La guerre des néologismes, la défaite du sens

Le 30 août 2010

Web 2.0, web squared, crowdsourcing..., les termes se multiplient pour désigner... justement pour désigner quoi sur le Net ? Et si ce n'était que des coquilles vides créées par des marketeux ? C'est le point de vue d'Antoine Dupin.

NÉOLOGISME : un néologisme – du grec νέος : néos (« nouveau ») et λόγος : lógos (« parole ») – est le phénomène de création de nouveaux mots. (Wikipedia)

Web 2.0 , web squared, web 3.0, médias sociaux, podcast, crowdsourcing … que de nouveaux mots pour coller des étiquettes sur le vide abyssal qu’est devenu le grand dictionnaire du web. Que l’on prenne la radio ou la télévision, tout média subit des évolutions technologiques et sociétales au cour son existence. Cependant, Internet est le seul, ou j’ai loupé un wagon, à coller à tout va des terminologies ou des néologismes pour essayer de conceptualiser une évolution, qui plus est sans en chercher le sens premier (d’abord le terme, ensuite la définition). Comme si on appelait télévision 2.0 une télévision couleur en gros. Assez ridicule au final quand on réfléchit bien.

Le plus risible est la guerre que se livrent les gourous du web, ceux-là même qui collent les étiquettes. Ces derniers vont s’empresser de regrouper sous un terme un ensemble plus ou moins cohérent de ce qu’ils prennent comme évolution (technologie, social) , comme pour le web 2.0 par exemple, sans même réfléchir à de réelles définitions. Résultat, c’est guerre ouverte entre les spécialistes « non non ça définit ceci plutôt que cela ». La finalité de cette guerre, ou plutôt son objectif ? Vendre. Vendre du concept, vendre du produit, vendre des journaux, se faire connaître, rentrer dans le panthéons des gens qui font des néologismes et qui sont inscrit sur Wikipédia, sorte de Guiness du record du mot ayant le moins de sens.

Aujourd’hui, l’entreprise qui n’est pas « social media » est « has been ». Comment pourrait-on vendre un concept sans en apporter un terme qui claque ? Imaginez le communiquant proposant au PDG de réaliser une campagne internet. Ça sonne mieux de réaliser une campagne 2.0 non ? Vous avez compris, loin des aspirations de l’internaute moyen (qui au final s’en fiche complétement), la guerre des néologismes n’a de sens que parce qu’elle va permettre de définir un environnement sur lequel on va pouvoir communiquer ou débattre pour affirmer son expertise. Ce ne sont pas les informaticiens qui vont donner ce sens, ou même qui définissent, ce ne sont pas les sociologues, mais bien les marketeux, ou les journalistes. Il faut vendre du concept, point barre. Le web n’est qu’un produit, aux communicants de lui trouver un terme sexy ne datant pas de l’âge de pierre. Rappelez vous les Optic 2000, Sport 2000 et consort quand 2000 était encore associé au futur donc à quelque chose de « in ». Dites-vous qu’Internet, on a compris ce que c’était, il était de vendre du concept, quelque chose de plus alléchant. Quelque chose de social media …

Le néologisme brut : les journalistes s’éclatent aux deux sens du terme

Il y a quelque chose d’étonnant avec Internet et son absolue envie d’étiqueter des ensembles. Si l’on devait faire un parallèle avec un autre média, comme la télévision ou la radio, on constaterait qu’il n’y que sur la toile qu’il a fallu coller des néologismes.

Sur le petit écran, lorsque la couleur fait son apparition, lorsque le numérique débarque, lorsque les programmes deviennent interactifs, lorsque la poubelle envahit les ondes, on ne va pas inventer de nouvelles terminologies pour tenter de décrypter le tout. On parle de télévision couleur, de télévision numérique, de télé-réalité… à aucun moment on ne parle de télévision 2.0, de télévision squared… Pour expliquer des phénomènes concrets qui ne sont que des évolutions et non des révolutions au sens propre, on leur colle un attribut simple couplé à l’évolution qui finit par disparaitre (télévision + évolution). L’avénement du petit écran dans les foyers, avec un taux de plus en plus élevé tant en équipement qu’en temps passé devant ne donnera jamais envie aux marketeux de dire « bon on est entré dans la télé 3.0, avec des mutations sociales et technologiques ». Non, on a laissé passer le courant sous la bannière de la télévision toute simple et l’on a créé des contenus interactifs en conséquence. En ce sens, on devrait plus parler d’Internet social, tout simplement, puis dire aujourd’hui Internet, depuis le temps que l’on est dedans. L’Internet des débuts serait tout simple l’Internet statique, au même titre que la télé en noir et blanc, la transition entre statique et sociale serait l’Internet dynamique. Pas besoin d’aller plus loin. Mais ça fait pas genre on est d’accord.

Alors pourquoi devrions nous créer des néologismes à tout va sur Internet ? Comme je le disais, pour créer du concept dans une finalité de vente et d’expertise.

Par exemple, podcast est un néologisme créé en 2004 par Ben Hammersley, journaliste au Guardian (pod ramenant aux fameux iPod de chez Apple). Alors qu’est ce qu’un podcast ? Tout simplement un flux RSS audio ou vidéo, ou plus communément, un RSS 2, rien de neuf mais bien une évolution. Le RSS c’est ces fils de syndication de contenus qui vont permettre de suivre un blog par exemple  (inventés en 99 au passage). En fait, la première technologie RSS n’embarquait que les textes. Le RSS 2 les contenus vidéo ou audio. C’est incroyable de vouloir impérativement coller un néologisme, non, sur une si petite évolution ? Oui je sais, ça fait mieux, ça vend mieux. « T’écoute quoi là ? Bah un RSS 2… » Si vous allez sur un blog, par exemple, vous pourrez soit vous abonner au flux RSS soit au podcast… alors qu’ils sont exactement la même chose, l’un était audio ou vidéo et l’autre textuel. On devrait plus parler de flux RSS audio si l’on voulait bien le différencier, de là à créer un néologisme, il y a une marge. Bon, on a eu chaud, parce que l’auteur proposait aussi… Guerilla media, qui n’est pas sans rappeler le terme guerilla marketing, donc qui rejoint ce que j’évoquais avant entre la relation forte du néologisme et de son application en marketing.

Autre exemple, le crowdsourcing, ou approvisionnement par la foule. Inventé en 2006 par Jeff Howke, journaliste à Wire, cela signifie tout simplement que des gens vont participer à la réalisation d’un projet commun. Wikipedia définit ce terme : « le crowdsourcing consiste à utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre. » Comme on n’est pas à une dérive près, d’autres néologismes ont poussé, comme le blogsourcing ou le crowdfunding. À partir d’un néologisme, on va donc pouvoir segmenter un tout en ensembles. Le blog est un néologisme entre web et log (journal de bord en anglais) pour définir une nouvelle forme de site web. Cela ne suffisait pas, il fallait segmenter. Alors on a créer les vlogs, pour définir les blogs vidéos. Un peu ridicule à mon sens… mais bon passons.

Urbain II faisait déjà dans le crowdsourcing.

Car ces nouveaux concepts dont s’extasient les journalistes existent depuis longtemps. Dès lors que nous sommes organisés en sociétés, en tribus, nous créons du lien social. Les logiques que l’on retrouve sur Internet ont comme origines par conséquent l’aube de l’humanité, seule la technologie change ou améliore les processus. On peut se demander par exemple si les croisades ne sont pas un bel exemple de crowdsourcing. Lorsqu’en 1095, au concile de Clermont, le pape Urbain II demande aux pèlerins de partir en croisades, il fait appelle aux fidèles pour réaliser une action commune. N’est-on pas dans les mêmes logiques lorsque Facebook demande à ses utilisateurs de procéder à des traductions ? Si la finalité n’est pas la même, on s’adresse à un ensemble d’individus de toutes classes ou catégories appartenant à une communauté (chrétiens, facebookeurs) dans l’objectif de réaliser une action commune (prise de Jérusalem, traduction). Ces procédés existent depuis la nuit des temps, mais aujourd’hui il faut absolument que l’on leur colle une étiquette, avec un mot qui claque, crowdsourcing.

Enfin, on ne saurait parler de tous les néologismes tentant de naître mais qui au final ne prennent pas. Je n’ai pas d’exemple concret, mais en cherchant bien je pense que l’on peut en trouver masse.

Évidemment, certains autres ont du sens, car définissent quelque chose d’innovant lié à la technologie, comme la folksonomie reposant sur l’indexation et l’organisation de contenus par des mots clés (pour faire court)… Là je vois mal les chevaliers du temple définir leurs embarcations avec des petits bouts de papiers sur lesquels ils auraient inscrit des mots clés.

Web 1.0, web 1.5, web 2.0, web squared, web 3.0, médias sociaux et tous leurs potes

Bien, après les quelques néologismes évoqués plus haut, leur finalité, passons aux évolutions du web et notamment à la mise en place de définitions de phases complétement absurdes vous le verrez.

La terminologie web 2.0 a été inventé en 2003 par Dale Dougherty du cabinet O’Reilley, car il sentait qu’il se passait quelque chose, qu’on arrivait dans une nouvelle ère, un nouveau web. Perdu ou presque.

Très rapidement, après la naissance de ce terme,  il a fallu lui donné du sens, ça faisait tellement bien « 2.0 ». Car c’est bien un mot, mais c’est mieux avec une définition.

Ainsi, au tout début du web 2.0, en 2005, Fred Cavazza pond un article sur cette nouvelle « chose » pour en tirer cette conclusion qui restera célèbre :

Le web 2.0 c’est… enfin ça veut dire… ça… heu… ça désigne… bon OK je cale.

InternetActu, toujours en 2005 revient sur la simplicité de définir le web 2.0 par cette citation de Richard Marcus :

« Le web 2.0 est social, est ouvert (ou il le devrait), il vous laisse le contrôle de vos données, il mélange le global au local. Le web 2.0 correspond à de nouvelles interfaces – de nouvelles manières de rechercher et d’accéder au contenu. Le web 2.0 est une plateforme – et pas seulement pour que les développeurs créent des applications comme Gmail ou Flickr. Le web 2.0 est une plateforme prête à recevoir les éducateurs, les médias, la politique, les communautés, pour pratiquement chacun en fait !
[...] Le web 2.0 c’est tout cela et ne laissez personne vous dire que c’est l’une ou l’autre de ces définitions. Le web 2.0 parle des personnes, quand le web descend à eux.
»

Comme le rappelle le magazine dans son article, tout le monde voit midi à sa porte comme l’explique Pierre Mounier  : « On voit bien qu’il s’agit d’un même phénomène, mais aux multiples dimensions. Certains insistent sur la dimension technique, d’autre sur les pratiques éditoriales, d’autre encore sur la dimension sociologique. »

Il semble s’être passé quelque chose, un truc dément que tout le monde a pris pour une évolution, une révolution. Pourtant, comme le souligne Fred Cavazza toujours dans le même article, « En 10 ans, que s’est-il passé ? Pas grand chose ! Tout au plus les technologies sur lesquelles est fondé l’Internet (HTML, JS, GIF…) ont-elles légèrement évolué vers un cadre mieux défini, plus ouvert et plus standard (XHTML, CSS, DOM, PNG…). »

Bref, il fallait bien que quelqu’un dise que le web du début, c’était pas pareil que le web d’aujourd’hui (fortiche le gars). Et il fallait en trouver la raison. Alors on a schématisé à tout va, car personne n’arrivait à s’accorder sur le sens, pas même les inventeurs, et pour cela, on s’est appuyé sur une chose simple, définir le web 1.0 et le comparer. Une image vaut mieux que de longs discours. Ce qui donna lieu à de jolis schémas de ce type :

En gros, le web 2.0 c’est l’internaute qui prend le pouvoir, pourrait-on vulgariser. Pourtant, au travers des forums, l’internaute avait déjà la parole. 1996,  il existait déjà des réseaux sociaux (classmates) ou des wikis (1995) voir des blogs. Alors n’est ce pas plutôt plutôt l’accès massif au haut débit qui va bouleverser nos mentalités ? À notre taux d’équipement en ordinateurs ? À notre taux d’équipement en appareils numériques ?

Mais forcément, quand on avance un peu à l’aveuglette, comme pour un scénariste, il y a des failles. Il a fallu expliquer certains petits trucs qui n’allaient pas, qui ne collaient pas au schéma. Connaissez-vous les CMS ? Ce sont des sites Internet facilement administrables, qui ont réduit la notion de webmaster à celle de concepteur rédacteur (tout le monde n’ayant pas de bagage technique pouvant remplir un site). Ils sont arrivés juste avant le web 2.0. Savez-vous qu’ils correspondent à ce que l’on nomme web 1.5 (bah ouais, ils étaient dynamiques et pas socials, donc ni 1.0 ni 2.0).

D’après IDFR voici leur définition :

Ces sites Internet sont des sites entièrement dynamiques, dans le sens où le contenu du site est dans une base de données, totalement administrable par un webmaster sans notions HTML. Ces sites s’appuient donc sur les outils de gestion de contenu, aujourd’hui largement diffusés. Mais le fonctionnement général reste identique au web 1.0 : le webmaster du site (ou tout autre personne de la société qui édite le site) ajoute, modifie et supprime les contenus.

On crée le terme web 2.0 en disant « avant c’était statique et tout et tout » pour finalement se rendre compte que les CMS existaient. Il faut dès lors trouver un autre terme, alors on va appeler cela 1.5. N’est-ce pas ridicule ? Ce serait comme si des historiens disaient : « bon aujourd’hui on est dans une société 2.0, la préhistoire c’est méga 1.0 vu qu’on n’avait pas l’écriture. Par contre la révolution Gutenberg, c’est 1.5 vu qu’on va industrialiser les process d’écriture. Ah oui et les papyrus, ça doit être du 1.3 mais faudra vérifier, pas sûr que y avait que les scribes qui écrivaient ».

Pour définir une période, il faut en amont analyser les évolutions pour pouvoir exprimer et définir en quoi la nouvelle période est justement une révolution. Dans le cadre du web 2.0, la seule chose qui a été faite fut de dire « ça bouge, il se passe un truc on va appeler 2.0 ». On ne cherche pas plus loin, c’est l’euphorie générale avec ceux qui disent  « mais si le web 2.0 c’est extraordinaire, c’est un web social, avec des communautés et tout et tout » et ceux qui suivent sans vraiment savoir pourquoi. Pourtant, en 2007, le terme n’a plus la même saveur, car usé jusqu’à la moelle il faut innover. Alors naquirent les  « médias sociaux » qui en jetaient plus quand même. Même combat, impossible à dire vraiment ce qu’il en est, mais les étiquettes vous savez. Les définitions de ce terme sont longuement analysées par Fred Cavazza qui en donne sa propre version : « Les médias sociaux désignent un ensemble de services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur Internet ou en situation de mobilité. »

Ça me rappelle mon ancien appartement. Le bâtiment tombait en ruine alors quand une poutre s’est détachée du plafond et a failli décapiter mon voisin, les propriétaires ont décidé de repeindre la cage d’escalier. Le terme web 2.0 tombait en déconfiture, alors plutôt que de lui donner un sens, de le définir, on a modifié son appellation sans réellement en donner de sens, principe du « je change la forme, pas le fond ».

Pour s’en rendre compte, analysons ces schémas. Ici une présentation des plateformes web 2.0 :

Attention, maintenant panorama des médias sociaux… hum oui je sais c’est assez ressemblant :

On est plus dans une guerre sémiologique dont on se fiche du sens. On peut même aller plus loin, en plongeant dans les plateformes en elles-même.

Qu’est qu’un réseau social (sur Internet ?) Comme le rappelle Émilie Ogez :

Catégorie de sites web avec des profils, un commentaire public du profil semi-persistant et un réseau social publiquement articulé et visitable, montré en rapport au profil.

Dans son article, elle note que cette définition s’applique également à YouTube, Flickr, Twitter… L’ensemble de ces plateformes ayant un profil connecté à une communauté, elles sont par conséquent des réseaux sociaux. Ce qui est dérangeant dans l’affaire, c’est que pour l’internaute lambda, un réseau social, c’est Facebook, MySpace ou Orkut. En fait, ils sont des anonymes dans la grande famille des réseaux sociaux, je m’explique.

YouTube est ce que l’on nomme une plateforme d’hébergement vidéo, Flickr de partage photo, Twitter de microblogging… Facebook serait plus alors un « social linker », dont le principe est justement d’affiner ce lien social, reposant plus sur la communauté et ses interactions que sur la valorisation du contenu (Flickr photo, YouTube vidéo, Twitter information, Facebook lien social ?). Cependant, on le nomme réseau social. Pour faire une analogie, ce serait comme si on parlait des chiens, des chats et que l’on ne s’appellerait plus « humains » mais «mammifères ». Étrange non ?

Au même titre, si les CMS permettent à tout un chacun de produire du contenu en ajoutant modifiant ou supprimant des données numériques, alors Facebook est également un CMS par définition. Vous voyez le truc ? En gros, les barrières sont tellement minces qu’à vouloir absolument tout définir, on en vient à altérer le sens et à ne plus rien comprendre quoi est quoi. Il devient de plus en plus complexe d’expliquer les choses tellement on a voulu les définir par leur nom, les catégoriser dans des cases précises. C’est Internet, c’est tout.

Car le web social, et toutes les technologies qui ont fait naître le mot web 2.0 et tous ces dérivés ne datent pas de 2004. Voici un bref historique des sites web 2.0 :

=> 1995 s’ouvrait Classmates premier réseau social de l’histoire

=> 25 mars 1995 un certain Ward Cunningham met en place le premier wiki

=> milieu des années 90, de nombreux sites s’apparentant à des blogs émergents

=> 1999 ouverture des plateformes de blog Live Journal et Blogger permettant à tout un chacun de disposer de son propre blog

=> novembre 1997 ouverture de Company of Friends, premier réseau social d’affaires

=> 1999 ouverture de Ofoto, premier site de partage de photographies

=> 1999 création par Netscape du flux RSS

La plus grande majorité des innovations technologiques et sociales étaient déjà présentes avant même que commence l’avènement du web 2.0 que l’on situe en 2000 (et on ne parle pas des forums, news groups… qui sont complétement dans des logiques communautaires). Donc pourquoi parler de web 2.0 presque 10 ans plus tard pour expliquer une réalité présente ? Pourquoi créer des néologismes à tout va pour définir seulement des évolutions ? Un peu comme si on disait que la théière d’aujourd’hui parce qu’elle a un système de filtre particulier est une chose nouvelle, faisant abstraction qu’elle existe depuis longtemps.

Prévoir le futur ? MADAME IRMA ?

Toujours plus dans le ridicule. Après avoir définit le présent, puis le passé,  maintenant, l’on tente de prévoir le futur en utilisant des terminologies comme web squared ou web 3.0… mais toujours dans des limites floues… histoire de vendre et de débattre sans trop se mouiller. Attention, accrochez-vous.

Alors le web squared c’est quoi ?

Voici une définition des nouvelles technologies agissant dans ce web transitoire chez Ideose :

  • « Les différentes innovations récentes dans le web marquent une évolution suffisante pour ne plus parler de web 2.0 mais elles ne constituent pas une rupture demandant d’être illustrée par un nouveau numéro de version. Le web squared marque une transition.
  • Voici la liste de ces innovations web avec un court descriptif pour chacune :
  • Implied data (données implicites) : la surabondance d’informations sur le Web est une des critiques souvent entendues en regard du temps quotidien disponible de chacun. Elle est justifiée si le traitement des informations se fait de manière manuelle. Or, des outils et logiciels sont aujourd’hui capables de marquer une donnée avec une métadonnée autorisant ainsi son traitement automatique. L’exemple des photos numériques (les données) auxquelles l’appareil ajoute automatiquement des informations sur le type d’appareil, la date et le positionnement GPS (les métadonnées) illustre bien le fonctionnement et l’intérêt de cette innovation. En effet, ces métadonnées permettront aux moteurs de recherche de trier automatiquement les photos publiées sur le web en fonction d’un paramètre de recherche comme le lieu par exemple. Une autre application des métadonnées est par exemple la visualisation de tendances sur une carte (exemple : toutes les photos prises en Europe par tel ou tel appareil). Par ailleurs, les systèmes auto-apprenants permettent ensuite de croiser ces métadonnées avec d’autres paramètres comme par exemple : reconnaître le visage d’une personne sur les photos prises à Paris à telle date.
  • Information shadow (informations cachées) : chaque donnée (un objet, une personne, un document, un lieu…) est rattachée à d’autres données. Si vous prenez par exemple en photo une personne ou un lieu, l’image créée est une donnée qui est en fait rattachée à toutes les données (d’autres photos, des articles…) concernant cette personne ou ce lieu. Avec des logiciels adaptés et un accès aux données via le web, ces informations « cachées » peuvent apparaître et être donc utilisées (les applications de réalité augmentée utilisent ce principe).
  • Real time web (web temps réel) : le « web temps réel » est l’ensemble des informations envoyées sur le web par des personnes de manière instantanée et publique. Ces informations sont – à la fois et en temps réel – envoyées à un groupe de destinataires, publiées sur le web et analysables par des logiciels de traitement de l’information. Le service le plus connu dans ce domaine est le service de microblogging Twitter qui permet à chacun de diffuser sur le web des messages courts. Les conséquences de cette définition sont que le « web temps réel » crée à la fois une nouvelle forme de communication (échange instantané, précis et publique) mais aussi une nouvelle manière d’analyser les tendances sociales (capacité d’agréger toutes ces informations publiques par des analyses humaines et logicielles).
  • Data ecosystems (bases de données interconnectées) : dans ce web des données, l’ajout de valeur va venir de l’interconnexion des bases de données permettant ainsi d’accéder de manière transversale à tous les domaines se rapportant à une donnée. Par exemple, au mot ‘Paris’, on pourra attacher aussi bien les données géographiques, culturelles, historiques que les données cinématographiques, touristiques, etc. Chaque donnée devient ainsi une porte d’entrée à plusieurs bases de données. »

Chaud chaud. Pour rappel Twitter s’est crée en… 2006.  Donc 2004 web 2.0 2006 web squared… 2005 web 3.0 …… ouch.

Oui je sais, ça avance vite dans le monde du web… ou il y a un énorme décalage je ne sais pas trop. Toujours est-il que voilà ce qu’est le web squared en surface.

Des schémas pour informer les internautes curieux commencent également à pointer leur nez, expliquant que le web squared c’est comme le web 2.0, un fourre-tout. Même notre copain Nabaztag (vous savez cette immonde peluche qui vous dit quand vous recevez un mail) est squared… pffiou allez comprendre vous…

Oui je sais, c’est à se pendre, imaginez quand on doit expliquer ça aux gens, aux clients comme à notre famille. Twitter, dans le web squared, lui qui faisait partie des médias sociaux… Car le web squared étant une phase de transition, il va forcément prendre du web 2.0 et du web 3.0, même si selon certains spécialistes… les web squared arriverait après le web 3.0… Guerre stupide au demeurant à vouloir tout conceptualiser, on finit par en perdre son latin.

Des petits tableaux voient donc le jour comme pour le web 2.0 parce que expliquer quelque chose avec des mots est trop compliqué quand ce n’est que du concept. On met web 1.0 web 2.0 et web squared pour que les gens comprennent le cheminement. Demain on se rendra compte que certains sites n’entraient pas dans toutes les cases et il faudra probablement créer le web squared 1.5… arg !

De même qu’est ce que le web 3.0 ? Bah il y a des malins qui font des pyramides de Maslow en web 2.0 et web 3.0, mais il y a encore pire, c’est les définitions (c’est pour ça que j’ai mis des schémas avant sinon vous seriez mort, cerveau explosé).

Attention, ça va faire mal aux cheveux :

D’après Wikipédia : « désigner ce qui, en 2008-2009, constitue l’étape à venir du développement du WWW . » Donc on serait déjà dedans ? Fred Cavazza, comme de nombreux spécialistes, nous parle de web sémantique (en 2006 soit un an après le web 2.0), qui correspond un peu au web squared pour d’autres… bref beau bordel en vue.

Comme le rappelle Vincent Abry, l’une des définitions évoquée en 2007 était : « la création de contenu de grande qualité et de services produits par des individus doués utilisant la technologie de web 2.0 comme une plateforme. » Ce à quoi aurait répondu O’Rilley, (les inventeurs du terme 2.0 qui nous l’avons vu évoquait des choses déjà existantes lors de l’étiquetage du concept) : « le contenu du web modéré par d’autres personnes cela n’est pas nouveau. »… Oui, je sais, c’est très très capillotracté et cela vous donne une certaine idée de la guerre des gourous du web, une guerre du sens basé sur le non-sens et l’absurde. Donc le web 3.0, on en parle, certains disent que l’on est dedans, d’autres disent que non… au final, on s’en fout complètement, voyons arriver l’avenir sans chercher à le nommer, soyons intelligents pour bien nous positionner en terme de communicant. Nous somme dans le web, point barre.

Conclusion

Les néologismes du web sont comme un arbre sans racines qui produirait des fruits pourris. Ils répondent plus à une logique de communicant qu’à une réelle révolution. S’il y a évidemment des évolutions technologiques, celles-ci ne révolutionnent en aucun cas Internet, ce sont plutôt les mentalités, l’internaute 2.0 si l’on pourrait dire.

L’arrivée de réseaux sociaux comme YouTube, Flickr, MySpace, en masse, correspond à des aspirations d’internautes, ceux-ci devenant de plus en plus équipés en appareils, de plus connectés avec des débits de plus en plus gros. Il est normal qu’ils veuillent à leur tour produire des contenus, ce qui jusqu’alors n’était possible que par des connaissances techniques. Alors il y a eut les CMS, les sites persos, puis des réseaux sociaux… Et puis les grands gourous du web ont dit « allez, c’est du web 2.0 là ma poule ». Après, il a fallu trouver une définition à tout cela, l’ancrer dans le temps.

On a commencé à se dire que avant c’était web 1.0, ce qui n’a pas de sens, convenons-en. Que ce web 1.0 était tout statique avec personne n’intervenant. On a alors pris en compte le fait que les CMS existaient. Et par conséquent que le web 2.0 ce n’était pas statique vs dynamique, et l’on a créé le web 1.5 pour tenter de rattacher les wagons pour créer une apparente cohérence. Les forums, news groups ou encore tchats s’ils créent du lien social, s’ils sont repris sur certaines plateformes 2.0 sont 1.0 et puis c’est tout est ainsi martelé.

Il a fallu donner une certaine date aux médias sociaux, pour mieux clarifier les choses, et l’on a dit que ce serait début 2000, faisant l’impasse sur les prototypes des années 90. Mais les gourous ne souhaitaient pas s’arrêter là. Ils venaient de coller des néologismes sur le passé et sur le présent, il fallait maintenant définir le futur. Ce sera le web 3.0 avec une période transitoire que l’on nommera web squared… allez chercher la logique vous. Et puis comme les web 1.0 et consort ne faisaient plus bien car trop associés à une zone floue, alors on a créé le terme « médias sociaux » pour faire un fourre-tout. Cela parle bien médias sociaux, c’est un média avec du social dedans, les gens comprendront… hum pas sûr.

Perdus dans le firmament des définitions, les internautes n’en ont que faire, cette petite gueguerre des terminologies n’intéresse que les marketeux, et ce sont eux qui l’ont créée pour vendre du rêve au final. « Attendez monsieur le PDG, aujourd’hui je vous fais une campagne social média et on ancre le tout dans le temps réel, ce qui nous permettra de glissé vers le web squared, lui-même nous permettant un positionnement dans le futur sur les moteurs sémantiques ou web 3.0. » Vas-y que je t’embrouille. L’internaute, il a son réseau social Facebook, ses vidéos YouTube et si demain on lui demande de taguer ses recherches, il le fera sans se demander « ouah, trop la classe je suis rentrer dans le web 3.0 »…

Ces préoccupations qui enflamment Internet sont tout simplement ridicules. Le web 2.0 existe-t-il réellement ? Les professionnels se cassent les dents sur ces concepts (car il faut aussi tenter de les comprendre dans notre métier). Certains semblent y arriver… L’internaute, lui, ça ne le touche pas. Internet c’est Facebook et Google. Après, web 2.0, 3.0, il s’en moque, il ne comprendra pas et ne cherchera pas à comprendre.

En fait, le web 2.0 et tous ces néologismes, comme le rappel Eric Schmidt de chez Google n’ont réellement qu’une vocation : marketing. Pas étonnant qu’ils soient du fait de communicants ou de journalistes.

Qu’en pensez vous ?

Billet initialement publié sur le blog d’Antoine Dupin

Image de une CC Flickr ilgiovaneWalter (Sobchak)

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