Sarkozy bat en retraite

Les journalistes de données d'OWNI ont mis à l'épreuve les chiffres évoqués par Nicolas Sarkozy sur l'augmentation des pensions de retraite. Verdict : dans sa tentative de séduction de l'électorat âgé, le président-candidat pèche par excès d'optimisme. Et flirte plus que jamais avec la dernière place dans le classement OWNI-I>Télé de la crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle.

Rien ne va plus pour les deux lanternes rouges du classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à la présidentielle. Nicolas Sarkozy repasse sous la barre des 44% de crédibilité (43,9%), à seulement six dixièmes de Marine Le Pen (43,3%), toujours dernière au classement. Avec 59,9%, Eva Joly rattrape son retard sur Jean-Luc Mélenchon, qui reste en tête avec 62,1% de crédibilité.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 49 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle1. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Nicolas Sarkozy réforme les retraites

C’est le grand argument de la campagne du président-candidat, la France a, mieux que les autres pays européens, traversé l’épreuve de la crise économique. Un exemple ? Les pensions de retraite ont augmenté ces dernières années.

Mais, au gré des discours et des interviews, la hausse évoquée par Nicolas Sarkozy a tendance à changer de nature. Ainsi, les retraites auraient suivi la hausse de l’inflation, comme il l’indiquait dans l’émission Parole de candidat sur TF1, le 12 mars dernier :

J’ai continué à indexer les retraites [sur l'inflation].

Moins d’un mois plus tard, lors de la conférence de presse du 5 avril où il a présenté son programme, Nicolas Sarkozy parle cette fois-ci d’une “actualisation” des pensions de retraite, pas de leur “indexation” sur l’inflation :

Non seulement en France on n’a pas diminué les pensions de retraite, à la différence de ce qui s’est fait dans tant de pays européens, mais on les a actualisées.

Et le candidat UMP a bien fait de se corriger. Car, si les pensions de retraite du régime général ont effectivement augmenté en France en 2011 – de 0,6% d’après la revue Cadr’@ge [PDF] de la Caisse nationale d’assurance maladie -, cette hausse a été très éloignée de l’inflation. D’après l’Insee, l’indice des prix à la consommation, qui correspond à ce que l’on désigne généralement par l’inflation, a augmenté de 2,5% pour la seule année 2011.

Autrement dit, les pensions de retraites ont augmenté 4,2 fois moins vite que les prix en 2011. Une précision que se garde bien de rappeler le président-candidat.

Jean-Luc Mélenchon logé à la bonne enseigne

L’équipe du Véritomètre s’est refusée à vérifier le nombre de sympathisants présents au discours de Jean-Luc Mélenchon à Toulouse, le 6 avril dernier. Il en va autrement des chiffres qu’il a évoqués sur les inégalités de logement :

Huit millions de mal-logés dans la cinquième puissance du monde [la France]

Aucune source officielle ne permet de confirmer ce chiffre. En revanche, le rapport 2012 de la Fondation Abbé-Pierre, qui fait autorité auprès du ministère du Logement, estimait à huit millions le nombre de personnes en situation de mal-logement en France. Conformément, donc, aux propos du candidat Front de Gauche.

Quant à la puissance économique de la France, Jean-Luc Mélenchon est aussi dans le juste. D’après les données de la Banque mondiale, le Produit intérieur brut (PIB) de la France s’est élevé à 2560 milliards de dollars (courants) en 2010, faisant donc du pays la “cinquième puissance du monde”.

Les mauvais calculs de François Bayrou

François Bayrou a été par deux fois ministre de l’Éducation nationale, entre mars 1993 et mai 1995, puis entre novembre 1995 et juin 1997, et il entend bien le rappeler. Quitte à en faire un peu trop sur ses résultats de l’époque, comme lors du discours qu’il a tenu à Poitiers le 5 avril dernier :

Depuis que j’ai quitté le ministère de l’Éducation nationale, la France n’a cessé de glisser dans les classements internationaux.

Les “classements internationaux” dont parle le candidat MoDem sont en fait au nombre de un, s’agissant de sources officielles, en l’occurrence le Programme international de suivi des acquis des élèves (Pisa), réalisé tous les trois ans par l’OCDE.

Or, la première enquête du Pisa n’est parue qu’en 2002, cinq ans après le passage de François Bayrou au ministère de l’Éducation nationale. Et elle se basait sur des données récoltées en 2000. Difficile d’affirmer, donc, que c’est en raison de son départ du ministère de l’Éducation que le score de la France dans le classement international des systèmes scolaires s’est dégradé.

Le classement Pisa ne réussit décidément pas à François Bayrou. Celui qui se réclame davantage président de l’Association pour la défense du calcul mental en France – comme à Caen le 7 avril dernier - que président du MoDem a une fois de plus avancé, lors de son discours à Poitiers, que la France était “34 ème sur 35 [pays membres de l’OCDE] pour le calcul”. La dernière édition du Pisa [PDF] affiche plutôt la France (page 9) au quinzième rang de l’OCDE, à égalité avec la République tchèque, pour la culture mathématique.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []

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