Context is King

Le 18 novembre 2009

Contexte, éditorialisation, intelligence, enrichissement journalistique et technologique des contenus, nouvelles valeurs ajoutées, sont aujourd’hui les dernières conditions de survie des médias traditionnels face aux ruptures qui brutalement les secouent depuis la fin du 20ème siècle. Chacun sait aujourd’hui qu’il n’est plus possible de faire comme avant. Chacun sait que demain, qui arrive plus vite que prévu, ne sera plus comme avant l’Internet, il y a 15 ans, le Web 2.0, il y a 5 ans, ou la crise économique, cette année. Nous devons réinventer nos métiers dans un cadre radicalement nouveau.

Contexte, éditorialisation, intelligence, enrichissement journalistique et technologique des contenus, nouvelles valeurs ajoutées, sont aujourd’hui les dernières conditions de survie des médias traditionnels face aux ruptures qui brutalement les secouent depuis la fin du 20ème siècle.

Chacun sait aujourd’hui qu’il n’est plus possible de faire comme avant. Chacun sait que demain, qui arrive plus vite que prévu, ne sera plus comme avant l’Internet, il y a 15 ans, le Web 2.0, il y a 5 ans, ou la crise économique, cette année.


Nous devons réinventer nos métiers dans un cadre radicalement nouveau. Et commencer par admettre la sévérité de la situation et l’ampleur des mutations dans la production, la diffusion et la consommation d’informations:


1. La valeur économique des médias traditionnels (journaux papier, magazines, chaînes de télédiffusion, …) s’effondre par rapport aux nouveaux usages et comportements d’une société en plein bouleversement. Les ruptures ne sont pas seulement technologiques, elles sont aussi sociétales. Le public n’est plus le même. Le monde a changé.


2. Ce n’est plus l’offre qui crée la demande. Les niches remplacent les paquets ficelés généralistes. La destruction de valeur se fait au pas de charge, les modèles d’affaires sont mis en cause ou même brisés, de nouveaux acteurs s’emparent de positions, mais la création d’utilité publique est réelle (connaissances, partage, éducation, multiples sources spécialisées …) et la créativité bien vivante.


3. Les adversaires de la presse sont le temps non disponible, la fragmentation des contenus, et la prolifération, tout au long de la journée, des choix et des nouvelles sollicitations.


4. Comme d’autres institutions, l’autorité et le pouvoir d’influence des journalistes de grands médias sont depuis longtemps contestés par une société, où la confiance rejoue un rôle déterminant. Pire : ils ne déterminent plus, seuls, l’agenda de l’information.


5. Les nouvelles technologies creusent le fossé générationnel. Dans ce nouveau monde, les ignorer se fait à ses risques et périls. L’innovation y est la seule assurance-vie.


6. La concurrence ne vient pas de ses pairs mais de nouveaux acteurs et de centaines de petites unités, souvent encore indécelables.


7. Médias, informatique et télécommunications sont en train de fusionner à grande vitesse.


8. Les logiques de contrôle ne marchent plus, même si le besoin de garde-fous juridiques s’accroît. Il faut probablement lâcher prise avec dignité, et embrayer, dans cette nouvelle économie de la contribution, sur des logiques de coopération, de complémentarité et d’interaction.


9. Le secteur des médias perd pied beaucoup plus vite que le reste de l’économie. Les suppressions d’emplois y sont trois fois plus nombreuses.


10.Enfin, les points d’équilibre du vieux monde disparaissent plus vite que n’apparaissent ceux du nouveau.


La Contre-Réforme


Les Etats, les gouvernements, l’Union Européenne, reconnaissent tous être dépassés par l’effondrement de l’écosystème média du monde d’hier, et l’apparition brutale des nouveaux usages de l’économie numérique.


Ils n’ont pas les capacités d’analyse à la hauteur des dizaines de lobbystes lancés par Google à Bruxelles et à Washington, ou des énormes ressources financières des grands opérateurs de télécommunication à la manoeuvre.


Confrontés à la fin des incroyables années des baby-boomers, la tentation est grande pour les patrons de presse, qui se croyaient immortels, de jurer que le « balancier finira bien par revenir », d’ériger des murs, de « faire rentrer le génie dans la bouteille », de reprendre la main.


La volonté de « Restauration » d’un ordre ancien, alimenté par un mouvement classique de « Contre-Réforme », fait son apparition. « Ca tiendra bien jusqu’à ma retraite », « courbons le dos et attendons le web3 », « informer, c’est un boulot de journalistes », « il n’y a pas de révolution numérique », « qui se souvient des radios libres ? », « a-t-on bien fait d’aller sur le web ? », entend-on aujourd’hui du haut en bas de la hiérarchie d’un média traditionnel.


Alors, face à une culture de l’écran qui s’étendait déjà rapidement, il semblait logique, voici peu, de voir les dirigeants des opérations web prendre rapidement le pouvoir dans la presse. Il n’en est encore rien. Ni aux Etats-Unis, ni en Europe.


La transition vers le numérique est laborieuse : le web, qui ne représente qu’un peu plus de 10% des revenus, n’est toujours pas au centre des stratégies, et reste souvent comme un additif ennuyeux qu’il faut avoir. Pire : il est souvent bridé : « laissez les adultes s’occuper de cela ! » et la récession a freiné les ardeurs et ressources dévolues à cette diversification. Il reste difficile d’admettre qu’Internet est un média différent, que « le monde numérique est autre univers », avec ses propres ressorts sociétaux et culturels. Malheureusement aujourd’hui, soit on nie cette réalité, soit on la met sous le tapis. Comme dans la musique hier, le cinéma aujourd’hui et le livre demain.


Mais la tradition ne constitue pas un modèle économique. Et la bataille pour les modèles d’affaires de demain ne fait que commencer.


Chacun, pris de vitesse par la cavalcade technologique et la révolution des usages d’une audience « über-connectée », sent bien aussi que le changement permanent devient la nouvelle norme dans ces nouveaux territoires inconnus.


Doit-on résister au courant ou tenter de l’accompagner ?


Internet et le numérique sont déjà devenus les systèmes fondamentaux de distribution de contenus. Dans quelques années, prédit Google, il n’y aura plus de distinction entre les canaux de distribution TV, radio et web. Et donc plus de différence, en ligne, entre ces médias, ni d’ailleurs avec les journaux et les magazines qui offrent tous de la vidéo. Déjà, les professionnels ne parlent plus « TV » mais « vidéo » !

Après la musique et la presse, avant le livre, c’est au tour de la télévision de vivre les ruptures. Et il n’y a plus aujourd’hui de rédactions dans Fleet Street, qui fut depuis 1500, l’artère mythique de la presse britannique à Londres.


La grande déflation


Quand 325 millions de personnes ont une page Facebook, plus de quatre milliards de photos ont été téléchargées sur Flickr et que Twitter vaut pratiquement un milliard de dollars, chacun sent bien que les médias sociaux ne sont pas qu’une mode.


Avec les écrans tactiles et les applications iPhone (et bientôt la tablette Apple), l’Internet n’est plus un endroit où on se rend mais un environnement tout le temps présent autour de nous.


Les effets de levier des nouvelles technologies, les faibles coûts de distribution, diminuent la taille critique des médias numériques. L’ubiquité et l’instantanéité du web ont fait chuter la valeur de l’information. Même les cours boursiers en temps réel, qui coûtaient une fortune il y a quelques années, sont gratuits aujourd’hui.


Faire plus et mieux avec beaucoup moins, est à l’image des réussites de petites organisations au succès mondial qui fonctionnent à moins de 30 personnes, comme Twitter ou Craigslist (qui a réduit le secteur des petites annonces américaines de plusieurs milliards de dollars à une centaine de millions).


Révolution marxiste !


Jusqu’à la fin du 20ème siècle, seuls quelques milliers de personnes avaient la parole. Ils sont aujourd’hui des dizaines de millions ! Chaque semaine sortent de nouveaux outils d’auto-édition : après Facebook, Twitter et FriendFeed, voici Tumblr, Posterous, identi.ca, Plurk …

Tout le monde s’est mis échanger et rapporter des nouvelles, à analyser, à prendre des photos, à les poster sur le web. Les vieux médias ne gagneront plus cette bataille. Ils sont « désintermédiés », court-circuités, par le public, les politiques, les grandes entreprises, les sportifs, les acteurs…

C’est l’essor généralisé de la bande passante qui a totalement changé la donne : le web s’est démocratisé et n’est plus l’apanage du clergé médiatique.


Il est passé d’un mode de publication de documents produits pour une audience passive par quelques riches professionnels (broadcast), à une plateforme de communication multimédia mondiale de tous (multicast), et à une distribution massive légale et illégale de contenus, qui bouleversent tous les modèles économiques de la fourniture d’informations.


Jamais les gens n’ont cherché et consommé autant d’informations, mais les professionnels n’ont plus le monopole de la parole. Le public est actif et contribue. Près de 20% du temps passé sur Internet l’est dans les blogs et les réseaux sociaux. Wikipédia est de loin le premier site de news aux Etats-Unis. YouTube, Facebook, Twitter, qui entend devenir le pouls de la planète, sont devenus des sources, tout comme des milliers d’autres blogs, sites et services. L’origine de l’information compte moins qu’avant. Les marques, en tous cas les anciennes, attirent moins et sont moins importantes aux yeux des jeunes audiences, qui ont les leurs. L’importance croissante des réseaux sociaux rend moins pertinents les sites de destination.


Les médias ont aussi perdu le monopole de l’agenda de l’information. Les recommandations de ses proches, amis, collègues, dans les réseaux sociaux, sont plus importantes, sur Internet, que les éditoriaux de Libération ou du New York Times. Rejet des anciens prescripteurs et volonté de diversité dominent. La demande d’informations est forte mais les vieilles plateformes sont en train de mourir. Les vieux monopoles ont disparu.


Des centaines de millions de médias !


Progressivement, chacun construit sa propre chaîne d’informations, sur Internet et mobiles, composés de fragments de médias traditionnels, désagrégés ou picorés ici et là, mélangés entre eux (journaux, radios, TV…), mais aussi combinés à des blogs et à de multiples autres sources.

Chaque jour qui passe voit les contenus d’informations s’atomiser davantage. Comme dans la musique, où le CD a perdu face à iTunes (nous ne sommes plus forcés d’acheter 11 morceaux en plus de celui que nous voulions), chacun peut, avec de bons outils, faciles, gratuits, obtenir directement les flux désirés. Jusqu’ici, les journaux nous obligeaient à acheter un ensemble dont nous ne souhaitions pas nécessairement tout. Dans les deux cas, notons que la dématérialisation est au rendez-vous, avec la disparition physique des supports.

La crise actuelle accélère la migration numérique, qui permet au public de contrôler le moment et le lieu de consommation de contenus. La consommation d’informations est aussi plus réfléchie.


De plus en plus de journalistes développent, de gré ou de force, de développer leur propre marque, de travailler sous leurs propres couleurs, seuls ou en petits groupes. Le journalisme de qualité n’est plus l’apanage de grands groupes de médias. De nouveaux acteurs inventent, avec facilité et jubilation, la grammaire des médias, des échanges, de la circulation de l’information de demain. Ils le font gratuitement, car le média est excitant et qu’il y a des places à prendre ! La révolution de l’information est terminée : chacun est devenu un média !


Les médias traditionnels se retrouvent donc coincés entre les concurrences de millions d’acteurs individuels, et des géants aux ressources mille fois plus importantes qu’eux, qui entendent bien profiter de l’appétit du public pour l’information : après Google, Microsoft, Yahoo, Orange, AOL veulent être des mass media sociaux. Médias, informatique et telcos convergent.

Et au lieu de travailler ensemble, ils restent « la tête dans le guidon », obsédés par l’urgence de leurs revenus à court terme, voire désormais, leur survie.


L’Internet aussi vital que l’eau ou le gaz !


Mais l’informatique et le numérique gagnent du terrain dans le monde physique.


Européens, Américains, Japonais ou Chinois ignorent d’ailleurs la crise pour leurs dépenses multimédias. L’information en mobilité domine désormais : les constructeurs vendent plus de « smartphones » ou de « laptops » que d’ordinateurs de bureaux. Des ordinateurs ultra low cost envahissent le marché. Demain, le tsunami de « l’ebook » et des tablettes va déferler.

Après les réseaux sociaux il y a deux ans, le « cloud computing » en 2008, l’heure est au web en temps réel et au « streaming », nouveau casse-tête des producteurs pour protéger leurs contenus. Avec le web, les informations étaient disponibles 24/7, désormais elles le sont quasiment en direct.


En passant, Twitter et consors donnent un sérieux coup de vieux à l’email qui n’est plus, et de loin, le seul outil en ligne de partage et de communication. Dans le même temps, les journaux deviennent des magazines. Et fort du succès de Hulu, tout le monde veut aller dans la vidéo sur le web !


« L’Internet est devenu aussi vital que l’eau ou le gaz », commentait en juin le Premier ministre britannique. La Finlande est devenue le 1er pays à faire de l’accès au « broadband » un droit.


De petites structures deviennent performantes. Le site d’enquêtes journalistiques ProPublica réalise des articles pour le New York Times, tout comme le site Spot.us. Après quatre ans d’existence, le blog américain d’informations Huffington Post a dépassé en audience le site du Washington Post. Toutes les semaines, de petites structures éditoriales se montent dans les grandes villes américaines : hier à Washington, aujourd’hui à Seattle ou au Texas.


Le vieux monde se délite beaucoup plus vite que ne se bâtit le nouveau


Pire que les banques ! Depuis l’an 2000, la destruction de valeur dans les grands groupes de médias américains atteint 200 milliards de dollars !


Les raisons principales en sont l’essor exponentiel de contenus sur Internet où tout le monde est concurrent, un marché publicitaire dévasté, en volume et en tarifs, pour plusieurs années, et des consommateurs qui changent radicalement leurs habitudes. La faute aussi au vieux confort des monopoles.


2009, année brutale, aura été la pire pour les médias traditionnels depuis des décennies : entre 1929 et 1933, aux USA, la publicité avait chuté de 13% et moitié moins après le 1er choc pétrolier des années 70.


En 2009, la dégringolade est de 25% en moyenne. La chute des médias est supérieure d’un tiers à celle des PIB. Dans les journaux US, la pub est revenue à son niveau de …1965, et les professionnels de la télévision, réalisent que la publicité ne paiera plus toutes les factures, et qu’il est suicidaire de ne dépendre que d’une source de revenus. 10 ans après les journaux, les télévisions derniers voient décliner aujourd’hui inexorablement leur coeur de métier. La notion de chaînes disparaît.


Dans la publicité, des signes de stabilisation, voire d’amélioration, apparaissaient ici et là fin 2009, mais chacun assure qu’elle ne retrouvera pas son niveau d’avant la crise, surtout pour les journaux, qui, tous en France, auront perdu de l’argent en 2009.

En ligne, où surgit d’ailleurs aussi le publicitaire-citoyen, elle continue de progresser : pour la première fois, elle aurait dépassé en Grande-Bretagne la télévision pour en devenir le 1er support. Mais la monétisation des audiences y reste problématique. Les professionnels en sont convaincus : les bannières et les CPM en ligne ne sauveront pas les médias traditionnels. La publicité ne va plus sur l’information mais sur « l’entertainment ». Est-ce le métier d’Adidas de financer une rédaction à Kaboul ?

L’idée de financer des sites d’informations par de la publicité est donc déjà de l’histoire ancienne.


En terme de trafic, les plus grands sites de journaux semblent être arrivés à un point de saturation, et commencent à voir grignoter leur position dominante. Pire : le temps passé sur les sites des journaux baisse dangereusement. La lecture des blogs de qualité est devenue « mainstream ».


D’ailleurs, les nouveaux « pure players » d’informations ont aussi du mal : l’un des meilleurs sites mondiaux, l’espagnol Soitu.es, a du fermer ses portes en octobre en raison de la crise, tout comme l’allemand NetZeitung. Et, pour l’instant, Twitter gagne toujours moins d’argent que les journaux !


Web payant ? Moment de vérité imminent


Nous approchons donc du moment de vérité pour voir si le retour du payant sur le web est possible. Des deux côtés les positions sont tranchées : « sans paiement, des médias mourront ». Et il est très possible de faire payer: regardez Canal Plus qui a fait payer la télévision, ou plus simplement, l’eau minérale en bouteille ! En face, la réponse est cinglante : « sur le web, si vous faites payer, vous accélérez votre disparition ! ».


En fait, il n’y a aujourd’hui aucune solution miracle. Pour l’instant tout le monde dit qu’il fera payer en 2010, et quasi personne ne le fait, ou très progressivement.


En cette fin 2009, de nombreux éditeurs commencent à flancher et à craindre de perdre leurs audiences en ligne. Même Murdoch n’est plus sûr de tenir son échéance de juin prochain. Les mouvements de menton visaient avant tout les agrégateurs et les parasites, car reconstruire des murs pose beaucoup de problèmes.


Il est très difficile de faire revenir en arrière les gens, désormais plus habitués à accorder de la valeur à des supports physiques qu’immatériels. Très difficile aussi d’aller contre le courant des nouvelles pratiques et usages de la révolution numérique (facilité d’accès, partage, collaboration, open source, interactions fréquentes…). Très difficile, enfin, de se battre contre la gratuité des concurrents, financés par la publicité (CNN) ou l’Etat (BBC).


De deux choses l’une : ou tout le monde le fait en même temps, ou celui qui pose des barbelés doit proposer des contenus à très forte valeur ajoutée qui ne sont pas gratuits ailleurs, des contenus « frais », exclusifs (même quelques heures).


Oui, la valeur est dans les barrières, mais pas dans des murs érigés contre son audience : le public n’est pas prêt à payer pour des contenus qu’il ne regardait même pas quand ils étaient gratuits. Elle est dans des barrières dressées à l’entrée de ses concurrents, dans des nouveaux contenus qui répondent aux nouvelles attentes, dans des services qui les intègrent, les agrègent, les enrichissent, les analysent, les distribuent autrement.


Mais même l’ajout de contenus premium payants ne sera pas suffisant. Il faudra davantage.

Davantage, ce seront des sources de revenus en dehors du coeur de métier, mais surtout des nouvelles valeurs ajoutées, des services uniques que le public sera prêt à payer. Des services liés aux nouvelles technologies, à la mobilité, à l’accès, à de nouvelles manières de montrer l’information.


Davantage, ce seront des contributions directes de l’audience au média, une contribution de fondations, des citoyens, voire même de l’Etat par des subventions, comme n’hésitent plus à le dire des responsables aux Etats-Unis, voire à le faire comme au New Hampshire, pour défendre l’Information, bien public consubstantiel de la démocratie.


L’information accessible en mobilité (smart phones, e-book) est à cet égard un des grands espoirs des éditeurs car le paiement y est plus naturel, voire indolore.


Context is King !


Le premier mythe à combattre dans une économie de l’abondance : le contenu est roi ! Non ! Aujourd’hui, plus encore qu’hier, c’est le contexte, l’éditorialisation, la contextualisation, l’intelligence, la valeur ajoutée, la spécialisation, l’explication, les liens, la réduction de la complexité et de « l’infobésité ». Un vrai travail de médiateur, de média pour relier les connaissances et transformer l’information en savoir.


Le prix des news tend vers zéro, mais l’enrichissement et le contexte peuvent encore être payant.


C’est le contexte éditorial (« connect the dots ») qui nous permettra de comprendre le sens de sujets de plus en plus complexes et de résoudre des problèmes. Il n’y pas d’instantanéité dans les informations-clés de nos sociétés, dans les grandes tendances, dans les signaux importants, mais masqués ou dans les angles morts.


C’est le contexte technologique, donc l’accès aux informations, qui sera aussi déterminant. Reuters et Bloomberg l’ont compris depuis longtemps. Apple en est le champion aujourd’hui. Il faudra chercher à profiter des avantages d’interactivité et de personnalisation des nouveaux médias, et des possibilités du web sémantique.

N’est ce pas aussi la pertinence des contenus qui fait défaut aujourd’hui? Et avec elle la preuve de leur valeur ajoutée. L’ubiquité des contenus actuels est-elle réellement réclamée par le public? En d’autres termes, le public ne veut-il pas davantage un meilleur journal que le même contenu sur un lecteur e-book ? Faut-il, pour réussir, tenter absolument de tout faire pour tout le monde? Même sur le web, le succès passe par des niches et des verticaux (politique, environnement, sport …)

La valeur est bien dans la rareté, l’accès, le confort d’usage, le tri, le filtrage, la présentation, la personnalisation, le contexte donné à un contenu, qui ne doit plus être un produit mais un service. C’est accompagner l’audience dans sa consommation d’informations, avec des réponses à ses questions, dans une relation plus partenariale. Les gens sont aussi prêts à payer avec leur temps et leur savoir. Les réseaux sociaux ne sont pas du contenu, mais des plateformes de communication, des supports de contenus.


On le comprend, faute de modèle économique pertinent sur le web, l’orientation générale, qui se dessine et qui ne fait que commencer, nous amène, à court terme, vers des modèles hybrides, combinant gratuit, publicité, services liés à l’engagement de l’audience autour de la marque, services premium, revenus tiers, contenus payants sur mobiles, contributions directes de l’audience, aide publiques.


Quel nouveau journalisme ?


Dans le même temps, les emplois de journalistes disparaissent, dans cette crise économique, trois fois plus vite que les autres. Les coupes claires dans les coûts et les effectifs (bizarre quand même de se séparer des actifs les plus précieux), et les demandes de produire toujours plus en moins de temps, ont dégradé la qualité du journalisme et banalisé les contenus, les rendant encore moins attrayant pour le public. Les secteurs les plus touchés sont l’international, l’enquête, les contenus originaux et exclusifs.

Les rédactions, dépossédées de leur magistère, confrontées à des injonctions paradoxales et aux réactions brutales de leurs audiences changeantes, vivent souvent mal l’essor d’Internet qui, les sortant de leur zone de confort, continue de semer la panique, alimentant chaque jour un peu plus les problèmes culturels, qui freinent les efforts d’adaptation des entreprises.

A tous les niveaux, chacun se bat avec les mêmes questions : comment concilier contenus payants et gratuits ? Comment améliorer les liens entre les services techniques et la rédaction, entre le print et le web ? Quelles stratégies choisir pour les mobiles et les e-book ? Comment engager davantage l’audience en ligne et créer des contenus pertinents ?

C’est “le sauve qui peut”, dit le directeur d’un grand journal parisien. Personne, ou presque, ne veut plus prendre de responsabilités.

Nombreuses sont les interrogations sur la manière dont vont évoluer les métiers du journalisme, qui demeure un mode de représentation du réel (comme la photographie, le cinéma, la littérature, la peinture, la sculpture, voire la philosophie ou la psychanalyse). C’est la rapidité et l’ampleur des changements qui ont touché le secteur dans un laps de temps très court, plus que leur nature, qui inquiète.


Les journalistes devront sans faire moins, mais très certainement, faire mieux. Ils vont aussi devoir abandonner un peu leur stylo pour de nouveaux outils. De plus en plus nombreux sont ceux qui se mettent à la vidéo légère.


Nombreux aussi sont ceux, qui vont travailler pour des fondations, des ONG, ou partent créer leur structure éditoriale sous leur propre marque.


En 2009, les journalistes, qui avaient tendance être de plus en plus déconnectés du public, « se prennent désormais leur audience dans la figure » et ont, en tout cas, commencé à réaliser l’importance d’inter agir avec elle.


Les médias sociaux font partie du quotidien des rédactions et effraient moins. Les journalistes savent que là se trouve une bonne partie de leur audience Internet. C’est là aussi que chaque « grosse histoire » est désormais commentée. Mais ils doivent aussi penser mobiles, Twitter, coopération avec le public, infographie animée et interactive, visualisation de données (transformer des statistiques en savoir) …Le marketing éditorial n’est pas loin.


Et puis, si tout le monde est devenu un média, le bon usage des outils de production et de diffusion peut devenir une matière obligatoire à l’école ! Ce qu’on appelle en anglais la « Media literacy » et où les professionnels ont un rôle à jouer.


Demain : la réalitée augmentée, les capteurs


Le buzz de fin 2009 est bien sûr autour de l’ebook, qui pourrait à terme offrir de belles opportunités. Gardons-nous, dans l’immédiat, d’y placer trop d’espoirs tant que le prix unitaire des liseuses ne baissera pas, tant que leur manipulation ne sera pas plus aisée, voire que la couleur et la vidéo n’apparaissent, et surtout qu’Amazon ou Apple ne desserrent leur étreinte sur les prix imposés. Apple, avec sa future tablette, pourrait mettre tout le monde d’accord, et surtout attirer les jeunes, car les liseuses électroniques ne semblent pour l’instant séduire que les … seniors.


Après le tactile, l’écran flexible pourrait aussi être disponible dans quelques mois. Les éditeurs se mettent petit à petit à faire des expérimentations avec des applications en réalité augmentée, surtout via les mobiles.


A moyen terme, la plus grande révolution sera probablement, « le Web au carré » : 5 ans après le web 2.0, le web commence à rencontrer le monde physique, grâce à une multitude de senseurs et de capteurs, sans intervention humaine explicite (géolocalisation, caméra sur téléphones, proximité, directions, réalité augmentée…) qui mettent en relations des informations de la vie quotidienne et des bases de données. A coup sûr, la multiplication des capteurs va modifier l’interaction de l’homme avec son environnement et aura un impact important sur la collecte d’information.


D’ici 5 ans, les accès « broadband » seront non seulement généralisés, mais aussi bien meilleurs, et les smart phones seront partout. La « killer app » des médias de demain sera comme toujours un grand contenu facile d’accès. Il faudra un peu de temps pour la trouver. Mais les périodes de crise sont les plus propices à la réflexion et à l’expérimentation. Après tout, pendant des années, Gutenberg n’a imprimé que la Bible.


Le papier sera-t-il alors devenu un refuge « rétro chic » pour bobos ?

»Article initialement publié sur AFP Mediawatch


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