[INTERVIEW] Franck Florino, artiste vidéo

Le 10 décembre 2010

Rencontre avec Franck Florino, réalisateur de clips dont l'oeil et l'empreinte forment une œuvre à suivre de près. Il nous livre sa vision d'un métier toujours innovant et dynamique.

Sébastien Gilles a, pour FluidRiver, interviewé Franck Florino, le réalisateur du clip de JD Davis “Moscow Discow”, commissionné par FluidRiver pour le label Pschent. Portrait d’un expérimentateur visuel…

Qui es-tu ? Parle-nous de ton parcours, de ton univers et de tes projets.

Dès mon plus jeune âge à Nice, je réalisais des petits films, pas toujours significatifs mais j’étais satisfait de pouvoir m’exprimer par ce biais.
J’ai commencé de manière professionnelle à Paris, il y a 15 ans déjà, par le montage sous toutes ses formes, news, reportages, docus puis pubs, courts-métrages et enfin clips. J’ai énormément appris au côté de nombreux réalisateurs et le fait d’avoir monté plus de 200 clips musicaux m’a forgé le regard.
Par la suite, la chaîne Voyage m’a offert l’opportunité de réaliser des reportages et documentaires. J’ai pu voyager à l’étranger à l’occasion d’émissions thématiques, une superbe école pour le tournage et l’improvisation.

J’ai ensuite réalisé mon 1er court-métrage en 35 mm « ex » en ayant la satisfaction de pouvoir montrer mon propre univers…il s’agit d’un thriller à la sauce humour noir. Deux années d’acharnement pour une très belle aventure. A l’époque, un titre a été composé spécialement pour le film et voilà mon tout premier clip (interprété par Lisa Manay et composé par Laurent Sauvagnac) : « Happy ».

PAUL MC CARTHY, MATTHEW BARNEY, JACKSON POLLOCK

Puis les choses se sont enchainées, deux autres courts-métrages « Je » et « Babette », et jusqu’à aujourd’hui des pubs et des clips.
Mes aspirations visuelles se tournent de plus en plus vers l’art expérimental et les performances. Par exemple Paul McCarthy, Matthew Barney ou Jackson Pollock sont pour moi des sources d’inspiration.

J’essaye de trouver un équilibre entre des commandes plus commerciales et ma propre expression artistique qui n’est pas toujours compatible. C’est un jonglage schizophrénique mais vital dans tous les sens du terme.

En ce qui concerne mes projets, je travaille sur quelques concepts de clips avec des labels et je développe un long-métrage « XX+XY ». Il s’agit d’un film expérimental sur le contrôle du sentiment amoureux…tout un programme : )

Comment as-tu travaillé sur ce clip ?

Ce clip a une histoire particulière. J’ai d’abord littéralement craqué sur le lieu en regardant un reportage télévisuel sur une usine de poupées gonflables.
J’avais focalisé sur le potentiel de la matière, le côté terreux sur les visages de ces mannequins inertes, l’eau et cette couleur de latex pure… Je me suis donc rendu sur place pour faire des photos et essayer d’obtenir une autorisation de tournage.

C’est ensuite que j’ai soumis ce décor atypique via Fluidriver au label Pschent pour ce single « Moscow Discow » (NDLR: voir l’histoire du clip ici).

“UN LIEU PARTICULIER, LE POTENTIEL DE LA MATIÈRE”

Afin d’adapter ce décor au morceau, j’ai eu l’idée de transformer cette usine de poupées gonflables en une usine d’androïdes. Il fallait du coup que je trouve une fille qui puisse s’intégrer aux mensurations du moule. Pas simple mais Emily d’Angelo est apparue.

Après, c’est en collaborant avec Virginie Pichot, ma Directrice Photo, que nous avons essayé de rendre le lieu cinématographique… Je rends hommage à l’artiste JD Davis qui s’est prêté au jeu admirablement.

Quel regard portes-tu sur l’objet “clip” en tant que réalisateur ?

J’ai toujours adoré cette forme d’expression.
C’est un domaine assez libre et sur le vif. Les tournages durent souvent qu’une journée donc c’est très rock and roll et dans le même temps formateur.
Il y en a vraiment pour tous les goûts mais pour moi, aborder un clip comme un court-métrage est vraiment intéressant. On ne peut pas le faire tout le temps car ce n’est pas toujours approprié mais quel bonheur quand c’est possible.

Il est vrai que les budgets ont considérablement baissé mais c’est aussi à nous de devoir nous adapter…dans l’attente d’un nouveau souffle auquel je crois.
Je pense que nous allons retrouver les moyens de travailler convenablement en cherchant des financements ailleurs. Le placement de produits en est un très bon exemple. Nous sommes encore frileux en France, mais si c’est fait intelligemment et subtilement, pourquoi pas ?

Selon toi, quel rôle joue le clip dans la “stratégie de promotion” d’un artiste sur Internet ?

Pour moi, un artiste doit plus que jamais avoir son propre univers en adéquation avec sa musique.
Les images fusent dans tous les sens sur facebook et youtube, nous sommes dans une frénésie de mini séquences à tout va, les outils sont à portée de tous, caméras et logiciels de montage, etc…mais justement, nous nous inscrivons dans une nouvelle génération et les challenges sont grands.
Dans cette grande toile, le clip devient la référence ultime.

On regarde tous une chanson en plus de l’écouter ! Il faut donc soigner le stylisme, les couleurs, le look, le décor, la narration éventuelle. Et même un clip minimaliste est prometteur, et par conséquent ultra promotionnel, si il a été vraiment pensé et travaillé pour l’artiste.
Fais-nous découvrir 3 clips présents ou passés qui t’ont marqué.

C’est très compliqué, il y en a beaucoup mais d’abord voici une petite merveille chorégraphiée qui n’est pas un clip fait pour un artiste mais que j’admire pour la précision du montage et l’esthétisme : Of Porcelain « Signal the captain »:

Pour le message, la narration et parce que c’est ce qui m’a donné envie de faire du clip : Leftfield « Afrika Shox »

Pour l’idée extra et la formidable interprétation : Mickey 3D « Matador »

Pour la performance, la précision et le travail en amont que cela nécessite : Ok Go « This too Shall Pass »

Article initialement publié sur FluidRiver.

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