Délation et népotisme pour ferment de la nation

Le 12 octobre 2009

A la Société générale ou à l’Epad, un même poids de l’état civil : délation et népotisme pour ferment de la nation L’un monte au firmament, l’autre s’envole pour des terres dites natales. Il est peu à voir entre les destin de Jean S., patron confirmé des Hauts-de-Seine, et de Yaro S., sans-papier qui doit son interpellation [...]

A la Société générale ou à l’Epad, un même poids de l’état civil : délation et népotisme pour ferment de la nation

L’un monte au firmament, l’autre s’envole pour des terres dites natales. Il est peu à voir entre les destin de Jean S., patron confirmé des Hauts-de-Seine, et de Yaro S., sans-papier qui doit son interpellation dans le même département à un guichetier de la Société Générale. Juste : tous deux jouent leur destin sur leur état civil ; et cela dit beaucoup sur la déliquescence de notre société.

« Que va t-il se passer, avec ce pétainisme soft ? On va commencer par verrouiller la protection des fortunes et de leur transmission héréditaire (…). Après quelques ronds de jambe estivaux et effets de manche en direction des débris de la gauche, s’ouvrira une guerre, insidieuse et féroce, contre le peuple, et particulièrement contre les familles et les gens les plus exposés. Que le peuple se tienne tranquille, à sa place. Que chacun mérite la place qu’il a. L’apologie du mérite, c’est ça et rien d’autre : chacun n’a que ce qu’il mérite, s’il est là, au fond du trou, c’est qu’il mérite d’être là. »

Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?

Il en est dans les Hauts-de-Seine (92) comme partout : tous les états civils ne se valent pas.

Et si certains constituent le plus joli des viatiques vers un avenir meilleur (loin vers le sommet), d’autres ne permettent rien d’autre qu’un voyage express pour l’ailleurs (loin, tout court).

Normal.

Et il faudrait être bien mal inspiré – ou de très mauvaise foi – pour rapprocher l’ascension fulgurante dans le neuf-deux de Jean Sarkozy, très prochain dirigeant de l’établissement public gérant le quartier d’affaire de la Défense (Epad), de l’expulsion non moins fulgurante de ce clandestin aussi interpellé dans le neuf-deux, grâce à la “présence d’esprit” d’un guichetier.

Rien ne réunit, à l’évidence, ces personnages.

Si ce n’est de jouer tous deux leur destin sur leur état civil.
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Le premier a beau s’en défendre« Je demande à être jugé non pas sur l’état civil mais sur les actes et sur les résultats » – , nul (sinon à l’Elysée) n’oserait prétendre que c’est à autre chose qu’à sa naissance qu’il doit son si remarquable parcours.

Le second n’a pas pu se défendre – ou si peu, puisque Le Monde souligne que son avocat n’a même « pas fait valoir (au tribunal) l’irrégularité des conditions de son interpellation » – quand un guichetier de La Société Générale a pris sur lui d’appeler la police et de faire fermer la banque en s’apercevant que l’homme lui faisant face n’avait pas d état civil acceptable, puisque porteur de faux papiers.
Je ne sais lequel me dégoûte le plus, du prince héritier prêt à croquer sans scrupules dans le gâteau que lui tend gentiment le paternel, ou du guichetier assez pitoyable pour encager un homme libre et le regarder s’affoler en attendant l’arrivée des forces de l’ordre.

Mais il me semble – par contre – que ce sont là deux facettes d’une même médaille, triste esprit des temps et mise à bas des dernières parcelles du pseudo idéal républicain, celui qui a chanté si fort l’égalité et la fraternité que ce refrain à tue-tête est devenu le meilleur moyen de couvrir les cris des miséreux et les plaintes des exclus.

Népotisme et délation vont de pairs, en somme, et d’autant mieux que les deux ne sont que fort peu dénoncés en place publique, tellement moins vendeurs qu’un énième rebondissement sur l’affaire-Polanski-devenue-Mitterrand grâce à la trouble intercession de la madone du FN.

Et on lit, relit et scrute continuellement les pages d’un opus sans intérêt signé d’un ministre sans intérêt, mais personne – ou peu s’en faut – ne hurle au scandale parce que le prince héritier, à 23 ans et sans même avoir validé sa deuxième année de droit, accumule les responsabilités.

Et on convoque, reconvoque et auditionne les mêmes témoins et procureurs d’une affaire à parfum de scandale, mais personne – ou peu s’en faut – ne dénonce le retour indigne du régime de vichy, citoyens ayant tellement intégrés les attentes du régime qu’ils font même le travail de police à sa place [1].

Et ce bruit monstrueux d’un côté, ce silence assourdissant de l’autre, montrent suffisamment combien nous perdons chaque jour du terrain.

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C’est tout ?

Presque.

Prends juste acte du changement de nom de cette banque qui s’était audacieusement donnée comme slogan la phrase « On est là pour vous aider ».

Et avoue que son nouveau patronyme ne saurait mieux décrire le monde dans lequel on vit.

L’état civil, quelquefois, est quand même vachement révélateur…


> Article initialement paru sur ArticleXI (bienvenue à eux!)

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