Renaud Salins, Premier conseiller et chargé d’affaires en l’absence de l’ambassadeur, lit le télégramme diplomatique au personnel rassemblé. Ils doivent quitter le pays d’ici une semaine.

Piscine

Ils partent sept jours plus tard, dans la nuit entre le jeudi 8 décembre et vendredi 9 décembre. Entre temps, la piscine de l’ambassade, en face de la chancellerie, fait office d’incinérateur. Pendant une semaine brûlent les archives de l’ensemble des services diplomatiques. Le consulat détruit tout, sauf les documents les plus récents. De même pour le service culturel, situé dans le Nord de la ville.

De très nombreux aller-retour entre le Nord et le centre de la ville, où est située l’ambassade, permettent de vider les demandes de bourses d’étudiants iraniens, les documents relatifs à des événements culturels, et les télégrammes diplomatiques reçus. Officiellement, il s’agit de protéger les Iraniens en cas d’attaque. Le régime, paranoïaque dès qu’il s’agit de contact avec l’étranger, pourrait reprocher à des citoyens d’avoir été proches des représentations diplomatiques étrangères.

Une partie des archives échappe à la mesure de destruction. Ces documents sont placés dans un container diplomatique scellé, puis expédié dans l’hexagone. Seule la France prend une mesure d’une telle ampleur. L’ambassade italienne, située non loin de l’ambassade de France, s’enquiert de savoir s’ils disposeraient d’informations que les Italiens n’auraient pas, et qui justifierait la destruction de ces archives…

Convoi diplomatique

Jeudi soir, soir du départ, une nouvelle réception est organisée à l’ambassade. Le personnel sur le départ est réuni. Lecture est faite d’un message d’Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères.

Condamnant un “comportement injustifiable” de la part des manifestants responsables de l’attaque des sites britanniques, Alain Juppé annonce la “fermeture temporaire de plusieurs services de l’ambassade”. Il s’agit de ne pas “exposer inutilement” le personnel non indispensable et d’éviter qu’ils ne deviennent “des cibles du régime.”

A 23h, jeudi 8 décembre, un convoi de plusieurs voitures quittent l’ambassade pour l’aéroport. Personnels de la mission économique, de la mission militaire, des services culturels et de l’école française s’envolent dans la nuit. Dans un passé récent, les relations diplomatiques entre les deux pays ont connu des tensions. Ainsi, en juin 2009, la République islamique traversait une crise inédite depuis la révolution, liée à la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. Dans ce contexte troublé, l’Iran avait arrêté une ressortissante française, lectrice à l’université technique d’Ispahan. Gardée six semaines en détention, elle avait été placée en résidence surveillée le 16 août, avant d’être libérée le 16 mai 2010.

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L’Iran étrangle Internet http://owni.fr/2012/02/13/iran-etrangle-internet-filtrage-dpi/ http://owni.fr/2012/02/13/iran-etrangle-internet-filtrage-dpi/#comments Mon, 13 Feb 2012 11:14:07 +0000 Pierre Alonso, Sabine Blanc http://owni.fr/?p=98208

Je ne pouvais pas entendre sa voix, son visage ressemblait à une peinture cubique.

Samedi soir, Farnaz Seifi, une journaliste et blogueuse iranienne installée en Allemagne, a essayé d’appeler son frère en Iran par Skype, comme à son habitude. En vain : la République islamique d’Iran a lancé une nouvelle vague de censure contre Internet depuis jeudi dernier.  Sur les réseaux, des milliers d’Iraniens signalent ne plus pouvoir accéder à Facebook, Gmail ou Yahoo. Selon une agence de presse iranienne, 30 millions d’Iraniens auraient perdu leur accès à leur service mail, soit un tiers de la population.

Même le recours à des moyens de contournement de la censure – proxies ou Tor – serait inutile. Un mot-clé a été lancé pour l’occasion sur Twitter, filternet. En ligne de mire : les sites nécessitant une connexion sécurisée, utilisant le protocole SSL.  Selon les hacktivistes du projet Tor, les autorités iraniennes censurent le réseau de trois façons.  En scrutant en profondeur les connexions via la technique du deep packet inspection, en bloquant directement certaines adresses IP et en filtrant certains mots-clés.

La lenteur du débit est telle que “consulter ses emails devient presque un défi, détaille Farnaz. Mon frère ouvre Gmail, va se faire du thé, revient et la page d’accueil se charge toujours.” Une expérience qu’a également connu le correspondant du Washington Post en Iran, Thomas Erdbrink, et qu’il relate en 140 caractères :

Gmail a été bloqué toute la journée en Iran, c’est arrivé avant mais maintenant que les VPN fonctionnent si mal, c’est très ennuyeux.

Selon Farnaz, les autorités s’en sont aussi pris aux antennes paraboliques. La jeune femme raconte que les autorités vont aussi de maison en maison pour les réduire en morceaux. L’accès à l’information est tellement restreint que de nombreux Iraniens “twittent que notre pays sera bientôt semblable à la Corée du Nord, coupé du reste du monde”, se désole-t-elle.

Aide extérieure

La communauté de Tor a rapidement réagi après le début de cette offensive. 50 à 60 000 utilisateurs de Tor en Iran pourraient être victimes de la censure, selon Jacob Appelbaum, un des fers de lance du projet. Vendredi, il a lancé un appel :

Aidez les internautes iraniens à se connecter [...] Nous disposons de peu de détails, mais nous travaillons sur certaines solutions.

L’équipe d’activistes affirment disposer d’un jocker : un pont Tor (programme intermédiaire entre l’utilisateur et le serveur auquel il veut se connecter) qui permet de faire du “camouflage de trafic”. Reste aux volontaires à le déployer.

Filtrage massif

Contrairement à l’Égypte ou à la Syrie, le régime iranien ne semble pas avoir coupé l’accès du pays au réseau mondial. Le niveau du trafic entrant et sortant reste stable. Les chiffres de Cedexis, une entreprise spécialisée dans la mesure du trafic, ne montrent pas de rupture autour du 9 février. Le filtrage était donc ciblé, ce que confirme le Transparency Report fourni par Google. Entre le 9 et le 10 février, Gmail n’est plus accessible quand les autres services de Google le demeurent.

Transparency Report de Google sur l'utilisation de Gmail en Iran

Ce n’est pas la première fois que les autorités de Téhéran entendent en finir avec la messagerie de Google. L’année dernière, elles avaient annoncé leur intention de bloquer définitivement Gmail et de le remplacer par un service national. L’annonce, comme souvent, n’avait pas été suivie d’effet, mais avait fait planer des doutes sur la confidentialité des échanges sur une messagerie gérée par les autorités.

Élections en mars

Dès juin 2009, Téhéran avait fait les frais de l’utilisation des réseaux par les manifestants au lendemain de l’élection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. La répression s’était alors abattue dans les rues et sur Internet. Depuis, aucune importante échéance électorale n’a eu lieu, les élections municipales étant reportée sine die depuis juillet 2010. Le 2 mars, les Iraniens se rendront aux urnes pour une autre élection, les législatives.

Les réformateurs ont annoncé leur intention de boycotter le scrutin. Mehdi Karoubi, l’un des chefs de file du mouvement vert, le mouvement d’opposition née au lendemain de la réélection d’Ahmadinejad, avait vivement critiqué fin décembre une parodie :

Les autorités ne croient pas au vote populaire et préparent une élection factice.

L’opposition a d’ailleurs lancé un appel à manifester. L’année dernière, le 14 février, 25 Bahman au calendrier iranien, avait été le dernier rassemblement du mouvement vert, organisé ce jour-là en soutien aux révoltes arabes. Le filtrage massif d’Internet est sans doute une réponse à ce nouvel élan des réformateurs. “L’opposition en exil a fait une déclaration et a demandé aux gens de sortir dans la rue pour protester ce mardi, explique Farnaz Seifi. Ils l’ont déjà fait à de nombreuse reprises auparavant, à chaque fois que  Moussavi et Karoubi demandent de manifester, ils bloquent l’accès des internautes à la plupart des sites et réduisent le débit autant qu’ils peuvent.”

Pour verrouiller cette poussée de révolte, la coercition traditionnelle a aussi été employée. “Ces derniers jours, ils ont convoqué des prisonniers politiques et des manifestants qui étaient détenus brièvement, rapporte Farnaz Seifi, et les ont forcés à promettre de ne participer à aucune manifestation durant cette période.”

Internet Halal

Ce regain de censure fait resurgir un vieux serpent de la dictature : la mise en place de l’Internet halal. Autrement dit, un Intranet géant, un “Internet national”, comme on l’appelle aussi. “Certains spécialistes estiment qu’ils ne peuvent pas bâtir un Intranet, en raison du manque d’équipement et de technologie, raconte Farnaz Seifi. Mais le ministre de la communication et de la technologie a affirmé plusieurs fois qu’ils travaillent dessus, et que l’accès à tous les sites ‘mauvais et diaboliques’ comme Facebook ou Twitter sera bloqué.”

Interrogé par Rue89, Reza Moini, responsable de l’Iran pour Reporters sans frontières, estime que cet Internet halal était bien en route :

On va de plus en plus vers un Internet national. Selon mes informations, certains endroits peuvent encore avoir accès à Internet, comme les grandes sociétés et les banques. Ils veulent de plus en plus séparer ces deux parties : un Internet filtré et à bas débit pour le peuple, et un autre pour les notables et les grandes entreprises.

Côté filtrage, le régime peut compter sur les technologies occidentales. Plusieurs entreprises ont été montrées du doigt pour avoir vendu du matériel de censure à la République islamique. En 2009, le rôle de Nokia et Siemens avait été dénoncés, de même qu’une entreprise irlandaise, AdaptiveMobile Security. Plus récemment, c’est une firme israélienne, via une entreprise danoise, qui a éveillé les soupçons. Allot Communications vendait des services d’interception des communications électroniques et des SMS. La  semaine dernière, Le Canard Enchainé révélait que le groupe Bull, dont fait partie Amesys, possède une succursale dans le pays depuis quelques années. Amesys, bien connue pour vendre à des gouvernements pas très démocratiques des solutions pour censurer le Net.


Illustration par Eric Drooker via Isaac Mao/Flickr (CC-by)

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Kafka à l’iranienne http://owni.fr/2012/02/05/kafka-a-liranienne/ http://owni.fr/2012/02/05/kafka-a-liranienne/#comments Sun, 05 Feb 2012 09:39:05 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=97293 Une métamorphose iranienne, à paraître le 16 février. Un témoignage rare, qui raconte ses démêlés surréalistes avec la sécurité d'État en Iran, à l'intérieur d'une prison secrète. Un récit tout en graphisme et second degré. À cause d'un dessin mettant en scène un enfant et un cafard, il a dû quitter son pays. Pour s'installer en France où il vit depuis un an.]]>

C’est l’histoire d’un cafard. Un cafard qui a dit un mot de trop et entraîné son créateur dans un tourbillon de plusieurs années. L’insecte est né sous les traits de crayon du dessinateur iranien Mana Neyestani. En 2006, il travaille dans la rubrique jeunesse du supplément week-end du journal Iran. Il imagine un jour une conversation entre un petit garçon et un cafard. Le titre de cette planche : “Comment se débarrasser d’un cafard ?”. À l’enfant, le cafard répond en utilisant un mot du dialecte azéri : “Namana”.

Une semaine plus tard, les troubles commencent dans le Nord-Ouest de l’Iran, une région désignée comme l’Azerbaïdjan iranien. Le dessin serait une énième offense aux habitants et à leurs traditions ; la question des minorités reste sensible dans cet État jacobin. Mana Neyestani est arrêté et détenu dans le quartier 209 de la prison d’Evin à Téhéran, le tristement célèbre quartier réservé aux prisonniers politiques.

Après plusieurs mois de détention, le dessinateur fuit à Dubaï avec sa femme à la faveur d’une remise en liberté provisoire. Il rejoint ensuite la Turquie, puis la Malaisie où ils restent plus de quatre ans, avant d’arriver à Paris en février 2011. Cette descente aux enfers, Mana Neyestani la raconte dans Une métamorphose iranienne, à paraître le 16 février.

Surréaliste

En face de son “café allong锓la seule expression dont j’arrive à me souvenir en français” assure-t-il – Mana Neyestani ironise sur son aventure. Il se souvient avec sarcasmes de son interrogateur, un certain M. Maleki, probable agent d ces services de sécurité tant redoutés, ettelâ’at. Le dessinateur ne se fait aucune illusion sur l’identité toute relative de l’agent, ni sur ses intentions faussement louables.

La plupart des prisonniers politiques ne voient pas le visage de leurs interrogateurs. En un sens, je suis un peu privilégié… J’ai rencontré Maleki à la prison d’Evin. J’avais le droit de le voir, on voulait que je le vois. Il prétendait être une personne cultivée et intelligente – ce qu’il n’était pas. Moi je le laissais dire. Je suggérais qu’il était bien supérieur à moi.

Le témoignage de première main d’un ancien prisonnier est rare. Les images de l’intérieur de la prison n’existent pas. Dans son album, Mana Neyestani dessine sa cellule, ses co-détenus, sans tabous. Il raconte la condition des Afghans entassés dans des cellules, les drogués en crise de manque spoliés et manipulés par des escrocs peu scrupuleux, les défenseurs des droits humains un peu trop zélés aux yeux du gouvernement.

Cette approche documentaire sensible et sans pathos a immédiatement séduit Serge Ewenczyk, son éditeur. En avril 2011, il reçoit Une métamorphose iranienne presque achevé et traduit en anglais par un ami du dessinateur. Il répond illico. Le lendemain, ils se rencontrent.

Son histoire est ahurissante. Elle est racontée avec sobriété tout en montrant une maestria technique. La France suit avec beaucoup d’intérêt l’actualité iranienne, surtout depuis 2009, mais Mana Neyestani décrit de la période d’avant.

Avant la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad et la sanglante répression qui a suivi. Mana Neyestani avait déjà quitté le pays. Il a fait partie de cette génération de dessinateurs à avoir connu l’embelli des années Khatami, le président réformateur entre 1997 et 2005.

Né en 1973, il dit n’avoir pas beaucoup de souvenirs antérieur à la révolution de 1979 et à la guerre contre l’Irak qui a commencé un an après. “C’était une décennie horrible. Le régime, la guerre, tout ça a détruit notre enfance. Cette période était si sombre. Tout était interdit, des tas de gens étaient arrêtés et exécutés. Marjane Satrapi [auteure de la bande dessinée Persépolis, NDLR] décrit très bien l’atmosphère de cette époque.”

Marco Polo

Il grandit dans le centre de Téhéran, à Abass Abad, alors que le pays est en guerre et que le régime s’installe dans la douleur. Aujourd’hui, il parle avec une pointe de nostalgie de ces vingt années passées dans la même maison. “J’ai toujours aimé rester chez moi, avoir une situation stable. C’est un clin d’oeil du destin qui m’a fait voyager autour du monde comme Marco Polo. Et en même temps, ne pas être très sociable m’a sans doute sauvé !” lance-t-il dans un éclat de rire.

Lors de la première grande révolte des étudiants en 1999, il reste chez lui. Dessinateur de presse, il ne connaît que quelques uns de ses confrères, au grand regret de son interrogateur, M. Maleki, qui voulait le retourner et l’utiliser pour avoir des informations sur les journalistes et intellectuels. Comme beaucoup, il a vécu l’arrivée au pouvoir de Mohammad Khatami avec beaucoup d’espoir. Peu de publications critiques existaient jusque là. Pendant ses études d’architecture à la faculté d’arts plastiques de l’université de Téhéran, il travaille pour des publications spécialisées sur l’économie grâce à son frère Touka Neyestani, dessinateur lui aussi. Puis pour la presse, notamment Adineh (Vendredi en persan) puis Irane Farda (L’Iran de demain), créé par l’intellectuel réformateur Ezzatollah Sahabi.

Ses dessins n’étaient pas toujours politiques, même si “en Iran tout est politique” affirme-t-il.

Nous devons trouver des moyens d’échapper au contrôle et à la censure par la métaphore. Un peu comme en Europe de l’Est sous l’Union soviétique. En Iran, c’est peut-être pire encore !

Avec l’arrivée des réformateurs, il tend à rendre ses dessins plus accessibles, plus facilement compréhensibles. A ce moment se rencontrent deux tendances de la caricature iranienne. D’un côté, les dessins humoristiques et populaires qui paraissaient dans le magazine Tofigh avant la révolution. D’un autre, une tendance plus politique, portée dans des intellectuels comme Ardeshir Mohasses, “son père spirituel”, au même titre que Claude Serre, le caricaturiste français qui l’a beaucoup influencé.

Mana Neyestani a soutenu Khatami, voté pour lui deux fois, en 1997 et 2001. En 2009, il a voté pour le candidat réformateur Mir Hossein Moussavi. “On avait beaucoup d’espoir. Il pouvait un peu changer le régime, pas tout, mais un peu.” Il n’a pas été élu, signant un nouveau report sine die de son retour en Iran. Mana Neyestani vit aujourd’hui en France, accueilli par la mairie de Paris en partenariat avec l’International Cities Of Refuge Network (ICORN), et travaille notamment plusieurs sites d’information. Il met notamment en scène la famille Dargir et ses contradictions. Une tension entre modernité et traditions qu’incarne le grand-père, “Baba bozorg”, épice et poil à gratter qui ne ménage pas son franc-parler.

Il ne représente pas l’Iran, il en est une partie. Vous savez, la question de l’identité est très importante en Iran. C’est de ça que nous parle Kafka dans La Métamorphose. Tout le monde a peur de perdre son identité.


Illustrations et extraits de Une métamorphose iranienne, © Mana Neyestani publiés avec l’autorisation de l’auteur. Retrouvez le travail de Mana Neyestani sur sa page Facebook.

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Dissection d’une nouvelle cyberarme http://owni.fr/2011/11/30/stuxnet-duqu-iran-cyberarme/ http://owni.fr/2011/11/30/stuxnet-duqu-iran-cyberarme/#comments Wed, 30 Nov 2011 07:34:06 +0000 Félix Aimé http://owni.fr/?p=88608

Ces deux dernières années, deux malwares se sont illustrés dans le cyberespace par leur complexité, mais aussi par leur utilité stratégique. Stuxnet et Duqu visaient tous deux le programme nucléaire iranien. Que peut-on savoir d’eux dans un cyberespace où l’anonymat, le secret défense et l’absence de frontières règnent en maître ? Essai d’analyse.

Plus d’un an après la découverte de Stuxnet, un autre logiciel malveillant fait son apparition dans le cyberespace. Dénommé par les occidentaux “Duqu”, en raison des fichiers qu’il laissait sur les systèmes infectés, ce Remote Administration Tool (RAT) a été recensé dans plusieurs pays, principalement l’Iran. Contrairement à Stuxnet, Duqu était cette fois-ci dédié à une campagne d’espionnage, envoyant vers des serveurs distants des informations extraites à partir des ordinateurs infectés. Il n’avait pas de mode de propagation autonome en tant que tel, mais était déployé sur les ordinateurs grâce à une charge utile contenue dans un document Word envoyé par mail aux acteurs ciblés.

Vulnérabilité non connue

Sa méthode de déploiement était triviale, mais son code diffère des autres trojans habituellement rencontrés dans ce type de campagne d’espionnage. Tout comme Stuxnet, ce dernier utilisait une vulnérabilité non connue propre à Windows (CVE-2011-3402) permettant d’élever ses privilèges pour ensuite se rendre persistant sur le système ciblé ; et donc silencieux auprès des possibles antivirus installés sur la machine. Une autre particularité était frappante chez Duqu : il utilisait des certificats (chose non commune pour ce genre d’attaques) et deux clés de chiffrement identiques au célèbre Stuxnet (0xAE790509 et 0xAE1979DD). Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là. Une simple comparaison des deux codes sources à l’aide du logiciel BinDiff révèle d’étranges correspondances entre les deux logiciels malveillants :

Comparaison d’un extrait du code entre Stuxnet et Duqu, laissant penser que les deux sont l’oeuvre d’un seul et même groupe

Duqu a été repéré la première fois en octobre 2011 par un laboratoire hongrois de sécurité informatique dénommé Crysys. Nous ne savons pas d’où vient l’exemplaire qu’ils ont eu entre les mains. L’existence de Duqu serait antérieure à octobre 2011. En effet, en début d’année, l’Iran se disait, par l’intermédiaire de son agence de presse nationale, victime d’un malware appelé “Stars”. Cela devient intéressant quand on est au courant que Duqu utilise une image représentant deux galaxies comme vecteur de communication entre les ordinateurs infectés et les serveurs de contrôle… Duqu serait-il donc le malware Stars ? Cette hypothèse est plus que probable.

Mais alors, depuis combien de temps Duqu est présent dans les réseaux informatiques iraniens ? Personne ne le sait vraiment. La politique en la matière, que ce soit en Iran, en France ou dans d’autres pays, est de disséminer le moins d’informations possibles concernant une attaque. Ainsi, après la découverte tardive du malware Stars, l’Iran a préféré garder le malware bien au chaud dans ses laboratoires de recherche afin d’en étudier la complexité et prévoir une désinfection de son parc informatique gouvernemental. Il pourrait alors faire partie d’une attaque antérieure à Stuxnet ou parallèle à ce dernier, même si sa découverte officielle demeure récente.

Stuxnet, la première cyberarme

Juin 2010, un nouveau ver pour Windows fait son apparition dans les laboratoires de recherche de la société biélorusse VirusBlokAda spécialisée en sécurité informatique. Utilisant quatre failles non connues de Windows et profitant d’une mauvaise configuration dans le système de gestion (PLC) Siemens des centrifugeuses, ce ver, dénommé rapidement Stuxnet, allait devenir aux yeux des experts du monde entier la première cyberarme, car sans doute réalisée uniquement dans le but de détruire ou paralyser tout ou partie du système industriel d’un pays.

Outre les multiples craintes qu’ont fait naître Stuxnet, ce logiciel malveillant avait une cible précise : les centrifugeuses permettant la réalisation d’un uranium hautement enrichi, et donc à visées militaires. Ce n’est qu’à la rentrée 2010 que l’Iran, pris dans la tourmente médiatique, a du avouer son impuissance concernant l’attaque dont il a fait l’objet, ayant selon certains experts, reculé de cinq ans le programme de la bombe iranienne. Stuxnet était bel et bien une arme, composée comme telle, avec un système de propulsion : des vulnérabilités permettant sa diffusion dans les réseaux informatiques, mais également une charge utile, c’est à dire un code d’exploitation permettant de saboter le système de contrôle (PLC) des centrifugeuses d’enrichissement.

Le petit monde des experts en sécurité n’avait jamais rien vu de tel, quatre vulnérabilités non connues affectant uniquement le système Windows présentes dans un seul et même ver informatique. Ce dernier utilisait de plus des certificats permettant de signer son code source devenant à terme un logiciel légitime aux yeux du système ciblé. Cela devenait une évidence pour tous, du fait de son ingéniosité et de ces nombreux codes d’exploitation embarqués, Stuxnet était l’œuvre d’un État, indéniablement en possession de capacités avancées en Lutte Informatique Offensive (LIO).

L’Iran en ligne de mire

Un faible nombre de pays est actuellement en mesure de déployer des projets de LIO et de réaliser des programmes informatiques malveillants d’une grande complexité (les attaques dites “chinoises” (APT) utilisant le plus souvent des versions modifiées de programmes connus du grand public, telles que le célèbre Poison Ivy). Ainsi, on retrouve principalement sur le banc des suspects liés à Duqu deux pays ayant fait parler d’eux avec l’affaire Stuxnet, les États-Unis et Israël, ayant tous deux des programmes de LIO développés.

Il est plus que probable que ces attaques soient le fruit des mêmes auteurs, le tout avec une coopération forte entre des services secrets de différents pays, alimentant le renseignement sur les cibles. Toutefois, rien ne fait pencher la balance en faveur d’un pays particulier, même si certaines pistes, présentes dans le code peuvent laisser présager une implication réelle d’Israël. Cette piste demeure à prendre avec des pincettes, cependant. En effet, dans le cyberespace il est toujours possible de mener des attaques informatiques lançant de fausses pistes, inscrites dans le code même du logiciel malveillant (compilation avec une version chinoise de compilateur, par exemple) ou dans la prétendue origine d’une attaque. A ce jour, connaître les auteurs de ces attaques s’avère impossible car le secret défense est de mise, tant chez l’attaquant que chez la cible. Cependant, des fuites d’informations ou des attaques à venir pourraient nous permettre d’y voir plus clair.

Les deux cyberarmes, Duqu et Stuxnet ont étonné une grande partie des chercheurs dans ce domaine. Au-delà de la simple question de la complexité de la réalisation de ces cyberarmes, l’existence même des deux malwares pose la question de la difficulté d’attribution des attaques dans le cyberespace.


Article initialement publié sur Intelligence-Strategique.eu sous le titre : “Duqu, Stuxnet : deux cyber-armes, un maître d’oeuvre ?

Photos et illustrations via les galeries Flickr de Julia Manzerova [cc-byncsa] ; Campra [cc-byncnd] ; Dynamosquito [cc-bysa] ;

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La France équipe la police iranienne http://owni.fr/2011/10/19/la-france-coopere-avec-la-police-iranienne/ http://owni.fr/2011/10/19/la-france-coopere-avec-la-police-iranienne/#comments Wed, 19 Oct 2011 06:27:40 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=83882 En toute discrétion, la France coopère avec les services de police iraniens, par l’entremise de la société de conseil et de service du ministère de l’intérieur français. Contacté par OWNI, un responsable de la société, Civipol, confirme l’envoi de 20 chiens renifleurs. Cette première livraison, sur un total de 52 chiens, sera effectuée le 25 octobre. Elle est financée par le Quartier général de contrôle de la drogue (Drug Control Headquarters) iranien qui dépend du président de la République.

Officiellement, il s’agit de lutter contre le trafic d’héroïne importée d’Afghanistan et transitant par le sol iranien avant d’abreuver les marchés européens. Mais ces chiens pourraient avoir d’autres usages répressifs.

L’opération fait grincer des dents jusqu’au sein du ministère français de la défense, à qui revient la charge de former les chiens en collaboration avec la police nationale. La transaction n’est pas du goût de la Grande Muette, peu encline à endosser la responsabilité de la coopération en matière de sécurité alors que les relations avec Téhéran sont pour le moins tendues. Sans compter le sort – expéditif – réservé aux trafiquants de drogue en Iran…

Vindicte des capitales occidentales

Dernier exemple en date des tensions diplomatiques, le Conseil des affaires étrangères de l’Union Européenne a voté le 10 octobre une nouvelle vague de sanctions. Elles ciblaient 29 responsables iraniens « impliqués dans la répression et la violation des droits de l’homme » a expliqué le Quai d’Orsay dans un communiqué. Deux jours plus tard, Washington accusait l’Iran d’être derrière une rocambolesque tentative d’assassinat de l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis.

Dans ce climat, la formation des chiens n’a pas fait consensus. C’est l’Etat-Major particulier, directement relié à l’Elysée, qui a donné le feu vert, nous a-t-on confié. Personne ne désirait endosser cette responsabilité au ministère de la défense. Un affront inhabituel d’une institution à la réputation moins rebelle, mais l’utilisation des chiens renifleurs inquiète. Il n’est pas impensable que les chiens renifleurs soient utilisés comme chiens mordants. Comprendre pour le contrôle des foules.

Un rapport d’information de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, déposé le 5 octobre 2011, consacre un long développement à la « répression ferme, suivie d’une dégradation de la situation des droits de l’Homme » depuis 2008. Et de citer, rapports d’Amnesty International et Human Rights Watch à l’appui, « un système de répression massif dirigé contre tous les manifestants » que des chiens déjà dressés pourraient renforcer.

Plus inquiétant, les trafiquants de drogue arrêtés par le régime iranien sont promis à un funeste destin. Les députés de la Commission rapportent que l’ambassade de France en Iran comptait jusqu’à 360 exécutions entre le début de l’année et mi-juin 2011, dont 274 seraient confirmées, la différence étant liée aux « pendaisons de masse des trafiquants de drogue » partiellement confirmées.

En 2010, l’Iran arrivait juste derrière la Chine avec plus de 252 exécutions, contre plus d’un millier par Pékin. Un triste record ramené au nombre d’habitants. Le 13 mai dernier, le secrétaire général du Haut Commissariat pour les droits humains en Iran avait reconnu « le nombre élevé d’exécutions et les avait attribuées aux efforts pour combattre le trafic de drogue » précise un rapport du secrétariat général des Nations-Unies publié le 15 septembre 2011.

Coopérations culturelle et scientifique au point mort

La coopération a connu de meilleurs jours entre la France et l’Iran. Sur les plans culturel et scientifique, elle tourne au ralenti depuis la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Côté iranien, un diplomate nous a assuré que la coopération s’était dégradée avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, unique responsable de l’actuel état des relations conformément à l’antienne diplomatique iranienne.

A propos de la coopération cynotechnique – les chiens, donc – le site de Civipol mentionne trois expériences passées : deux audits en janvier et septembre 2007, ainsi qu’une livraison de vingt chiens en septembre 2008. D’autres ont eu lieu, nous a assuré un responsable de la société, ajoutant que le site n’était plus à jour, sans préciser le détail des opérations antérieures. Les tensions apparues en juin 2009 avaient provoqué une interruption dans les livraisons de chiens. Une information dont le ministère des affaires étrangères assure aujourd’hui ne pas avoir connaissance : « Nous n’avons pas d’information sur l’interruption des livraisons ».


Photo via FlickR LeoAmadeus [by-nc-sa] Defence Images [by-nc]

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[Vidéo] Stuxnet en trois minutes chrono http://owni.fr/2011/06/20/video-stuxnet-en-trois-minutes-chrono/ http://owni.fr/2011/06/20/video-stuxnet-en-trois-minutes-chrono/#comments Mon, 20 Jun 2011 09:29:57 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=70776 Neuf mois après qu’il a été rendu public, le virus Stuxnet continue d’alimenter les fantasmes les plus fous au sujet d’une cyberguerre mondiale qui opposerait les plus grandes puissances mondiales. Pour aider à la compréhension d’une information particulièrement complexe, le motion designer Patrick Clair a produit une courte vidéo de trois minutes pour le compte de la chaîne australienne ABC1. Sur un mode infographique foisonnant mais très efficace, il détaille l’architecture du ver, ses objectifs, son fonctionnement, et les risques qu’il engendre. Malgré quelques représentations un peu trop faciles – la Kalachnikov en lignes de code – le propos est concis.

En septembre, nous évoquions l’agitation autour de ce virus d’un nouveau genre:

Stuxnet ou le mythe de la cyberguerre mondiale

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Crédits photo: Capture d’écran de la vidéo + Photoshop

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Histoires iraniennes http://owni.fr/2011/06/08/histoires-iraniennes-iranian-stories-iran/ http://owni.fr/2011/06/08/histoires-iraniennes-iranian-stories-iran/#comments Wed, 08 Jun 2011 09:41:24 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=66754 Téhéran, dans la nuit entre le 12 et le 13 juin 2009. À quelques mètres de la place Fatemi, au centre de la capitale iranienne, une petite rue est noire de monde. La foule s’agite et bruisse d’une rumeur. En ce jour d’élection présidentielle, les partisans de Moussavi, candidat de l’opposition, ont la mine défaite devant l’un de ses QG de campagne. Il est minuit trente, la rumeur donne vainqueur le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad. Après une folle campagne, l’annonce assomme le groupe. Un religieux prend la parole. Il est écouté par la ruelle silencieuse, attentive, quoique nerveuse de colère. Le discours dure trois minutes. Il est acclamé par les slogans de la campagne, bientôt balayés par la première charge des forces de sécurité. En uniforme anti-émeute, un groupe de policiers fond sur les militants qui se dispersent immédiatement dans les ruelles sombres. La répression commence.

C’est ce genre d’histoire que la plateforme iranianstories.org entend récolter pour reconstituer les événements de l’été post-électoral iranien. Mise en ligne mi-avril, elle est officiellement lancée ce soir à l’hôtel de ville de Paris. Pour son fondateur, Thibault Lefèvre la révolte qui a suivi la réélection contestée d’Ahmadinejad est “la première à avoir été médiatisée massivement par ses propres acteurs”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En plein blackout médiatique imposé par les autorités iraniennes, les manifestants ont diffusé informations et vidéos sur les réseaux sociaux. L’image la plus marquante, la mort de Neda Agha-Soltan le 20 juin, avait été filmée avec un téléphone portable avant d’être diffusée sur Youtube et reprise dans les médias du monde entier. Elle est devenue le symbole du mouvement de protestation et la figure du martyr.

Ils filment uniquement leur bouche

Iranian Stories se décline en deux modules, testify et watch, chacun disponible en html et flash. La version html est non seulement adaptée aux connexions lentes, mais elle est aussi plus sécurisée que la version flash. Et la sécurité est au coeur de la plateforme qui permet à des personnes en Iran d’envoyer leur témoignage par vidéo. Ils filment uniquement leur bouche avec un téléphone ou une webcam puis l’envoient via l’interface, disponible en français, en anglais et en persan. Ils sont aussi invités à joindre photographies, vidéos ou enregistrements sonores de l’événement qu’ils racontent.

Plus la plateforme recueillera de témoignages, plus les faits seront facilement vérifiables. Ils sont aussi recoupés par un comité d’experts composés de spécialistes de l’Iran et de journalistes iraniens. Iranian Stories propose en priorité certaines dates clés de la crise post-électorale : le 12 juin, jour du scrutin, le 15 et le 17 juin, jour des grandes manifestations etc.

Iranian Stories a obtenu 70 témoignages pour l’heure, dont 60 directement à l’issue d’une enquête. Shirin Ebadi, avocate iranienne prix Nobel de la Paix, et le célèbre blogueur Mehdi Saharkhiz ont accepté de livrer leurs analyses ou témoignages. Après vérification, validation et traduction, les témoignages apparaissent dans la rubrique Watch. Ils sont compilés dans une frise chronologique, appelée à être complétée avec les nouveaux témoignages.

Entre journalisme et activisme

Thibault Lefèvre, à l’origine d’Iranian Stories et journaliste à Radio France, a séjourné en Iran en avril et mai 2009. Il quitte le pays quelques jours avant l’élection présidentielle. À son retour en France, il compile les vidéos et cherche comment utiliser toutes ces sources brutes. Les militants pour les droits humains l’alertent sur les risques encourus pour ceux qui témoignent.

La démarche est à la croisée entre journalisme et activisme. En témoigne la composition de l’équipe:

Nous avons réuni différentes compétences autour du projet. Des journalistes, des traducteurs, des producteurs. Nous avons aussi été conseillé par des experts en sécurité informatique.

Le projet est ainsi porté par une société de production, la Boite à T, deux journalistes iraniens et deux traducteurs, l’un anglophone, l’autre persanophone. Le projet est financé par les partenaires d’Iranian Stories, parmi eux, la Ligue des Droits de l’Homme, Médiapart, Le Temps et la Fondation Beaumarchais.

La plateforme a vocation à être déclinée. En yemeni stories, iraqi stories ou syrian stories.


Crédits Photo FlickR CC by Hamed Saber

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Les Anonymous sautent sur Téhéran http://owni.fr/2011/05/06/opiran-les-anonymous-contre-la-republique-islamique/ http://owni.fr/2011/05/06/opiran-les-anonymous-contre-la-republique-islamique/#comments Fri, 06 May 2011 12:58:29 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=61340

Le peuple d’Iran attire l’admiration des Anonymous et du monde entier. Pour la journée des travailleurs, les Anonymous seront à ses côtés.

Le 23 avril, le compte Anonymousworldwar3 poste une vidéo sur YouTube annonçant une nouvelle opération des Anonymous, baptisée #OpIran. Les objectifs sont clairement définis dans le communiqué : “se battre pour la liberté d’expression, d’information et des idées en Iran.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les cibles ? Les sites liés au gouvernement, responsables des restrictions des libertés publiques. Dans un communiqué, les Anonymous dressent une liste des cibles prioritaires : d’abord le site du Guide suprême, Ali Khameneï, ensuite celui du président Mahmoud Ahmadinejad, puis celui des prisons, du Parlement, du ministère de la Justice etc.

Comme pour l’opération Payback de décembre dernier, les Anonymous lancent des attaques par déni de services (DDoS), en utilisant le programme LOIC (Low Orbit Ion Cannon). Et comme en décembre dernier, ils enregistrent de nombreux succès.

“Nous avons été contactés par des étudiants et des activistes iraniens mi-mars via les réseaux sociaux, a expliqué à OWNI l’un des auteurs de l’opération. C’est eux qui ont choisi la date du 1er mai et ont défini les sites à attaquer”. Un compte Twitter recense les succès et se félicite d’atteindre la plupart des objectifs. Quatre minutes après le lancement de l’opération, les Anonymous annoncent avoir rendu le site de l’agence de presse semi-officielle Fars News inaccessible :

Puis le site de la police et de l’agence de presse des basijs, la milice du régime, du Parlement, du gouvernement. À 14 heures, le site du Guide tombe à son tour.

Basijnews est tombé en une centaine de secondes, on était presque choqués. Par contre, rendons hommage aux opérateurs système iraniens, Fars News et Leader.ir nous ont donné plus de fil à retordre.

Les attaques ont continué dans la journée de lundi et jusqu’à mercredi. Plusieurs sites sont à nouveau en ligne, mais subissent ponctuellement de nouvelles attaques. “OpIran continuera tant que les Iraniens ne seront pas en sécurité et tant que leurs demandes ne seront pas satisfaites”, explique le membre des Anonymous que nous avons contacté.

Une cible élargie

Les actions des Anonymous suivent le rythme des protestations en Iran. En février, ils s’étaient soudainement réveillés. Alors que l’opposition iranienne n’avait plus manifesté depuis un an, de grands rassemblements étaient prévus pour le 14 février, soit le 25 Bahman du calendrier iranien.

Pour l’occasion, les Anonymous avaient lancé de nouvelles attaques, en se limitant aux sites strictement gouvernementaux. Cette fois, ils ont aussi attaqué les sites proches du gouvernement, y compris les médias. Un tweet en forme de justification renvoie vers une page de l’agence de presse semi-officielle Fars News :

L’article en lien avait été publié en juillet 2009, pendant la crise post-électorale, et demandait aux lecteurs de dénoncer les personnes entourées. Pour les Anonymous, un média n’a pas à avoir de telles pratiques. “D’habitude, nous n’attaquons pas les sites de média parce que la liberté d’expression est très importante pour nous. Mais ils ont dépassé les bornes en diffusant les photos de manifestants. Ils se sont eux-mêmes classés parmi les sites que nous attaquons.”

Sur certains sites piratés, les Anonymous adressent une dédicace spéciale à l’Iranian Cyber Army. En décembre 2009, l’ICA s’était illustrée en piratant Twitter, affirmant répliquer contre “l’interférence du site dans les affaires intérieures” iraniennes. En 2009, les manifestants avaient massivement utilisé le site de micro-blogging pour organiser le mouvement de protestation. Le gouvernement américain était intervenu pour que l’accès à Twitter soit assuré, en dépit de la censure du gouvernement iranien.

Les Anonymous se sont vengés. Sur les sites piratés, ils ont laissé un message “Special Fuck You” adressé à l’Iranian Cyber Army, ennemi déclaré, et le Ashiyane Digital Security Group, un groupe de hackers réputé proche du gouvernement iranien. Le message serait une initiative personnelle du pirate. Ce qui illustre parfaitement, selon l’un d’eux, la façon dont les Anonymous fonctionnent. “Certains font du zèle et règlent leurs comptes personnels tout en menant l’opération” regrette-t-il presque.


Crédits photo CC: by Anonymous / FlickR by-nc-sa Alatryste

Retrouvez les autres articles du dossier :
Les Anonymous dans l’agenda politique et Liberté, je chiffre ton nom

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