Comment faire payer l’information?

Le 28 avril 2010

L'information sur Internet a-t-elle une valeur? Une réponse positive ne va pas de soi. Cela rend encore plus difficile la construction de modèles payants pour les sites.

Tout part d’une question: quelle est la valeur de l’information sur Internet? Est-ce une commodity, c’est-à-dire un bien banal, quelconque, indifférencié, dont la valeur ne dépend que de la loi de l’offre et de la demande, sachant que la demande est surabondante? Par exemple, tous les sites ont parlé abondamment et à peu près dans les même termes du volcan islandais et de son nuage. “Vous ne pourrez pas faire payer pour cela”, explique Mark Glaser de MediaShift.

À l’inverse, l’information a-t-elle une réelle valeur? Alors, “il faut que cette valeur revienne à son légitime propriétaire”, comme le revendique Claudio Guia, directeur du développement du groupe L’Expresso.

Selon que l’on adopte l’un ou l’autre de ces points de vue, la stratégie à mettre en place diffère considérablement. Pour Claudio Guia, les choses sont claires: “L’information a beaucoup de valeur et ce quelque soit la plateforme, télévison, radio, print”. C’est avec Internet que les choses se gâtent.

Alors que l’information est le moteur du trafic, “sa valeur se déprécie immédiatement” sur la toile. La faute à une concurrence exacerbée. Et le modèle payant ne peut pas marcher. “C’est trop tard, affirme-t-il, ce ne peut pas être le modèle gagnant, car trop de monde produit de l’information.” Par exemple, explique-t-il, si L’Expresso propose une application payante pour l’iPhone, je consulterai celle de La Stampa qui sera gratuite”.

Les éditeurs cherchent à négocier une fair compensation avec Google

Si le payant ne marche pas, la seule source de recettes demeure donc la publicité [NDLR: chez Owni, on est moyen d'accord]. Mais double problème. L’un spécifique à l’Italie, où Mediaset, le groupe de Silvio Berlusconi, possède les principaux réseaux de télévision [le seul concurrent privé sérieux en Italie est Sky de Rupert Murdoch] et “c’est là que va l’argent”, martèle Pietro Varvello de RCS [ce groupe édite notamment le Corriere della Serra].

L’autre est spécifique au web: les internautes goûtent peu les publicités invasives: “Nous avons eu des réactions très négatives à propos d’une publicité Vodaphone, sur le site de L’Expresso, dit Claudio Guia. Et se dresse un nouveau et puissant concurrent: les réseaux sociaux, “qui peuvent faire maintenant de la publicité ciblée”. Il ne reste donc selon cette approche qu’une seule voie de salut: négocier avec Google et les autres moteurs de recherche une fair compensation (“compensation équitable”).

Problème, remarque Pietro Varvello, “la fair compensation fonctionne pour les producteurs d’information, mais non pour les utilisateurs pour qui l’information sera toujours à très faible valeur”. Pour lui, il faut donc trouver un modèle économique plus en ligne avec le marché et, en premier lieu, se demander qui est intéressé par l’information, car

“si quelqu’un l’est, la plateforme [télé, radio, web ou papier] importe peu. La vrai difficulté tient à ce que le rôle de l’information décroit, parce que les gens ont de moins en moins de temps à y consacrer”.

“Les gens veulent entrer dans le contenu”

Il existe pourtant plusieurs modèles payants, le premier d’entre eux étant le micro-paiement. Mark Glaser balaie l’idée de créer un équivalent d’ITunes pour l’information: “Il faudrait trouver un système aussi simple, et surtout, il n’est pas sûr que les gens voient les ‘morceaux d’information’ comme ils voient les morceaux de musique”.

En fait, la plupart des propositions de modèles payants tournent autour de celui mis au point par le Financial Times et que devrait adopter en 2011 le New York Times. Son principe est simple: l’internaute peut consommer un nombre limité d’articles par mois et dès qu’il dépasse un certain niveau, il doit payer un abonnement pour avoir accès au contenu. “Le freemium est le saint-graal, pour beaucoup de monde”, s’amuse Mark Glaser.

Il y a de nombreuses autres réponses, dont ne fait pas partie le micro-paiement. “Cela fonctionne pour la musique, grâce à iTunes notamment qui est un système simple d’usage, mais il n’est pas certain que les les gens voient les morceaux d’information comme ils voient les morceaux de musique”.

En revanche, il retient l’exemple de ces nombreuses start up (Voice of San Diego, Minn Post, Propublica, Spot.us…) qui ont démarré directement sur le web sans s’encombrer des lourdes infrastructures que nécessitent le print. “Ces start up deviennent d’une taille de plus en plus importantes et commencent à trouver un modèle économique viable [sustainable model].”

La voie royale est certainement le marché d’information de niche (locale, de sports, etc.), mais ajoute-t-il, “certains sites font plus d’argent avec la publication print qu’ils ont lancé”.

Surtout  insiste-t-il, “les gens veulent entrer dans le contenu“. La participation, la création de communautés actives autour des sites sont sans doute une des clés de la rentabilité des sites. “On peut alors utiliser des publicités ciblées”, analyse Mark Glaser.

La pente à remonter est à l’évidence considérable.

<Une centaine de personnes, dont environ la moitié de journalistes, assistait à ce débat. Seules trois mains se levèrent lorsque l’animateur demanda qui avait déjà payé pour de l’information sur Internet …

Nouveaux business models pour l’information online (New Business Models for Online News)

avec la participation de
Luca Conti, fondateur de pandemia.info
Mark Glaser, directeur exécutif de Mediashift
Claudio Giua, groupe Expresso
Pietro Varvello, groupe RCS

> Illustrations par kiki99 et drp sur Flickr

> Merci à Marc Mentré pour le compte-rendu de ces conférences

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