OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le doigt d’honneur fiscal d’Apple http://owni.fr/2012/11/07/le-doigt-d-honneur-fiscal-d-apple/ http://owni.fr/2012/11/07/le-doigt-d-honneur-fiscal-d-apple/#comments Wed, 07 Nov 2012 10:27:38 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=125047

Les pratiques d’optimisation fiscale des géants du Net occupent une nouvelle fois le devant de la scène. Apple aurait été imposé à l’international à hauteur de 2%, d’après les résultats annuels publiés par la Securities and exchange commission (SEC), le gendarme de la bourse américaine. Un fiscaliste européen ne souhaitant pas être cité, confirme que les manipulations financières sont plutôt simples.

Les profits américains sont quant à eux en partie épargnés “grâce à un montage impliquant l’État du Névada”. Les entreprises technos, plutôt bien dotées financièrement, ne versent pas – ou très rarement – de dividendes à leurs actionnaires : verser des dividendes “c’est pas cool” et indiquerait la fin de la phase de croissance, peu souhaitable pour des entreprises dont le mantra reste l’innovation…

Le cas européen

L’Europe étant un marché unique, la libre circulation des biens n’empêche pas chaque État de faire ce qu’il veut en terme de fiscalité et l’Union européenne intervient peu. Parmi les “failles” législatives, on citera la possibilité pour les géants de la vente de biens immatériels de taxer dans le pays d’établissement de leur siège social, souvent l’Irlande (comme pour Google) ou le Luxembourg (comme pour Apple et iTunes).

Où Apple planque ses tunes

Où Apple planque ses tunes

C'est un secret de Polichinelle, Apple a installé le siège d'iTunes au Luxembourg. De l'évasion fiscale en bonne et due ...

Mais une directive de 2008 donne trois ans (entre 2015 et 2018) aux entreprises pour préparer la taxation des ventes de biens immatériels dans le pays de l’acheteur et plus dans le pays “vendeur”. La directive n’est pas encore entrée en vigueur, ce dont profite Apple pour imposer les vente d’iTunes au taux luxembourgeois. Et ce même si c’est un Français qui achète un album sur iTunes d’une star qui ne l’est pas encore. Mais la petit manipulation, à partir du premier janvier 2015, ne pourra pas plus en théorie avoir lieu et les téléchargements seront soumis – progressivement – à la TVA du pays de l’acheteur. Dommage pour les exemplaires marchands US qui pour Greenwich Consulting [PDF ] représentaient en 2008, 70% du marché européen.

La directive, portant sur l’application de la TVA au taux du pays de l’acheteur, n’a pourtant pas été acceptée d’emblée par les pays contraints au droit communautaire et elle l’a été à “l’issue de discussions difficiles entre les États membres”. On comprend que le Luxembourg et l’Irlande rechignent un peu. Et que, de fait, les négociations aient été longues : 27 États à se disputer une taxe allant sans froisser le Luxembourg, ça peut durer longtemps.

Le montage d’Apple ne lui est pas spécifique. De la même manière, Google pratique le double irish et permet aux profits des sociétés technologiques d’échappent au fisc. Owni a publié les liasses de Google qui attestent de 12 milliards d’euros de revenus en Europe (et un tout petit impôt de 5 millions en France pour l’année 2011). Le Canard Enchaîné du 31 octobre a révélé que la Direction générale des impôts réclamait à Google presque 1 milliard d’euros pour quatre ans de chiffre d’affaires français exilé en Irlande, chez Google Ireland limited, sans être déclaré au fisc.

Les chiffres d’affaires de plusieurs pays sont concentrés en Irlande et une redevance est versée aux Pays-Bas pour rémunérer les brevets, la marque et autres immatériels. Le régime des Pays-Bas permet de faire sortir une redevance vers un paradis fiscal, sans avoir à payer d’impôts. Aux États-Unis, nul besoin de passer par des paradis fiscaux.

Le Nevada, nouvel eldorado

Avec un taux d’imposition égal à zéro, le Nevada – et le Delaware – deux États bien agréables pour les entreprises telles qu’Apple, sont providentiels et permettent de miser sur les investissements et la R&D, gage de sérieux pour les investisseurs et l’image des entreprises du Net. Le spécialiste de la fiscalité du numérique ironise :

On constate depuis quelques années que tout n’est pas réinvesti, loin de là, et que ces sociétés accumulent une trésorerie très abondante (près de 100 milliards de dollars pour Apple).

On est bien loin des 800 millions de trésorerie du CNC, qui font bondir les FAI français, taxés pour financer le fonds et la création.

Le web mise sur le fisc irlandais

Le web mise sur le fisc irlandais

Apple vient d'annoncer un renforcement de ses effectifs au sein de son siège européen, en Irlande. La firme recrutera 500 ...

Le système américain taxe à hauteur de 35% à l’échelon fédéral. Et s’ajoute à ce taux les impôts de chaque État, plus ou moins important selon chaque législation. Alors le Névada n’impose pas les sociétés, le taux de la Californie avoisine 8%. Une fois qu’il faut rapatrier, le montage n’est pas compliqué : la trésorerie accumulée et conservée dans les paradis fiscaux attendent les “tax holidays” qui permettent aux entreprises de rapatrier du cash aux Etats-Unis, à la faveur d’une réforme fiscale après une élection par exemple. Et ce, sans verser le moindre impôt.

The Sunday Times rapporte qu’Apple a touché 36,9 milliards de dollars de revenus, à l’international. Pour 731 millions de dollars d’impôts, bien peu au regard de ses revenus donc. En France, BFM vient de révéler qu’Apple “ne déclare que 257 millions d’euros de chiffre d’affaires, alors, qu’en réalité, il engrange dans l’Hexagone près de 3,5 milliards d’euros de revenus”. Pour 7 millions payés en impôts en France.


Affiche originale par Geoffrey Dorne [CC-byncsa] pour jaffiche.fr et remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Les 12 milliards de Google en Irlande http://owni.fr/2012/10/31/12-milliards-google-irlande-fisc-redressement/ http://owni.fr/2012/10/31/12-milliards-google-irlande-fisc-redressement/#comments Wed, 31 Oct 2012 13:56:52 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=124584

Selon Le Canard Enchaîné de ce mercredi 31 octobre, la Direction générale des impôts réclame à Google une ardoise de près d’1 milliard d’euros. En cause : quatre années d’activités commerciales durant lesquelles une large part du chiffre d’affaires généré en France aurait été transféré vers une fameuse filiale située à Dublin, Google Ireland Limited, sans être déclaré à l’administration fiscale.

Le rapport de 125 pages présentant le bilan comptable de Google Ireland Limited pour l’année 2011, que nous nous sommes procuré, donne la mesure de ce montage. Le document a été certifié par le cabinet Ernst & Young le 21 août 2012, et enregistré un mois plus tard, le 28 septembre, au greffe des autorités commerciales de Dublin.

Au total, pour l’exercice 2011, les comptables de Google Ireland Limited présentent une société qui atteint un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’euros, et un bénéfice brut de 9 milliards d’euros. Des chiffres vertigineux, à lire en prenant en considération deux réalités : d’une part, Google est devenu la première régie publicitaire de la planète – tout en demeurant, subsidiairement, un moteur de recherche. D’autre part, Google Ireland Limited, via quelques finesses comptables, recueille donc sur ses comptes en banque une large part des ventes de l’espace publicitaire commercialisé par Google en Europe, et notamment en France.

Multimilliardaire

Sur place, à Dublin, les liens entre cette tirelire et les diverses succursales de Google s’organisent par l’entremise d’autres sociétés. En particulier la société Google Europe, également domiciliée en Irlande, et qui compte parmi ses dirigeants l’entreprise Google France et les diverses filiales européennes et africaines. Ainsi que le montre un procès-verbal de cette autre structure irlandaise.

Les îles Bermudes, la planque à billets de Google

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Nous avons recueilli les procès-verbaux des sociétés de Google en Irlande, utilisées pour expédier ses bénéfices vers ...

Et grâce aux participations détenues dans une autre filiale de Google, située aux Îles Bermudes cette fois, une partie des dividendes rassemblés en Irlande s’envole ensuite vers ce paradis fiscal de l’Atlantique, comme nous l’avions autrefois raconté.

C’est l’ensemble de ces montages qui ont provoqué le courroux des fonctionnaires des impôts contre le groupe multimilliardaire. Après des vérifications demandées sur l’exercice 2008, achevant d’étayer leurs soupçons, les enquêteurs du fisc ont perquisitionné le 30 juin 2011 les bureaux parisiens de Google France, avenue de l’Opéra, rue de Londres, rue Louis-le-Grand, et rue de Clichy.

Pour la Direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF), la société Google Ireland Limited agit comme le véritable propriétaire et bénéficiaire de la succursale française, sur la base d’un contrat daté du 1er juillet 2004, mais sans rien dire au Trésor Public – la coquille irlandaise n’ayant pas pris soin de satisfaire aux obligations fiscales des sociétés étrangères déployant des activités en France, qui doivent se déclarer auprès d’un service spécialisé des impôts.

Ritournelle

Une version qu’a contesté en justice Google France, dont le directeur général Jean-Marc Tassetto n’a pas répondu à nos sollicitations, tout comme Maria Gomri, responsable juridique pour la France ni Yoram Elkaïm, directeur juridique pour l’Europe.

En lieu et place d’éléments d’explication, la responsable de la communication de Google France, Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, nous a adressé un email affirmant que “Google se conforme aux législations fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise opère” et rajoutant “nous sommes convaincus d’être en conformité avec la loi française”.

Sauf que cette ritournelle de communicants a été balayée par la Cour d’appel de Paris, dans une ordonnance du 15 mai 2012, mis en ligne par nos confrères de BFM TV.

Lex Google : état des lieux

Lex Google : état des lieux

Oh, les jolis sourires crispés ! Ce lundi 29 octobre, François Hollande, accompagné des ministres Aurélie Filippetti ...

Les magistrats ont confirmé la légalité de la perquisition et les présomptions de fraudes. Contactée par Owni, l’avocate de l’administration fiscale dans cette procédure, Me Dominique Hebrad a indiqué qu’à cette heure que “les avocats de Google n’ont pas engagé de recours” contre cette décision de justice. Supposant ainsi qu’ils en acceptaient les conclusions.

Lundi, les responsables de Google France accompagné du grand patron, Eric Schmidt, rencontraient à l’Élysée François Hollande et la ministre déléguée de l’Économie numérique. Pour parler de la taxe Google. Mais aussi, selon Le Canard Enchaîné, pour discuter du redressement fiscal hors norme qui menace l’entreprise ; un sujet que les représentants de Google démentent avoir évoqué à cette occasion.

Pour la circonstance, l’équipe Google était accompagné d’un grand commis de l’État discrètement converti au charme de l’industrie de la publicité en ligne. Francis Donnat, maître des requêtes au Conseil d’État, conseiller auprès de la Cour de justice des communautés européennes, a rejoint Google France au mois de septembre dernier en qualité de lobbyiste en chef.

Pour parler d’égal à égal, au nom de la firme, avec ses anciens condisciples de l’ENA (promotion Valmy) évoluant aujourd’hui à la Direction générale du Trésor ?


Le bilan comptable de Google Ireland Limited pour l’exercice 2011 :


Le procès-verbal de la société irlandaise Google Europe :


Illustration par Artamir [CC-byncnd] modifiée avec son autorisation par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Le web mise sur le fisc irlandais http://owni.fr/2012/04/23/apple-mise-sur-le-fisc-irlandais/ http://owni.fr/2012/04/23/apple-mise-sur-le-fisc-irlandais/#comments Mon, 23 Apr 2012 18:01:52 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=107505

Apple va créer 500 nouveaux emplois dans le sud de l’Irlande, à Cork, où l’entreprise emploie déjà 2800 personnes. Cité par l’AFP, le ministre irlandais de l’Entreprise et de l’innovation, Richard Bruton, se réjouit du coup de pouce :

C’est un vote de confiance dans l’avenir de notre économie et cela montre de quoi est capable l’Irlande au coeur d’une Europe stable.

En Irlande sont déjà présents les sièges européens des plus grandes entreprises du web. Twitter le petit dernier, Apple, Dell, Facebook, Google, Intel, Microsoft et autres ont en effet eu cette idée un peu géniale : s’installer dans un pays où l’impôt sur les sociétés s’élève à 12,5 % contre 33 % en France. Et où l’administration entretient une belle souplesse fiscale pour les multinationales (consistant à ne pas imposer les bénéfices des filiales étrangères rattachées aux sociétés holdings irlandaises).

Mais la population ne profite pas vraiment de ces implantations industrielles. Un paradoxe, qu’Apple s’emploiera peut-être à faire oublier avec ces recrutements. À cette occasion, OWNI a voulu décortiquer les relations nouées entre l’État irlandais et ces entreprises. Analyse de Jérôme Dupuy, avocat chez Mason Hayes & Curran, cabinet d’affaires irlandais ayant notamment conseillé Facebook dans l’établissement et le développement de leurs quartiers généraux européens à Dublin.

On parle beaucoup d’attractivité irlandaise. En quoi hormis le faible taux d’imposition, le pays est-il attractif ?

L’attractivité de l’Irlande ne tient pas seulement au taux d’imposition extrêmement bas – 12,5 % – qu’elle offre aux entreprises mais à la flexibilité de sa force de travail hautement qualifié, à sa compétitivité – le pays est devenu plus compétitif avec une baisse des prix à la consommation, baisse de l’immobilier facilitant les implantations, une baisse du niveau des salaires – et enfin à l’absence de bureaucratie. Bien entendu, le taux à 12,5 % est un élément important de l’attractivité de l’Irlande. Ce taux est malgré tout strictement encadré et n’est valable que pour les entreprises présentant les pré-requis d’une activité commerciale substantielle en Irlande. En d’autres termes : l’Irlande n’est pas une juridiction offshore mais une véritable et solide destination d’affaires.

Au niveau de la croissance, le contexte économique irlandais est favorable à l’installation de ce genre d’entreprises ?

Le pire est derrière nous. Après trois années de récession, l’Irlande a renoué avec la croissance : au premier trimestre 2011, le produit intérieur brut a progressé de 1,9 %, puis de 1,6 % au second. L’Irlande a su tirer profit des 85 milliards d’euros que lui ont octroyés l’Union européenne et le Fonds monétaire international, il y a un an. Une aide destinée à combler le déficit public (32 % du PIB) provoqué par le renflouement des banques irlandaises, ruinées par la spéculation immobilière.

[Mais] La population profite-t-elle de ces 85 milliards d’euros ?

Elle subit toujours le plan d’austérité du gouvernement, constitué de baisses de salaire, suppressions d’emplois dans le secteur public, hausses des impôts et des taxes, coupes sombres dans les budgets sociaux. On constate ainsi que la croissance de l’Irlande repose à l’heure actuelle presque exclusivement sur ses exportations. Il y a ainsi une économie à deux vitesses. D’un côté, il y a les multinationales installées dans l’île, exportatrices de produits high tech et équipements électroniques tels que des ordinateurs, ainsi que de produits chimiques et pharmaceutiques. Bien que menacées par le ralentissement de l’économie mondiale, ces entreprises sont en bonne santé. De l’autre côté, il y a les entreprises irlandaises, qui, elles, dépendent d’une consommation intérieure qui subit les mesures d’austérité successives.

Dans cette situation économique locale austère, le salut du pays passe par l’attraction d’entreprises étrangères en Irlande, les fameux IDE, Investissements Directs Etrangers.

L’agence de développement irlandais à l’étranger IDA Irlande – agence de promotion de l’investissement direct étranger en Irlande – travaille de quelle manière avec les sociétés tech’ ?

Elle se place aux côtés des entreprises étrangères afin de sécuriser leurs nouveaux investissements et de contribuer au développement des activités des investisseurs ayant déjà parié sur l’Irlande. Après le succès de l’Irlande auprès des multinationales pharmaceutiques, des activités de haute technologie (sept des dix principales entreprises du secteur et 50 milliards d’euros en exportation pour l’Irlande) et des groupes financiers, le pays compte aujourd’hui rebondir grâce à la troisième génération Internet : Google, Facebook, Intel, Twitter, toutes ces sociétés qui s’installent à Dublin et dont le marché croit à une vitesse exponentielle. IDA se concentre surtout sur la région de San Francisco, où des sociétés comme Google ont leur siège, pour identifier les sociétés à croissance rapide.

Les créations d’emplois ont lieu majoritairement dans quelles partie du pays ?

Devenue la ville préférée de sociétés telles que Google, Facebook, LinkedIn, eBay et Gala Networks, qui y ont toutes installé leur siège international, Dublin est en passe de devenir la capitale européenne d’Internet. Ce statut lui sera sans doute conféré si le pays continu à mettre en œuvre les infrastructures de communication à haute vitesse nécessaires pour soutenir les investissements en province. D’autres annonces majeures sont attendues pour d’autres villes du pays. Dont Waterford dans le sud-est du pays, Sligo au nord-ouest ou encore Limerick au sud-est qui toutes trois constituent des zones largement soutenues par IDA et qui offrent de sérieuses possibilités d’aides à l’implantation pour tout nouvel investisseur.

eBay et son système de paiement en ligne PayPal emploient déjà plus de 1600 personnes sur le site de Blanchardstown. La société a dévoilé son intention de créer 150 nouveaux postes permanents dans le service client, la gestion des comptes et l’amélioration des processus. IBM a suivi en annonçant 200 nouveaux emplois dans son premier centre technologique pour des villes plus intelligentes, qui vise à révolutionner la façon dont les villes fournissent des services tels que l’eau et les transports. La technologie Internet sera au cœur de ce projet. LinkedIn, service de réseautage social, a ensuite annoncé l’installation de son siège international à Dublin. Les emplois concerneront une grande variété de postes dans le commerce et les technologies, notamment dans la vente, le marketing, la finance et le service client. La société explique qu’elle gèrera son expansion internationale depuis Dublin en travaillant avec des équipes à Londres et aux Pays-Bas.

Ces investissements liés à Internet suivent de près les annonces de ces derniers mois émises par Gala Networks, géant japonais des jeux sur internet, qui s’agrandit avec 100 nouveaux emplois. D’autres entreprises telles que la société de jeux sociaux Zynga, dont le chiffre d’affaires s’élève à 300 millions de dollars par an grâce à des jeux tels que FarmVille et Mafia Wars, songent à s’implanter à Dublin. En octobre [2011, NDLR], Eric Schmidt, PDG de Google, a déclaré qu’il prévoyait d’étendre les activités de Google, dont le site compte actuellement 1500 employés. Pendant ce temps, Facebook, implanté aussi en Irlande recrute actuellement 140 personnes.

Cork est également pris dans le tourbillon Internet. La ville, qui accueille Apple Computer depuis les années 1980, génère des centaines d’emplois liés à Internet. La société de logiciels de sécurité McAfee est en train d’élaborer un site d’assistance technique de 120 personnes à Cork et Activision Blizzard, première société de jeux au monde, a embauché 740 personnes au cours des derniers mois là-bas. L’Irlande possède des marques leaders et attire d’autres entreprises grâce à la visibilité des grands noms qui viennent s’installer ici. Le pays veut confirmer qu’il reste la tête de pont entre la Silicon Valley et l’Europe.


Illustration et couverture par Loguy pour Owni /-)

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Les torts de Google redressés http://owni.fr/2012/03/21/les-torts-de-google-redresses/ http://owni.fr/2012/03/21/les-torts-de-google-redresses/#comments Tue, 20 Mar 2012 23:25:17 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=102715

La nouvelle est arrivée mardi en début d’après-midi, Google France tombe sous le coup d’une procédure de redressement fiscal pour un montant d’environ 100 millions d’euros. En cause, une partie du dispositif irlandais de défiscalisation par la firme, qu’OWNI avait décrit au mois d’avril 2011, et qui pourrait lui avoir permis d’échapper à l’impôt sur les sociétés ainsi qu’à la TVA entre 2008 et 2010.

Les îles Bermudes, la planque à billets de Google

Les îles Bermudes, la planque à billets de Google

Nous avons recueilli les procès-verbaux des sociétés de Google en Irlande, utilisées pour expédier ses bénéfices vers ...

Cette grosse punition intervient au lendemain de la révélation par le site de l’hebdomadaire L’Express d’une descente de la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et des Douanes au siège parisien de Google, le 30 juin 2011. Lors de la perquisition, de nombreux “mails, factures et autres contrats” ont été saisis puis conservés comme pièces à conviction pour évaluer le montant de l’impayé. Et déterminer l’origine des opérations menées en France auprès des clients et des fournisseurs de Google.

En d’autres termes, il s’agit d’établir si la facturation des achats de liens sponsorisés peut être légalement établie au siège social irlandais de la firme. C’est de l’évasion fiscale si les ordres ont été enregistrés en France. Sur ce point, Bercy émet des réserves quant à la localisation du centre des décisions commerciales de Google qui pourrait avoir réalisé une partie de ses opérations dans l’Hexagone sans s’acquitter du montant de la taxe.

C’est sans doute le fossé abyssal entre le chiffre d’affaires de Google France (68,7 millions d’euros en 2010) avec son cousin du Royaume-Uni (2,5 milliards d’euros), 37 fois plus important, qui a pu mettre la puce à l’oreille de la DNEF. D’autant que la France reste un pays économiquement important pour l’entreprise américaine, qui détenait 95% du marché des liens sponsorisés en 2010 et pour laquelle l’Hexagone constitue encore le quatrième pays en terme d’activité selon L’Express.

La problématique de l’enquête du fisc consiste alors à déterminer juridiquement où se trouve cette localisation. S’il s’avérait que les ordres passés en France ont suivi un “cycle commercial complet” avant d’aller directement dans les caisses de l’Irlande, la justice française redressera les bretelles du moteur de recherche avant de lui vider les poches. Dans le cas contraire, où la procédure resterait tout ce qu’il y a de plus réglementaire, Google ne paierait rien. Le ministère du Budget n’a pas souhaité faire de commentaire au nom du secret fiscal. De son côté, un porte-parole de la firme a déclaré à l’AFP :

Google se conforme aux législations fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise opère, et nous sommes convaincus d’être en conformité avec la loi française.

Les avocats de l’entreprise ont donc tout intérêt à éviter un redressement fiscal qui, même s’il représente une part pouvant sembler dérisoire au regard du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise (29,32 milliards de dollars en 2010), équivaut tout de même 145% du chiffre d’affaires de Google France. Une condamnation du géant américain serait également synonyme de jurisprudence et ouvrirait la porte à des conséquences pour les autres grandes entreprises du marché notamment Facebook, Apple et Amazon connues elles aussi pour leur politique d’optimisation fiscale européenne. Les conduisant à fonder de multiples structures au Luxembourg.

Cette affaire de redressement intervient seulement quelques jours après la proposition par Nicolas Sarkozy de “taxer les géants du net” et notamment Google qui ne paie que 2,4% d’impôts ses bénéfices en Irlande. Problème, la proposition d’une taxe sur la publicité en ligne a déjà été retoquée à la demande du Conseil National du Numérique (CNN), en juin 2011.

Cette fois, le président-candidat semble décider à imposer les grandes entreprises de l’internet qui devront, s’il est réélu, “s’acquitter d’un impôt représentatif des activités dans notre pays”. Le 15 mars dernier, il déclarait à l’hebdomadaire Le Point:

Il n’est pas admissible qu’ils réalisent un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros en France sans contribuer à l’impôt


Photos sous licences Creative Commons par Stuck in Customs [CC-byncsa]

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La BCE, donjon vacillant de l’Europe http://owni.fr/2011/06/30/bce-donjon-vacillant-europe-crise-financiere/ http://owni.fr/2011/06/30/bce-donjon-vacillant-europe-crise-financiere/#comments Thu, 30 Jun 2011 17:58:30 +0000 Stanislas Jourdan http://owni.fr/?p=71295 Sur fond de manifestations violentes à Athènes, de débats tendus au parlement grec où de nouvelles mesures d’austérité viennent d’être votées, et pendant que les dirigeants européens et les créanciers de la Grèce se réunissent à Rome afin d’éviter une faillite de la Grèce, le débat a tendance à cliver l’opinion publique : qui sont les coupables de la situation actuelle ? Est-ce le peuple grec ? L’oligarchie qui l’a dirigé et la dirige encore ? Est-ce la faute au FMI, à l’euro, à l’Europe ?

Et pendant ce temps, il reste un acteur majeur dont le rôle est largement sous-estimé, voire ignoré : la Banque Centrale Européenne (BCE).

Si personne ne doute du pouvoir dont dispose cette éminente institution, ses véritables domaines d’intervention et les conséquences de la politique monétaire qu’elle mène depuis 2008 sont assez négligés par le grand public. Pourtant, derrière la façade de son indépendance et sa noble mission de contrôle de l’inflation, la BCE dispose d’un pouvoir énorme : celui de sauver les banques, d’assurer la stabilité financière.

Rôle qu’elle a pris à coeur depuis 2008 et qui, à force d’en abuser, menace aujourd’hui la prospérité et la démocratie en Europe.

Comment la BCE a gonflé la bulle immobilière

Le premier problème de la zone euro est intrinsèque à sa nature même : une monnaie unique pour différents pays. Dans une telle configuration, la politique monétaire de la Banque centrale européenne, ne peut être que très imparfaite, car elle ne peut tenir compte des spécificités de chaque pays membre de la zone. C’est ce que l’on appelle le « one size fits all », la politique du taux unique.

Cette contrainte de la zone euro a directement été remise en cause avec l’éclatement de la bulle immobilière en 2008. En effet, les bulles immobilières en Irlande ou en Espagne auraient probablement été plus contenues si la banque centrale avait appliqué des taux plus adaptés à la spécificité des secteurs bancaires de ces pays. Mais les taux plutôt bas appliqués par la BCE ont permis aux banques irlandaises et espagnoles de se refinancer plus facilement qu’auparavant auprès de la banque centrale, ce qui les a incité à prendre davantage de risque.

En vertu de son puissant rôle de supervision, la BCE aurait au moins pu alerter la communauté financière de l’anormalité de l’expansion du crédit en Irlande ou en Espagne, comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises John Bruton, ancien premier ministre irlandais et ambassadeur européen à Washington.

La BCE est donc en partie responsable de cette crise, mais elle est aussi coupable de sa mauvaise gestion.

Distorsion du marché des dettes souveraines

Lorsque Lehman Brothers fait faillite, l’onde de choc qui atteint très rapidement l’ensemble du secteur bancaire européen force la BCE à intervenir sur le marché afin d’éviter la banqueroute généralisée. Elle prend donc l’initiative de garantir la stabilité financière, ce qui n’est d’ailleurs pas dans les missions que lui ont assigné les traités européens.

Pour faire face à la défiance du marché interbancaire (où se refinancent normalement les banques), la BCE mène des opérations dites d’« open market ». Cela signifie qu’elle injecte des liquidités dans le circuit bancaire en permettant aux banques privées de se refinancer auprès d’elle, à des taux très favorables. Pour cela, il suffit aux banques de présenter des actifs éligibles aux critères de la BCE, appelés “collatéraux” : des obligations, des bons du trésor, par exemple. En contrepartie de la “mise en pension” de ces titres auprès de la BCE et contre un taux d’intérêt au rabais (1,25% actuellement), les banques peuvent ainsi obtenir des liquidités illimitées.

Les banques ont naturellement profité de cette possibilité. Entre 2008 et 2010, le montant des prêts ainsi accordés aux banques si situaient en moyenne entre 700 et 900 milliards d’euros. Ce montant a baissé depuis, pour se situer aujourd’hui à environ 480 milliards d’euros, dont près de 350 milliards rien que pour les banques des PIGS (acronyme moqueur pour désigner le Portugal, l’Irlande, la Grèce, et l’Espagne, ndlr).

Mais l’intervention de la BCE ne se limite pas là. Le 10 mai 2010, sous l’intense pression des marchés, la BCE décide de lancer le  ”Securities Market Programme”. Concrètement, la BCE procède à l’acquisition de titres de dette (notamment grecs et portugais), afin d’améliorer la liquidité de ces marchés, et ainsi de redonner confiance aux investisseurs. La BCE s’est ainsi doté d’un portefeuille de 74 milliards d’euros de titres de dettes souveraine, qui n’est pas sans entrer en contradiction avec l’esprit des traités et notamment de l’article 123 du traité de Lisbonne qui stipule :

Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite.

L’utilisation de ces instruments monétaires n’est donc pas anodine. Et si cette politique a permis d’éviter un effondrement massif du secteur bancaire, et de donner un peu de temps à la Grèce, cela a aussi des effets néfastes sur le bon fonctionnement des marchés financiers.

Dans un contexte de chaos financier, les banques prennent moins de risque, et l’on observe une “fuite vers la qualité“. En l’occurrence, les banques se sont massivement détournées du marché des actions vers les commodities (les matières premières) et les bons du trésors, c’est à dire la dette des Etats soit-disant “sans risque”…

Ce report des investissements vers la dette souveraine a été encouragé par la politique monétaire de la BCE, dans la mesure où celle-ci accepte justement les obligations du trésor dans sa liste de actifs collatéraux éligibles. Du coup, le risque pour les banques d’acheter de la dette souveraine est encore plus faible : elles pourront toujours confier ces actifs à la BCE en échange de liquidités, se déchargeant ainsi d’un risque de défaut de la Grèce, par exemple.

Le rôle de la BCE n’est donc pas anodin dans la crise de la dette souveraine. Selon le think tank Open Europe, qui appelle à une refonte de l’Union Européenne, si la BCE avait été moins tendre avec les banques, celles-ci se serait détournées plus tôt de certains titres de dette, forçant ainsi les PIGS à entamer des réformes avant d’être pris à la gorge par les marchés comme ils le sont aujourd’hui.

Sauver l’euro, à tout prix ?

Garantir la confiance dans le marché bancaire à court terme peut sembler nécessaire. Mais cette politique doit comporter des limites, que la BCE semble malheureusement ne pas connaître, comme le témoigne le cas irlandais.

En Irlande, les banques ont été tellement dévastées par la crise immobilière qu’elles se sont retrouvées rapidement insolvables. En effet, l’éclatement de la bulle immobilière affaiblit tellement le secteur bancaire irlandais que par crainte de faillite de plusieurs banques, celles-ci font l’objet d’une fuite massive des dépôts vers l’étranger. Rien de moins qu’un “bankrun” invisible, silencieux, à coup de virements bancaires plutôt que de longue file devant les distributeurs de billets.

Selon les chiffres de la banque centrale d’Irlande, le montant des dépôts de non-résidents ont chuté de 50% en près de six mois, entre juin et décembre 2010. En situation de faillite virtuelle, et bannies des marchés obligataires, les banques irlandaises n’ont d’autre choix que de se tourner vers la BCE pour se réapprovisionner en liquidités, par le mécanisme précédemment expliqué.

Mais à défaut de pouvoir présenter des actifs de qualité auprès de la BCE, c’est directement la Banque centrale d’Irlande (BCI) qui – avec l’accord de la BCE – va prêter aux banques en dernier ressort, par un  mécanisme appelé “emergency liquidity assistance”. Les conditions de ce mécanisme restent floues, mais en fouillant un peu, on apprend ici et là que l’octroi de ces prêts d’urgence est lié à un accord entre la banque centrale et le ministère des finances irlandais, ce dernier autorisant expressément de prêter à une banque malgré l’absence d’actifs tangibles (mais tout de même avec un intérêt de 3%, ce qui est incroyablement peu cher compte tenu du risque encouru par la banque centrale d’Irlande).

Depuis décembre 2010, le montant de ces opérations atteint entre 51 milliards et 70 milliards d’euros. Montants qui s’ajoute aux 120 milliards d’euros déjà dépensés pour éviter un effondrement des banques de l’île…

Combien de temps cela va-t-il durer ?

Concrètement, la Banque centrale d’Irlande et la BCE sont en train de maintenir en vie des banques totalement insolvables malgré leurs renflouements successifs. Au total, le sauvetage des banques irlandaises implique environ 260 milliards d’euros entre les prêts de la BCE, de la BCI, et les fonds avancés par le gouvernement irlandais (et ses contribuables). N’est-ce pas un peu trop pour un pays dont le PIB est de 160 milliards d’euros ? Et alors même que l’on demande aux citoyens de se serrer la ceinture pour rembourser la dette publique ?

Une restructuration ainsi qu’une recapitalisation des banques avec la mise à contribution des créanciers des banques privées aurait certainement abouti à une situation plus saine, et surtout plus juste que l’ubuesque fuite en avant que l’on constate aujourd’hui en Irlande, mais aussi en Grèce, au Portugal, et bientôt en Espagne.

Mais selon Jean-Claude Trichet, président de l’institution de Francfort, « il serait une énorme erreur de s’embarquer dans des décisions qui pourraient déclencher un événement de crédit ».

L’indépendance de la BCE en question

Officiellement, la BCE argue qu’un défaut de paiement, même partiel, dit être évité car cela provoquerait une nouvelle dégradation de la note de la dette grecque par les agences de notation ce qui rendrait ces actifs inéligibles selon les règles de la BCE, et mettrait donc en difficulté les banques.

Mais en vérité, la BCE s’arrange déjà avec ses propres règles pour accepter des titres de dette totalement pourris. Sa crainte, c’est surtout qu’une restructuration même partielle pourrait créer un précédent en Europe, et ainsi engendrer un effet domino qui menacerait la pérennité de la monnaie commune.

Et pour éviter cela, la BCE utilise tous les moyens en son pouvoir pour en dissuader les gouvernants des pays concernés.

Outre les pressions que certains membres de gouvernements auraient subies de la part de la BCE, celle-ci  s’est lancé dans une véritable stratégie de chantage afin d’éviter à tout prix qu’un gouvernement ne procède à une restructuration de sa dette, affirmant que si tel était le cas, elle ne continuerait plus de soutenir les banques des pays concernés. Provoquant de fait une faillite de celles-ci.

De même, l’indépendance de la Banque centrale a également été mise en doute avec le remplacement de Trichet à la tête de la banque de Francfort par Mario Draghi. Cette fois-ci, c’est Nicolas Sarkozy qui est venu faire de l’ingérence dans les affaires de Francfort, demandant en coulisses la démission de Lorenzo Bini Smaghi, afin qu’il n’y ait pas deux italiens au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. L’autre raison est bien sûr qu’en ces temps de crainte de “nouveau Lehman Brothers”, il est toujours appréciable d’avoir quelqu’un pour seconder  Christian Noyer à la gouvernance de la BCE et ainsi mieux protéger les intérêts nationaux de la France.

La BCE bientôt en faillite ?

On ne peut comprendre le véritable dilemme qui se pose à la BCE sans bien réaliser le fait que la BCE, par ses opérations de refinancement des banques et d’acquisitions d’obligations sur le marché secondaire, possède aujourd’hui dans son bilan environ 430 milliards d’euros de dette souveraine des “PIGS”.

Or, avec 10,7 milliards d’euros de capital et 70 milliards d’euros de réserves pour  environ 1900 milliards d’actifs dans son bilan, la BCE cumule deux faiblesses : une capitalisation trop faible ainsi qu’un trop fort effet de levier. Autrement dit, si elle laisse les gouvernements grecs, irlandais, ou portugais faire défaut, elle subira elle-même des pertes sèches qui pourraient tout simplement la mettre en faillite ! Un scénario qui ne permettrait d’envisager que deux solutions.

La première, c’est la planche à billet : la BCE pourrait facilement effacer ses pertes par création monétaire. Mais cette solution semble difficilement compatible avec son objectif de maintien de l’inflation. Il faudrait de plus convaincre les économistes allemands de recourir à ce qu’ils redoutent le plus au monde en raison du risque inflationniste que cela implique .

La seconde solution, c’est de demander aux états de l’Union Européenne – actionnaires de la BCE – de recapitaliser la banque. Mais le problème cette fois-ci, c’est qu’il faudra faire passer (une fois de plus) la pilule aux contribuables…

On le comprend, la BCE veut à tout prix éviter d’en arriver à cette humiliante (et dramatique) situation. Et c’est pourquoi elle fait barrage à toute restructuration de la dette souveraine. D’autant plus que si elle encaissait des pertes sur de la dette souveraine, cela pourrait être interprété comme une assistance à un état, ce que les traités lui interdisent formellement !

Banque centrale vs. foule en colère

Nul ne peut l’ignorer à présent : en décidant de secourir le secteur financier en 2008, la BCE a outrepassé ses prérogatives initiales. Elle a de fait endossé le rôle d’une institution politique et économique interventionniste avec lequel l’indépendance est difficilement compatible. Et dès lors, elle doit rendre des comptes aux citoyens.

Or, le bilan de la politique monétaire de Francfort est plutôt paradoxal : tandis qu’elle garantie des liquidités illimités aux banques too big to fail, elle empêche formellement toute restructuration de dette publique pourtant considérée comme inévitable et nécessaire par la plupart des analystes ; elle force les gouvernements à adopter des plans de sauvetages couteux pour les contribuables ; elle rehausse les taux d’intérêts directeurs afin de contenir la hausse des salaires.

Seul point positif : l’inflation reste contenue pour le moment. Mais cette maigre consolation suffira-t-elle à apaiser la colère des grecs, l’indignation des espagnols, l’exaspération des portugais, le malaise des irlandais ?

Faire payer aux citoyens le prix de dettes d’origine privées et nationalisées pour éviter un effondrement total du système financier : voilà l’équation impossible que tente de résoudre la gardienne de notre monnaie commune.


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Les îles Bermudes, la planque à billets de Google http://owni.fr/2011/04/19/google-irlande-bermudes-evasion-fiscale/ http://owni.fr/2011/04/19/google-irlande-bermudes-evasion-fiscale/#comments Tue, 19 Apr 2011 13:55:46 +0000 Stanislas Jourdan & Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=57828 Depuis le mois d’octobre dernier, plusieurs enquêtes ont montré que Google avait créé des dispositifs juridiques lui permettant d’échapper à l’impôt à hauteur d’un milliard de dollars par an. En cause, plusieurs des filiales à l’étranger, notamment en Irlande, toutes fondées par Google.

À Dublin, OWNI a recueilli près de 90 pages de statuts et de procès-verbaux des sociétés fondées par les heureux actionnaires du moteur de recherche. Deux d’entre-elles, Google Europe et Google Ireland Holdings, servent à recueillir les bénéfices générées grâce aux internautes européens pour ensuite transférer les fonds vers les comptes d’une filiale installée dans un paradis fiscal, l’archipel des Bermudes. Comme le montre l’extrait ci-dessous, ces structures dépendent de directeurs du groupe spécialement affectés aux opérations de défiscalisations en direction des Bermudes.

En termes pratiques, quand un internaute français, anglais ou allemand achète des services à Google – en particulier Adwords ou Adsense – sa carte est débitée vers un compte en banque à Dublin. Puis une partie de la marge nette dégagée par Google disparaît dans les Bermudes, par l’intermédiaire d’une holding basée aux Pays-Bas.

À Paris, nous avons interrogé la porte-parole de Google sur la moralité de ces montages juridiques – que l’on rencontre plus fréquemment dans l’industrie du tabac ou de l’armement. Mais Anne-Gabrielle Dauba Pantanacce nous affirme :

Je n’ai pas de détails à partager avec vous là-dessus

L’existence de Google Bermudes est un sujet en soi. Les documents mentionnent un siège social dans la ville d’Hamilton, à Clarendon House, au croisement de Church Street et de la route de Par-la-Ville.

Church Street, centre ville de Hamilton

À cette adresse, Google Bermudes consiste en réalité en une boite postale tenue par une société spécialisée en montages off-shore : Conyers Dill & Pearman. Un cabinet rassemblant plusieurs avocats d’affaires locaux travaillant dans ce paradis fiscal pour le compte de multinationales.

C’est ce cabinet qui administre Google Bermuda Limited, remplacé en 2006 par Google Bermuda Unlimited. Cette modification du statut est d’ailleurs loin d’être anecdotique : cette forme juridique plus récente permet d’échapper à l’obligation de publier les comptes.

Au sein du cabinet Conyers Dill & Pearman, nous nous sommes entretenus avec Lorina Taylor, l’une des consultantes chargée de Google aux Bermudes. Après avoir confirmée que le cabinet administrait bien les entités Google dans l’archipel, l’un de ses supérieurs a coupé court à nos demandes :

Nous ne communiquons aucune information relative à notre client.

Alors que Google emploie près de 1 800 personnes en Irlande, sa succursale aux Bermudes qui reçoit les revenus des internautes européens n’emploierait pas un seul salarié maison. Et, comble de l’ironie : Google Bermudes n’existe même pas sur Internet, la firme multimilliardaire n’ayant pas daigné débourser 89 dollars dans l’acquisition du nom de domaine google.bm …


Photos flickr CC Loco Russo ; John Dawson

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Colère et malaise dans les urnes irlandaises http://owni.fr/2011/02/25/colere-et-malaise-dans-les-urnes-irlandaises/ http://owni.fr/2011/02/25/colere-et-malaise-dans-les-urnes-irlandaises/#comments Fri, 25 Feb 2011 18:27:45 +0000 Stanislas Jourdan & Stefanie Chernow http://owni.fr/?p=48468 Sauf mention contraire, tous les liens de cet article sont en anglais.

Les citoyens irlandais votent aujourd’hui 25 février 2011. Une élection différente des précédentes. Depuis que la crise économique a frappé l’Europe en 2008, l’Irlande a des difficultés à maintenir la tête hors de l’eau. Le pays, qui était devenu un modèle à l’échelle européenne, a connu de lourdes pertes financières, au point de devoir nationaliser les dettes insolvables de ses banques. Les Irlandais se rendent aujourd’hui aux urnes pour exprimer leur indignation contre un gouvernement qu’ils estiment irresponsable. Mais la plupart d’entre eux savent aussi qu’il faudra plusieurs années pour combler le trou financier actuel.

La journée d’aujourd’hui est donc non seulement très importante pour les citoyens irlandais, mais aussi pour le reste de l’Europe. Enchainés à l’Irlande par leur monnaie unique, les pays de la zone euro sont responsables des succès et échecs de la mise en place de l’euro. La Grèce fut un premier exemple de la manière dont une monnaie auparavant forte, pouvait vaciller lorsqu’un pays falsifie ses comptes publics. La manière dont le nouveau gouvernement irlandais va gérer la crise économique aura des conséquences sur l’Union Européenne dans son ensemble.

La chute du tigre celtique

Avant 2008, l’Irlande était prospère. Croissance, emploi, et investissements étaient tels que le pays a été surnommé “le tigre celtique”. Dublin était devenue la ville d’accueil de nombreux sièges de multinationales, attirées par la prospérité du pays et par sa très avantageuse fiscalité. Mais le rêve irlandais a pris fin avec la crise des subprimes [fr].

L’histoire n’est que trop banale : les banques investissent trop massivement dans l’immobilier jusqu’à ce que la bulle éclate, et que les États soient contraints de les renflouer pour éviter l’effondrement total de l’économie. La banque Anglo fut la première à vaciller, elle qui avait tenté de cacher 80 millions de prêts douteux. Avec la nationalisation de la banque Anglo pour 34 milliards d’euros, et les recapitalisations des banques AIB et Bank of Ireland, le prix de l’irresponsabilité des banques privées sera payée par le secteur public. C’est à dire les citoyens.

Nouvelle crise, symptômes anciens

Certains États membres de l’Union ont réussi depuis 2008 à rééquilibrer leur économie. Mais celle de l’Irlande continue de se détériorer. Avec un chômage de 13,7%, un déficit de 30% du PIB, et une dette atteignant 97% du PIB, ceux qui ont de l’argent n’ont pas l’intention de laisser fondre leur portefeuilles d’actifs en Irlande. Du coup, une panique bancaire, silencieuse, lente mais non moins terrible, frappe le pays depuis quelques mois. Ceux qui ont les moyens font sortir leurs avoirs du pays pour investir dans des endroits plus stables, minant mécaniquement l’économie du pays. De même, les demandeurs d’emploi n’ont d’autre choix que se tourner vers l’étranger. On estime ainsi à 100.000 le nombre de personnes ayant quitté le pays depuis deux ans. A l’image de la grande famine de 1845-1849 surnommée “potatoe famine”, les Irlandais émigrent aujourd’hui à cause du manque de liquidités. A moindre échelle, évidemment.

En novembre 2010, l’Irlande a dû demander de l’aide à l’Europe. Le 29 novembre, le gouvernement conclut un accord avec l’Union Européenne et le FMI qui débloque un plan de sauvetage sous la forme d’un prêt de 85 milliards d’euros. Ce soutien n’est pas sans contre-partie : le gouvernement irlandais doit poursuivre les réformes pour assainir ses comptes publics, les fonds ne seront disponibles que lorsque l’Irlande aura voté son budget, en 2011 donc.

Ce plan devait rétablir la confiance dans l’économie irlandaise. Mais une fois encore, les investisseurs ne l’entendent pas de cette oreille. La population et les actifs continuant d’émigrer, la banque centrale d’Irlande n’a d’autre solution que de créer de la monnaie pour combler le manque de liquidités bancaires. Ces mesures exceptionnelles sont censées être temporaires, mais montrent combien le secteur bancaire est aujourd’hui faible. Plus récemment encore, on a appris que certaines banques achetaient leurs propres obligations de manière à améliorer (fictivement) leur bilan… et ainsi offrir les garanties requises par la BCE.

Les élections générales : une nouvelle direction pour l’Irlande ?

Pour toutes ces raisons, les élections d’aujourd’hui ont pris une importance bien particulière aux yeux de l’opinion publique. Les partis d’opposition ont appelé les citoyens à “transformer leur colère en action”, et il semble qu’ils soient prêts à le faire. Considéré comme responsable de la situation actuelle, Fianna Fáil, le parti de droite qui a été au pouvoir durant 61 des 79 dernières années, s’attend à prendre une claque historique.

En face, Fine Gael, parti de centre droit, et le Labour Party irlandais vont probablement rafler la mise. L’accord conclu avec l’UE et le FMI étaient au centre de leur campagne. Ils ont promis une renégociation de la dette contractée, à l’image de l’Islande qui revoit encore aujourd’hui les conditions des accords conclus en 2008. Ce scénario islandais peut-il se répéter ? Rien n’est moins sûr… Car alors que les accords islandais concernent une (petite) poignée de milliards, le plan de sauvetage de l’Irlande s’élève, lui, à plus de 80 milliards d’euros.

Même si ces accords sont renégociés, la somme à rembourser n’en sera pas moins gigantesque, constituant près de 43% du PIB irlandais.

Ce qui sera intéressant à analyser ce soir n’est pas nécessairement la future composition du Dáil, le parlement irlandais. Les véritables signaux lancés par les électeurs se trouveront probablement en marge de la victoire, donnée pour acquise, du Labour party et de Fine Gael.

En effet, ces élections sont marquées par une présence inédite des candidats indépendants. Environ 15% des électeurs pourraient ainsi se tourner vers ces candidats “non-alignés”. Parmi eux, le candidat Dylan Haskins, 23 ans, fait figure de symbole de ce qui pourrait constituer une alternative intéressante, ou au moins porteuse d’un espoir devenu rare en Irlande. Son parti, très présent sur Internet, prône des mesures sociales favorables à la jeunesse pour assurer l’avenir du pays. L’émergence de ce type de partis peut s’analyser comme un signal du renouveau à la fois politique et idéologique du pays.

A l’inverse, il faudra également surveiller l’abstention et le parti indépendantiste, le Sinn Féin. Une forte abstention serait le signe d’une défiance accrue des irlandais vis à vis de leurs représentants. De son coté, le score du Sinn Féin (crédité de 10% des intentions de votes avant le suffrage), pourrait caractériser un durcissement de l’amertume d’une partie des irlandais. Le parti a en effet annoncé son intention de demander purement et simplement l’annulation de la dette du pays. Ces deux facteurs pourraient donc présager une évolution de la situation à l’image de celle de la Grèce : un durcissement de l’opinion publique et une montée potentielle de la violence.

Crédits Photo FlickR CC European Parliament ; Jonathan Davis ; William Murphy

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Irlande: les banques veulent les intérêts et les primes d’intérêts de la crise http://owni.fr/2010/11/29/irlande-les-banques-veulent-les-interets-et-les-primes-interets-de-la-crise-pret-cds/ http://owni.fr/2010/11/29/irlande-les-banques-veulent-les-interets-et-les-primes-interets-de-la-crise-pret-cds/#comments Mon, 29 Nov 2010 15:52:09 +0000 Paul Jorion http://owni.fr/?p=37289 Plusieurs choses à dire sur l’aide à l’Irlande. Je commence par quelques principes généraux.

Quand un pays connaît des difficultés de dette ou de déficit publics, les taux dont il doit s’acquitter pour des emprunts de diverses maturités s’élèvent. Il s’agit là d’une règle générale qui s’applique bien entendu à tout emprunteur, État, société ou particulier. Cette hausse a pour cause ce qu’on appelle le « risque de crédit », autrement dit, le risque de non-remboursement. Quel en est le mécanisme ?

En raison du risque de non-remboursement, l’emprunteur inclut dans le taux qu’il réclame une prime de risque : en réclamant un taux d’intérêt plus élevé qu’il ne serait normal s’il n’existait aucun risque de ne pas voir l’argent avancé lui revenir, le prêteur se constitue une cagnotte dont l’objectif est de couvrir, statistiquement, le risque qu’un jour l’un de ses emprunteurs ne pourra pas payer la somme ou ne la remboursera que partiellement. Les produits dérivés appelés Credit-Default Swaps (CDS) sont là pour évaluer le risque de défaut : celui qui court un risque est bien motivé en effet à l’évaluer correctement.

Sauf que l’on peut contracter un CDS sans être exposé à un risque (position « nue »), juste pour le plaisir de parier sur le malheur d’un État et gagner de l’argent sur le malheur de sa population (Ouh ! les vilains ; voir l’entretien avec Pascal Canfin, à propos de son initiative contre les CDS « nus », aujourd’hui dans Les Échos).

Pas touche aux primes des banques !

Ceci étant compris, quatre questions se posent :

Première question
Comment expliquer alors l’indignation de candidats prêteurs [les banques et organisations financières, NdR] à la suggestion de l’Allemagne qu’à partir de 2013, les prêteurs à un État de la zone euro pourront être à mis à contribution en cas de difficultés pour l’emprunteur, sous la forme d’une restructuration, d’une baisse du taux ou d’un rééchelonnement de la dette, puisqu’il s’agit de l’éventualité précisément couverte par l’inclusion d’une prime de risque (parfois considérable) dans le taux d’intérêt ? Ces investisseurs considèrent-ils que la surcote du taux de la dette d’État est un cadeau qui leur est simplement accordé ? La réponse est oui : ils n’ont jamais alimenté de cagnotte avec cette surcote, ils ont pris la mauvaise habitude de la considérer comme une aubaine pure et simple.

Deuxième question
Pourquoi l’Irlande ou la Grèce doivent-elles accorder des taux élevés (Euribor 3 mois + 3,5 %) aux pays européens qui leur viennent en aide puisque le mécanisme mis en place a pour but d’empêcher qu’elles fassent défaut, ce qui signifie que le risque de crédit est réduit à zéro, et qu’il n’y a donc aucune justification à l’inclusion d’une prime de risque dans le taux réclamé ? Ces nations prêteuses considèrent-elles que la surcote du taux est un cadeau qui leur est simplement accordé ? Même réponse que plus haut : il n’y a pas de petit profit (surtout s’il est gros, comme dans ce cas-ci !).

Un « compromis » pour tuer toute sécurité

Troisième question
Pourquoi appeler « compromis » le fait qu’après avoir dit qu’à partir de 2013, les prêteurs de la zone euro seront éventuellement exposés à une restructuration de la dette des États, on ajoute que les situations seront examinées « au cas par cas » ? C’est difficile à dire puisqu’il ne s’agit pas d’un compromis mais de l’ajout d’une clause qui émascule complètement le principe général, le « cas par cas » rendant la règle totalement inapplicable puisque fondée sur l’arbitraire. L’incertitude du prêteur sera totale sur ce qui l’attend ! A-t-on entendu parler au niveau le plus élevé où ces décisions se prennent, de la surcote d’incertitude qu’exigent les marchés ?

Quatrième et dernière question
Les « stress-tests », les fameux tests de résistance des banques européennes ayant été faits en excluant l’hypothèse d’une restructuration de la dette d’un quelconque pays de la zone euro, doivent-ils être refaits maintenant que la restructuration est envisagée ? La réponse est oui.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Billet publié initialement sur le blog de Paul Jorion sous le titre BFM RADIO, LUNDI 29 NOVEMBRE A 11h39 – COMMENT GERER LES CRISES, A L’AVENIR.

Photo FlickR CC Andrew Mager ; William Murphy.

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Agences de notation : ta dette publique contre une réforme des retraites http://owni.fr/2010/10/06/agences-de-notation-ta-dette-publique-contre-une-reforme-des-retraites/ http://owni.fr/2010/10/06/agences-de-notation-ta-dette-publique-contre-une-reforme-des-retraites/#comments Wed, 06 Oct 2010 10:26:25 +0000 Fakir http://owni.fr/?p=30566 La Grèce est passée de A- à BBB+, et maintenant BBB-. L’Espagne, de AA+ à AAA. Le Portugal, de AA à AA-. Derrière ces petites lettres, ce sont les taux d’intérêt qui, pour ces pays, vont s’envoler, le poids de la dette publique qui va s’alourdir, des budgets qui seront coupés. Des notes « dégradées », explique Fitch Ratings, en raison « d’inquiétudes » sur les finances publiques et « d’incertitudes » sur la reprise économique. Et alors? Ces agences font leur travail-technique. Elles analysent les comptes. Elles évaluent les risques, chiffres à l’appui.

Très bien.

Juste le sentiment d’un deux poids deux mesures: lorsqu’il s’agit des états, Moody’s Standard & Poor’s et Fitch préviennent le danger à l’avance, poussent des cris d’orfraie, exigent des réformes structurelles. Mais pour les entreprises? Là, elles se taisent. Jusqu’à la catastrophe.

En décembre 2001, le groupe Enron s’effondre. Ses magouilles comptables et sa folie spéculative sont mises à jour. Ce n’est qu’une semaine avant l’effondrement total, après maintes tergiversations, que les trois grandes agences de notation dégradent sa note. Fin 2003, le groupe italien Parmalat coule, un trou de 14 milliards d’euros dans les comptes. Quelques semaines avant le krach, l’antenne italienne de Standard & Poor’s créditait encore Parmalat de son triple AAA- couvrant, volontairement ou non les malversations.

Les entreprises paient les agences. Les Etats soldent leurs erreurs

Courant 2008, la crise des subprimes s’étend. Les banques vacillent ou s’écroulent, bourrées de titres financiers pourris. Des “junk bonds” pourtant évalués par les agences -crédités même d’un triple AAA pour la moitié d’entre eux. Et en France même: pour l’Assemblée générale de 2008, Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poors accordent tous des A, des AA et des + à Natixis. Dans les jours qui suivront, c’est un trou en milliards qui sera découvert et l’action dévissera jusqu’au bord du gouffre, une banque seulement sauvée par un État généreux.

Les PIGS – “porcs” en anglais, acronyme pour Portugal-Italie-Grèce-Espagne, charmant surnom délivré par les financiers – les PIGS sont sans doute des pays de feignants, qui ne paient pas leurs impôts, qui font la sieste toute l’après-midi, tout juste bons à garder des chèvres en picolant du tsipouro, mais comment croire, quand même, qu’ils soient en dessous – oui, en dessous!- de Parmalat, de Enron, de Natixis? Avec moins de richesses réelles ?

« Quand j’ai rejoint Moody’s fin 1997, raconte Mark Froeba, ancien dirigeant au sein de la branche produits dérivés, devant le Sénat américain, la pire crainte d’un analyste était de contribuer à l’attribution d’une note qui serait fausse, de causer des dégâts à la réputation d’exactitude de Moody’s, et de perdre son travail en conséquence. Quand j’ai quitté Moody’s (en 2008), la pire crainte d’un analyste était qu’il fasse quelque chose qui lui permettrait d’être désigné comme responsable d’avoir mis en danger la part de marché de Moody’s, de causer du tort à son chiffre d’affaire ou de dégrader les relations de Moody’s avec ses clients. » (Le Monde, 2 juin 2010).

Qui paie l’orchestre choisit la musique. Et ce sont les entreprises elles-mêmes qui paient pour être notées -un million d’euros, environ, pour une banque-, qui choisissent leur agence de notation. Tandis que les états eux, de toute façon, constituent un marché captif : ils sont quasiment contraints de recourir aux trois agences mondiales… C’est la première cause, la plus évidente. Mais au-delà. Comment espérer que Moody’s et ses concurrents alertent sur les subprimes, Enron, ou les dernières innovations financières? Ces agences font partie du système financier. Elles lui appartiennent, même. Au sens propre.

Ainsi, près de chez nous, Fitch Ratings. En 1997, c’est un Français, Marc Ladreit de Lacharrière, 35ème fortune de France, qui rachète l’agence par le biais de son fonds d’investissement Fimalac: « Moi-même, j’étais un financier », confie-t-il. Passé à la direction de la banque Indosuez, en effet, il demeure administrateur de l’Oréal, Casino, Renault – et membre du conseil consultatif à la Banque de France. A ses côtés, à Fimalac, il trouve Jean-Charles Naouri le PDG de Casino, un ponte de la banque Lazard, un autre de JP Morgan, le président du Crédit Mutuel, et des présidents de Schneider, Air Liquide, etc.

C’est dire si, par toutes ses pores, Fitch Ratings est lié au monde des affaires. C’est dire si ses intérêts, et ceux des banques, des multinationales concordent. Que sont alors, au fond, ces agences? Elles sont la voix de la finance. Elles expriment ses désirs, ses inquiétudes, bref, sa volonté politique. Mais une politique habillée de science économique, déguisée en technique.

Quand Fitch Ratings demande aux Français de travailler 50 heures par semaine

On aperçoit leur museau, parfois, pourtant, sous le masque. En France, martèle Marc de Lacharrière, « toutes les mesures prises vont dans le bon sens », mais il va être nécessaire « de faire des réformes structurelles » concernant « la durée du travail hebdomadaire » , « la flexibilité du travail » et « l’âge du départ à la retraite ». En 2006, déjà, il appelait les Français à « travailler cinquante heures par semaine ». En août 2008, il dénonçait « l’étatisme » du pays et son « aversion pour le travail ». En février 2010, il apporte son soutien au gouvernement sur Public Sénat: « Actuellement, c’est la remise en cause des retraites qui est quelque chose d’essentiel dans le regard des agences de notation ».De quoi s’agit-il, sous le vernis poli, ici comme ailleurs, ici comme toujours? De faire peser, un peu plus, le joug sur le travail. Pour réjouir le capital et la finance.

Livre de comptes de Denis Nealon, 1874.

De politique, le rôle devient partisan, quasiment: en avril dernier, en Hongrie, le parti socialiste au pouvoir depuis huit ans est largement battu. C’est le centre-droit qui l’emporte, et Fitch Ratings applaudit: « La forte majorité représente une opportunité pour introduire des réformes structurelles. »

C’était le mot d’ordre du Fonds Monétaire International, depuis les années 80 dans les pays en voie de développement. Au nom de ses « plans d’ajustement », des continents entiers ont sacrifié l’éducation de leurs enfants, la santé de leur population. C’est au tour de l’Europe, désormais. Mais le FMI n’opère plus en première ligne: ce sont les agences de notation, aujourd’hui qui font office de gendarmes des états. Et qui négligent une option pour combler les déficits publics, inquiétants, en effet: que soient taxés les flux financiers, les profits des multinationales, les dividendes des actionnaires, les fortunes du pays, des Marc Ladreit de Lacharrière et compagnie…

Illustrations CC FlickR Ansik et Deseronto Archives.

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